C'est son visage que je vois quand j'ouvre les paupières, le matin, celui qui ne me quitte jamais dans la journée, où que je sois, et c'est la dernière image que je visualise avant de m'endormir et de rêver d'elle.
[...]
Je veux m'endormir en sentant son odeur et sa peau douce. Je veux grimacer quand elle met ses pieds glacés sur mes mollets pour les réchauffer, batailler avec elle quand ses mains cramponnent toute la couverture, lui boucher le nez quand elle ronfle un peu fort, je veux être celui qui la réconforte quand elle fait un cauchemar.
Je les scrute encore une fois, puis écarquille les yeux en repensant à notre fenêtre que j’ai laissée ouverte à cause de l’odeur immonde de la bougie. J’ai complètement oublié de la refermer, et avec nos corps en sueur, cette idée nous a totalement échappé.
— Franchement, si quelqu’un doit se plaindre, c’est bien nous ! renchérit *******. Même avec le coussin sur les oreilles, je t’entendais grogner. Sérieusement, tu te transformes en quel animal quand tu passes la nuit avec une femme pour émettre des sons pareils ? Et sérieux, cinq fois ? Tu voulais achever ma Callie jolie ou quoi ?
Il n'y a rien de pire que les préjugés sur un adolescent. Ils peuvent détruire les rêves et briser les personnes fragiles. C'est pourquoi je suis plus que fier d'elle. Elle a mis du temps pour trouver un rythme, mais, comme je le savais, elle s'est battue corps et âme pour sortir de cette ville, la tête haute. Elle s'est nourrie de l'orgueil qui l'emprisonnait afin de le transformer en une fierté immense, donnant des claques au passage dans la figure de certains prétentieux.
On veut tous croire à nos rêves et parfois, il nous faut une motivation pour ne pas flancher. Le mien était de quitter ma ville e tous les préjugés pour écrire mon histoire. Pas celle que les autres avaient tenté de créer à ma place. Et ils étaient ma motivation, tout simplement. Je ne voulais pas leur donner raison, même si cela signifiait m'éloigner de mes parents. Dix ans plus tard, j'ai mon bac, mon BTS et mon agrégation, je vis à Paris et suis prof de microbiologie.
Quelques larmes s’échappent contre mon gré, menaçant d’exploser. Du coup, je la serre plus fort et plonge ma tête dans ses cheveux.
— Tu es mienne, tout comme moi, je t’appartiens pour l’éternité. Jamais personne d’autre que toi et moi.
En captant ma détresse, Aleyna relève la tête et me fixe. Je tourne la mienne et ferme les yeux pour qu’elle ne me voie pas aussi faible et qu’elle se sente coupable de quoi que ce soit.
La douleur est insoutenable. Je sens mon dos se déchirer à chaque morsure du cuir sur ma peau. Le sang coule, le malaise est proche, mais je tiens. De toute façon, je n’ai pas le choix. Je ne pensais pas ressentir un jour la souffrance atroce d’Aleyna, mais maintenant, je sais. Nous avons toujours été liés. Notre amour, nos corps, notre esprit, notre compréhension… désormais, nous partageons également cette torture.
Durant notre enfance, elle m'a toujours défendu. Une fois adultes, nous nous sommes perdus de vue. Aujourd'hui, alors que nous sommes enfin réunis, je peux tenir ma promesse et la protéger. Je suis conscient qu'il s'agit là d'une marque de possession, mais tant pis. Les actes de ce pervers m'ont tout bonnement retourné le cerveau. J'ai vu rouge, je suis devenu incontrôlable. Personne ne touche ma Cassie, point.
Quand on vit les plus beaux onze mois de sa vie, sans aucun nuage noir à l'horizon avec un mec qui nous traite comme une princesse pour ensuite nous lâcher, on pense ne pas être assez bien pour qui que ce soit.
Le premier amour est aussi merveilleux que cruel. Il s'agit de la première fissure dans le coeur, la première cicatrise qui ne se referme pas totalement.
Et Maxime a pris plaisir à entailler le mien.
Tandis qu'Alex m'a seulement regardée, une dizaine de mètres plus loin, et cela a suffi pour que les picotements que je ressens dans la poitrine se transforment en une explosion féerique, faisant courir une chaleur dans tout mon corps. Une douce chaleur qui m'enveloppe tout entière et me berce tendrement. Une effervescence qui me chantonne les plaisirs et la magie de ce sentiment unique. Mais une énergie qui me prévient également de son pouvoir destructeur qui peut tout balayer à n'importe quel moment.
[...]
Sauf que son regard m'a atteint en plein coeur, à l'endroit exact où j'avais caché ces sentiments. Comme une évidence. Il les a pris dans ses mains et avec autant de précautions qu'un enfant tient un papillon entre ses doigts, les a étreints aussi affectueusement qu'une personne choyée, puis les a jetés dans le ciel, si haut, tel un feu d'artifice éclatant pour répandre sa beauté.
Voilà ce que mon meilleur ami a provoqué de son seul regard, en seulement une seconde.
Et voilà pourquoi il faut à tout prix que je m'éloigne de lui.
Tout le monde a un pote, mais rares sont ceux qui ont l'Ami avec un grand A ; celui qui reviendra toujours, même après des années d'éloignement, celui qui ne sera pas fâché par ton silence ni jaloux envers ceux avec qui tu te lies, parce qu'il se sait indétrônable dans ton coeur. Il s'agit de la fondation d'un édifice indestructible, le pilier sans lequel rien n'est possible.