Guy Hocquenghem s'exprime.
Et cette inexistence est inscrite en tes initiales, BHL. Tu n'as même pas de nom à toi, rien qu'un sigle, comme RATP, ou SNCF.
Les relations que vous eûtes avec Sartre rendent évidents, chez vous, le désir, secret et tenace, de la manipulation absolue, le rêve de la marionnette sans autonomie. [...] Par l'intrigue et la séquestration vous avez mis la main sur lui, cette manière de confisquer les grands hommes vieillissants est très mao ; détournement de vieillards illustres.
Sortir, devenir autre tout en restant soi, se teinter, adopter l'expérience du monde. C'est cela écrire, devenir!
« Ne perdez pas votre temps à tendre l’autre joue et autres jeux d’accommodation. Si vous cherchez un siège à votre taille, la mort vous va comme un gant. »
« On ne voudrait pas partir avant de s’être compromis ; on voudrait, en sortant, entraîner avec soi Notre-Dame, l’amour ou la République. »
Jacques Rigault
Jeunes gens de 1972, il n’est pas sûr que vous vieillissiez jamais. Où sont-ils ceux qui nous ont dit il y a quelques années : « Vous verrez, vous aussi vous prendrez de l’âge et de la cravate. Vous vous rangerez… » ? Alors, plutôt que d’accepter l’ignoble loi du nécessaire vieillissement, plus d’un d’entre nous aujourd’hui sent pousser en lui, vénéneuse et chérie, tout ensemble, la fleur morbide et consolante du rêve suicidaire. D’autres s’immobilisent, retenant leur souffle, appesantis par le besoin que tout s’arrête, comme englués et paralysés, déjà f igés par ce qui se murmure d’une voix troublante dans nos cauchemars éveillés : être saisis ainsi, avant que tout ne soit retombé, alors qu’est encore lisible sur nos visages tourmentés le ressac de Mai. Que se fixe l’histoire comme un cliché qui nous suspend dans un geste encore héroïque d’être au lendemain d’une veille de révolution.
Libération, 5 juillet 1979: "Alain de Benoist, je l'ai en face de moi, dans un petit restaurant de la place des Vosges. Il aime beaucoup Libé, m'explique-t-il, il partage beaucoup de remises en question avec nous. (...) « Moi je suis prêt à signer tous les textes contre l'expulsion des travailleurs immigrés. (...) Antisémite, moi ? Je sors de chez un rabbin, j'ai beaucoup de relations avec la communauté juive, vous et moi avons les mêmes ennemis (...)
Alain de Benoist est petit, modeste, volubile, mal rasé. (...) La Nouvelle droite, c'est d'abord le plus cynique et le plus résolu des entrismes. Soyez là partout où il y a de l'influence à gagner. Je me mets à penser qu'au fond Alain de Benoist tente de réaliser la même opération à Libération par mon intermédiaire. Une remarquable souplesse : un mimétisme fabuleux, comme ces plantes carnivores ou des insectes patients de la jungle. Depuis une heure, Alain de Benoist me parle« gauchiste », il me file un article louangeur que publiera leur revue sur mon livre La Beauté du métis."
Je passerais, désormais, ma vie à ce bureau, dans ce creux accueillant de la bibliothèque, au milieu du murmure de la ville. J’avais redécouvert les caractères arabes ; j’avais menti en affirmant au conservateur que je savais très bien lire. Rien que de les toucher, les évoquer, les reconnaître, avec le cortège de sentiments, d’images du passé qui les accompagne, est merveilleux. Je parcours des traités de logiques, des falâsifa, les invocations mystiques des soufis, et surtout les poètes : la vraie littérature, les œuvres calligraphiées. Ces écrivains avaient pris la poésie au pied de la lettre, dans ce qu’elle a de rare ; Abou Nawas, Al Moutanabbi, et, pour moi, le maître des maître, Aboul Al’Al Maari, l’aveugle, le rude qui a écrit sa propre tombe, parlant de sa propre naissance : « ci-gît le produit de la faute imputée à mon père que moi je n’ai jamais commise envers personne… »
Dans le groupe sujet se dépasse l'opposition entre collectif et individuel, le groupe sujet et plus fort que la mort parce que les institutions lui paraissent mortelles. Le groupe sujet homosexuel, circulaire et plane, annulaire et sans signifiant, sait que la civilisation est mortelle, elle seule.
Tous les tribunaux sont affectés de la même tare que ce dont ils ne valent pas mieux; ils prolongent l'injustice si même ils ne l'accentuent.
Je n'ai plus d'amant régulier depuis des années. Au début, ça s'est simplement espacé. Ils se faisaient rares. Comme dans les changements écologiques, je ne me suis rendu compte de rien. Le paysage amoureux était déjà aux trois quarts stérile autour de moi, quand j'ai pris conscience que les pluies acides de la désillusion avaient exterminé les bosquets de l'amour.
Je ne vois ni ma famille, trop dispersée, ni mes collègues écrivains. Je vis si seul que je pourrais bien finir assassiné, comme les vieilles dames du quartier, par un type qui m'aurait suivi, avec mon accord, depuis le boulevard ; et personne ne s'apercevrait de rien avant des semaines, quand l'odeur s'étendrait en nappes fétides dans l'escalier.