—Monseigneur, ô roi véritable, puis-je avoir la permission de parler librement ? lance Shaye, perchée sur un rocher d'où elle a entendu toute la conversation.
—Oui, vas-y, gronde-t-il.
—Tu te comportes comme un con. C'est tout, déclare-t-elle avec un sourire malicieux.
—C'est un vrai dîner de roi !
Il découpe une tranche de pain, ouvre le pot de confiture et s'en fait une grosse tartine.
J'éclate de rire.
—Pas tout à fait.
—Si ! La preuve : je suis le roi, et c'est mon dîner.
-Je ne peux pas partir. Réponds-je en serrant mes genoux contre ma poitrine.
-Pourquoi?
-Je ne peux pas vous laisser, Père et toi.
-Ma chérie..., commence-t-elle en me passant le bras autour des épaules. Tous les enfants finissent par partir. Parfois, ils restent dans le même quartier, ou bien ils vont très loin. L'important, cependant, c'est que les enfants soient heureux, aimés, qu'ils se sentent à leur place. C'est tout ce que veulent les parents.
Elle est ma Luella, vivante et changeante comme la terre sous nos pieds. Aimer le printemps n'implique pas de détester l'automne. J'accueille avec joie toutes les phases à venir de notre vie. Je veux ses étés aussi désespérément que j'ai besoin de ses hivers.
Donne-moi tout, ai-je envie de crier. Ce que tu es. Ce que tu seras. Ma femme extraordinaire. Ne doute jamais de toi. Tu me combles et me combleras toujours.
Retrouve-moi dans le bosquet, où les grappes de raisin ne poussent pas. Retrouve-moi sous les branches argentées, les autres ne le sauront pas. Retrouve-moi sous le voile des secrets, avant que le jour touche à sa fin. Là, mon amour, je te volerai le visage, et personne n’en saura rien.
- Notre travail, c'est ce que nous faisons, pas ce que nous sommes.
Je vois la vie. Il voit la mort. Deux faces de la même pièce. Deux moitiés qui ont besoin de l’autre pour exister.
J'ancre mes pieds dans le sol, refusant de me sentir petite devant lui. Je serai le bouton qui sortira de la roche grise de cet endroit. Je serai la plante qui fleurira en dépit de son ombre.
- Vous êtes un prince capricieux, et votre couronne de fer n'a rien d'impressionnant. Vous êtes égoïste, autocentré. Vous ne savez pas parler aux gens, vous êtes incapable de vous mettre à leur place. Vos efforts de compassion sont des ruses destinées à obtenir ce que vous voulez des autres.
- Je suis au-dessus de la compassion et des relations avec autrui, gronde-t-il. Je n'ai aucune raison de m'abaisser au niveau de ces émotions. Je plane au-dessus d'elles.
- En planant au-dessus des gens, vous risquez de leur marcher dessus, Eldas. C'est le meilleur moyen de se faire des ennemis.
- Je ne laisserai pas une humaine qui vient de débarquer dans mon monde me faire la leçon. Surtout pas une humaine qui n'a pas commandé une journée dans sa vie.
- Parfait. Je n'ai aucune intention de faire la leçon à un homme qui refuse d'écouter.
Je lui tourne le dos et me dirige vers la porte. Par bonheur, il ne me suit pas.
- Vous me respecterez ! s'écrie-t-il.
- Soyez d'abord digne de respect ! réponds-je avant de claquer la porte derrière moi.
𝑽𝒐𝒖𝒔 𝒓𝒆𝒔𝒔𝒆𝒎𝒃𝒍𝒆𝒛 𝒂̀ 𝒖𝒏𝒆 𝒅𝒆́𝒆𝒔𝒔𝒆, 𝒎'𝒊𝒏𝒕𝒆𝒓𝒓𝒐𝒎𝒑𝒕 𝑬𝒍𝒅𝒂𝒔. 𝑴𝒆̂𝒎𝒆 𝒔𝒊 𝒋𝒆 𝒍𝒆 𝒑𝒐𝒖𝒗𝒂𝒊𝒔, 𝒋𝒆 𝒏𝒆 𝒄𝒉𝒂𝒏𝒈𝒆𝒓𝒂𝒊𝒔 𝒓𝒊𝒆𝒏 𝒆𝒏 𝒗𝒐𝒖𝒔, 𝑳𝒖𝒆𝒍𝒍𝒂.
- Vous êtes mon antithèse, Luella. Vous êtes la reine de la vie.
- Et vous, le roi de la mort.