Au début, il avait voulu croire à un simple engourdissement de son bras, puis, les vibrations se faisant plus régulières, il s'était rendu à l'évidence : on tentait de le rejoindre. Après plus de six mois passés en plein Moyen Âge, il avait presque oublié ce lien qui le rattachait à une autre époque, un autre lieu ; ou plutôt, il avait tout fait pour l'oublier et vivre en fugitif, à sa manière. En poursuivant son errance à travers le temps.
Sur l'horizon, le ciel avait pris une teinte pourpre ; il régnait une atmosphère étrange, irréelle. Après l'euphorie de la victoire, un silence lourd s'était abattu sur la plaine ; les sons semblèrent momentanément étouffés, comme si le temps lui-même reprenait son souffle.
Puis lentement résonnèrent de nouveau les bruits des pas, des armes, des voix et des rires féroces.
Ainsi donc, on les attendait, se dit-il, jetant un regard furtif à Jia qui le lui rendit avec la même interrogation.
Resté derrière eux, Li Si frappa alors dans ses mains, sans un mot, et l'ensemble des courtisans, courtisanes et autres personnages se dirigea d'un même mouvement vers la sortie. Lorsque les portes furent refermées par quatre soldats restés à leur poste, ils remarquèrent que Li Si aussi s'était retiré. Seuls l'empereur, les quatre gardes et un homme qu'ils n'avaient pas remarqué jusqu'alors étaient maintenant présents dans la salle. Ce dernier venait de s'extraire lentement de la pénombre qui l'abritait, non loin des colonnes latérales du trône.
La mort devra se contenter de cette statue d'argile pour l'éternité, admit-il avec un sourire narquois. Quant à lui, il rejoindrait les hommes véritables, ceux pour lesquels les portes du temps restent ouvertes à jamais afin de les rendre immortels.