À l'amitié
sentir quelqu'un
c'est sentir son ouverture
à travers ses verrous
p.12
Quitte le séjour, il se réfugie en toi. Le seul malheur est d'oublier que nous sommes l'immensité du ciel : uniques et incalculables. De rogner nos ailes aux ruelles du mensonge. De renier la grâce qui nous est, à tout jamais, accordée. Alors que déjà la joie monte et nous gagne comme un matin. Nous sommes un ciel, un espace ouvert, une vacuité sans fond qui contient le monde tout entier. Sans fin, le sans visage nous dévisage.
elle
devant moi
debout dans l'ombre
comme une lumière
Le séjour de l'éveil est dans la clarté de l'esprit, dans cette lumière irradiant toute chose de sa présence. Toute chose n'a lieu qu'en son séjour. Partout circule l'énergie, aucune chose ne serait sans elle; mais la pierre, la fleur, la terre ne se prennent pas pour autre chose qu'une manifestation de cette énergie. Seul l'homme pense être quelqu'un, se détache de sa source jusqu'à l'oublier.
Je vais aller où je ne suis jamais allé, là d'où je ne suis jamais parti. Revenir au séjour que je n'ai jamais quitté. Ce lieu abstrait, comparable au ciel immense, vide, lumineux, sans limite ni contour. Il n'est que de se retourner vers lui, vers ce que fondamentalement nous sommes. Retourner le regard vers sa source. Plonger dans la fontaine obscure d'où surgit le regard. Devenir ce qu'il n'a jamais cessé d'être. Une lampe allumée dans la nuit des tempes. Car le ciel n'est rien d'autres qu'un regard.
84.
Allez bien doucement, messieurs les fossoyeurs./ Allez bien doucement, car si petit qu’il soit de la taille d’un homme, ce meuble de silence renferme une foule sans nombre et rassemble en son centre plus de personnages et d’images qu’un cirque, un temple, un palais, un forum ; ne bousculez pas ces symboles divers pour ne pas déranger la paix d’un univers./ Allez bien doucement, messieurs les fossoyeurs
poignée de cendres
le poème
ne vit que dans
la flamme
Ce n'est pas à travers les trous oculaires que je vois. C'est à travers un oeil qui est derrière et au-dessus. Un oeil qui est chez moi et fait comme chez lui. Comme chez toi. C'est un regard impersonnel. Ce qu'il voit au dehors, est personnel. Ce qui est dehors, apparaît et disparaît. Mais cet oeil qui voit tout n'est jamais apparu, c'est simplement une ouverture qui laisse sa place au monde.
Si
dans ta tête
tu te retournes
face au sans face
tu vois
Dieu
Il t'efface
Rien d'autre
p 57
Le vol instantané
J’étais devenu le vent. Le ciel. La juste distance.
La clarté et les grands fonds de l’intériorité. (…)
Je visitais ainsi d’incroyables contrées où se vit
toute une part de notre vie que nous ignorons.
Mais bientôt les rêves rejoignaient le néant des
pensées foudroyées. À tire-d’aile, nos enfances
s’éloignent. Les parents, les aînés, les amis dis-
paraissent. À tire-d’aile, l’enfance regagne son
royaume, sa perspective radieuse, son origine
instantanée. Le grand jour unique de la cons-
cience.