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Citations de Claire Berest (680)


Francis se penche vers Marcel et lui explique, les pupilles dilatées : que voulez-vous, ma femme a un cerveau érotique, qui rend les hommes fous, à condition qu’ils soient très intelligents. Marcel répond : Heureusement pour vous, c’est une catégorie d’hommes qu’on ne croise pas souvent.
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La bâtisse d'Etival a le charme doux et ancien des maisons d'enfance ,

où chaque porte ouvre sur une aventure et un sortilège ,

dont les odeurs , de cuisine , de foin et de roses

s'accrochent à vous pour toujours ,

ressuscitant par des vertiges proustiens

le temps magique qu'on ne peut retenir,

celui des premières impressions de la vie .
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Leur bibliothèque était imposante, elle mangeait une bonne partie des murs de leurs quarante-sept mètres carrés, Étienne avait toujours chiné beaucoup de livres d'occasion, doublés d'un fonds déjà imposant qu'il avait hérité de sa mère Dahlia en même temps que l'appartement, Vive y avait ajouté sa collection de livres d'art et de photographie.

Étienne avait alors développé la manie de classer sa bibliothèque par ordre alphabétique des titres des ouvrages. Vive soutenait que personne ne faisait cela, que ça n'avait aucun sens. Les ouvrages d'un même auteur se trouvaient dispersés aux quatre vents, les gens, les genres et les siècles se mélangeaient, pour elle un classement devait apporter de l'aide, de la clarté, une lecture d'ensemble.

Mais Etienne aimait cette lecture poétique où les Confessions de Rousseau se trouvaient accolées aux Confessions d'Augustin d'Hippone, où L'Œil le plus bleu de Toni Morrison rencontrait L'Œil qui écoute de Paul Claudel. Un réseau invraisemblable d'intertextualité jaillissait pour Étienne de ce méticuleux classement, sa bibliothèque ne ressemblerait jamais à aucune autre, elle était vivante comme un animal rebelle.

Comment veux-tu retrouver un bouquin là-dedans ? se plaignait Vive. Critique qu'il n'entendait pas, puisqu'elle n'avait qu'à chercher à la bonne lettre du titre. Mais où fais-tu commencer le titre ? Au premier nom, ou au déterminant ? renchérissait-elle. Au nom, à l'évidence, ou à l'adjectif, mais il y avait bien sûr des cas particuliers, c'était la beauté de son rangement vivant et organique. Et si je cherche un livre, mettons, de John Le Carré, dont je ne me souviens plus du titre, qu'est-ce que je fais ? demandait-elle. Tu n'as qu'à chercher au mot « Espion », il y a des chances pour que tu tombes dessus, lui répondait-il en riant ; car au début, tout cela, ça les faisait rire ensemble.
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Quelle différence entre l’amitié et l’amour ? Il faut dire je t’aime quand on a le temps. Après on oublie, après on part, après on meurt.
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[...] il faut se rappeler ce que représente le fait d'être une jeune femme comme Gabriële dans la société de 1898 :

elle n'a pas le droit de porter un pantalon , sauf si elle tient dans sa main un vélo ou un cheval ,
elle n'a pas le droit de travailler sans l'autorisation d'un mari ,
elle n'a pas le droit d'exercer certaines professions , d'enseigner le latin , le grec ni la philosophie ;
elle n'a pas le droit d'obtenir seule un passeport , de voter ni de faire de la politique , de disposer librement de son corps ni d'un salaire .

En revanche — et cela est vraiment une revanche — ,Gabriële est autorisée , en cet automne 1898 , à entrer dans la classe de composition de la Schola Cantorum .
Le début d'une révolution .
[...]
L'école de la Schola Cantorum devient le lieu de l'avant-garde musicale .


p.40 et 43 (éditions Stock )
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La créativité de l’erreur, le défaut contourné, sont des mouvements qui permettent de trouver quelque chose que l’on ne cherchait pas tout simplement parce qu’on n’imaginait pas que cela puisse exister. Le vin de champagne est né d’un défaut de conservation des bouteilles de verre. Le chewing-gum devait être à l’origine un latex pour fabriquer des pneus. Les corn flakes, inventés par M. Kellogg, un aliment pour calmer les ardeurs sexuelles de ses patients.
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Marcel et Francis reprennent leurs habitudes de célibataires. Francis renoue des liens avec sa danseuse, Isadora Duncan. Un jour, celle-ci demande à Marcel Duchamp de venir de toute urgence chez elle. Elle ne peut pas lui expliquer pourquoi au téléphone, mais il faut qu’il se dépêche. Quand Marcel se présente chez elle, Isadora le prend par la main et le mène mystérieusement dans sa chambre. Là, elle désigne un grand placard fermé. « J’ai une œuvre d’art à te montrer », lui dit-elle. Duchamp ouvre la porte. Et découvre Francis, complètement nu, en train de boire une tasse de chocolat.
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Il est des hommes qui tombent à genoux devant la jeunesse, d’autres devant la beauté, certains devant la gentillesse et la bonté, Francis Picabia, en ce mois de septembre 1908, succombe devant un esprit. Il vient de rencontrer la femme la plus intelligente qu’il lui ait été donné de connaître, « intelligence faite d’instinct ».....
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Qu'est-ce que l'on comprend de l'amour, si l'on n'en connaît pas la durée ?

Si l'on N'ENDURE pas ?!
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On peut couper le souffle, couper court, un brouillard au couteau, les ponts, la chique, le sifflet, les cheveux en quatre, à travers champs, l'herbe sous le pied. Mais on ne coupe pas le coeur, on le brise.
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- Ah, vous voyez, ça vous intéresse, finalement ! Avec vous, il faut prendre son mal en patience.
- Ne parlez pas de moi comme si vous me connaissiez. Vous ne me connaissez pas."
Elsa cesse de sourire. Se plante en face d'Abel et le pousse des deux mains sur les épaules, comme un boxeur en provoquerait un autre dans un combat de rue improvisé. Abel s'arrête, coi. Il est beaucoup plus grand qu'elle et bien plus massif, ça lui fait l'effet d'un colibri énervé qui lui aurait donné un coup de bec.
"Abel, je comprends tout votre truc de méfiance et d'être rugueux, c'est bon, ça va. Vous m'envoyez bouler toutes les deux secondes, et moi je suis bonne pâte, parce que vous vous dites probablement que je suis cinglée, alors les gens toc-toc on peut leur parler mal. Non, je ne vous connais pas, et je ne prétends pas vous connaître. Calmez vos nerfs deux secondes. Quand je dis : avec vous il faut prendre son mal en patience, c'est une manière de dire que je me préoccupe, que vous me touchez, c'est ce que les gens font quand ils se rencontrent, non, vous sortez d'où ? Vous ne rencontrez pas des gens dans votre vie, vous n'essayez pas d'être aimable, ou d'entrer en connivence ? Vous voyez ce que c'est la connivence ? Ce n'est pas méchant."
Pris de court et piqué par cette femme, Abel a l'impression d'être tiraillé et maladroit comme un adolescent, tout à trac il livre à Elsa qu'eh bien, il s'est inscrit sur Tinder, et que lui aussi peut rencontrer des gens.
"Vous vous êtes inscrit sur Tinder ? Quand ça ?
- Il y a deux jours.
- C'est tordant. Et vous avez couché avec quelqu'un ?
- Non. Pas encore. Mais presque, répond Abel, consterné du tour qu'a pris la conversation par sa faute.
- Presque ? Vous êtes un génie.
- J'ai un autre rendez-vous ce soir." Pourquoi continue-t-il à dire ces choses ? s'admoneste-t-il in petto.
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... il [Diego Rivera] raconte des histoires de Paris, de Moscou, d’Italie et d’Espagne, les coulisses des intrigues politiques de son pays, les pyramides de Teotihuacan à l’aube, l’imbattable Goya, l’inexprimable beauté de son Mexique, terre riche et sévère, misérable et exubérante, ses souvenirs de fêtes à Montparnasse avec le poète français Apollinaire. Il invente la moitié, c’est son habitude, et sublime le reste, c’est son charme puissant, parce que tout dans sa bouche sans fond sonne plus vrai que la réalité. 
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La créativité de l'erreur, le défaut contourné, sont des mouvements qui permettent de trouver quelque chose que l'on ne cherchait pas tout simplement parce qu'on n'imaginait pas que cela puisse exister. Le vin de champagne est né d'un défaut de conservation des bouteilles de verre. Le chewing-gum devait être à l'origine un latex pour fabriquer des pneus. Les corn flakes , inventés par M Kellogg, un aliment pour calmer les ardeurs sexuelles de ses patients.
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Francis [Picabia] adore se définir comme Cubain, c'est mystérieux et lointain, cette origine du bout du monde. (...)
- Que voulez-vous, nous sommes d'origine cubaine...
Là-bas, les habitants de ce pays repeignent leurs maisons en rose, en bleu, en vert pâle... Malheureusement je n'habite pas Cuba, mais je fais pour mener mes idées ce que les Cubains font pour leurs demeures. Je peins en bleu des idées noires, quel plaisir . [ "Caravansérail", op. cit.] (p.80)
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Elle ne voit que lui, sans même avoir à le regarder.
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Elle ne peint pas pour être aimée. Elle est transparente, c’est-à-dire qu’elle ouvre grand la fenêtre vers l’intérieur.
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Avec un ami il faut tout se raconter le premier soir, dans sa vérité nue, dans son humiliante lumière, pour dire voilà qui je suis, voilà qui tu es, je ne te jugerai jamais, tu ne me jugeras jamais, je t'aime, je prends tout, pour toujours, maintenant commandons un autre verre. L'amitié prend l'autre en charge dans son absolue et sordide entièreté, comme les mères, elle prend en charge le quotidien et l'exceptionnel au coude à coude sans autre transition qu'une reprise de souffle, les amis sont prêts à tout traiter, à vie, la mort, c'est d'accord. Le véritable ami que l'on rencontre ressemble à une déflagration.
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Épier, quand du grabuge se fait entendre, est une action bancale qui oscille entre le voyeurisme et le courage. La curiosité malsaine (ça se passe mal quelque part, j’ai envie d’en savoir plus) pouvant se transformer parfois en sauvetage (ça se passe très mal, il faudrait que j’intervienne). Abel Bac et Camille Pierrat auraient pu ensemble parler longuement de ce sujet tant ils avaient eu à auditionner de témoins ayant été confrontés à ce dilemme. Les témoins pouvaient se montrer actifs ou passifs (tout l’écheveau qu’il y avait à démêler dans sa tête en une seconde quand le choix se posait entre : il faudrait que j’intervienne, il faut que j’intervienne, j’interviens). Certains témoins se payant pour une vie la culpabilité de n’être pas intervenu. Camille n’était pas toujours tendre quand ils débriefaient après coup : « Ce connard entend une gonzesse qui se fait casser la tête dans l’appart d’à côté et ce gros con augmente le son de sa télé ! » Abel, lui, ne jugeait jamais. Comment savoir qui on est tant que ça ne nous est pas arrivé ? répondait-il à Camille, en substance. Car ce n’était jamais si clair dans la bouche de Bac, qui n’était pas un orateur. Et Elsa, qui était devenue Mila, aurait dit aux deux autres si elle avait participé à leur conversation : c’est le kairos. Elle aurait expliqué quelque chose comme : Kairos c’est le dieu grec de l’action opportune. Avant c’est trop tôt, après c’est trop tard. Il faut saisir ou agir à l’instant T. Sinon on peut traîner l’hésitation ou le manquement toute sa vie. Camille Pierrat aurait alors fait remarquer que Kairos c’était aussi le nom du portail Internet de Pôle Emploi et que l’administration française avait un putain de drôle de sens de l’humour.
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On ne peut deviner à l’avance celui ou celle qui va vous attraper par la main quand tout dévisse.
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C'est vrai qu'en rejoignant sa femme à l’exposition de Sigmar Polke, Étienne ne l'avait pas remarquée, la nouvelle coiffure de Vive.

Il n'avait rien vu de ce changement qui lui conférait un air de défi.
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