Bien qu'ayant été le premier européen à poser le pied sur Maui, Lapérouse n'a pas pris possession de l'île au nom du roi Louis XVI et il s'en explique dans son journal : " Les usages des Européens à cet égard sont trop complètement ridicules. Les philosophes de ce siècle doivent voir avec douleur que parce qu'on a des fusils et des canons, on compte 60 000 habitants pour rien, qu'on ne respecte pas leurs droits sur une terre qui, depuis peut-être 1000 siècles, sert de tombeau à leurs ancêtres, qu'ils ont arrosée de leur sueur et dont ils arrachent les fruits pour venir les offrir aux nouveaux prétendus propriétaires [...] Heureusement pour ces peuples, qu'ils ont été connus à [une] époque où la violence et la religion ne servent plus de prétexte aux violences et à la cupidité. " L'esprit des Lumières était passé par là.
Le 19 mai 1793, suivant la route qu'avait annoncée Lapérouse, l'expédition d'Entrecasteaux rejoint l'archipel des îles Santa Cruz et aperçoit une petite île, une miette de terre au milieu de l'immense Pacifique Sud, à une quarantaine de milles par le travers. À bout de forces dans une mer tourmentée, les hommes la nomment "île de la Recherche" et dessinent son profil, mais ne s'en approchent pas. Il s'agissait de Mannicolo ou Vanikoro (son nom actuel) où les deux navires de l'expédition Lapérouse avaient justement échoué ! On n'ose imaginer le désespoir des potentiels rescapés à la vue de ce navire si proche qui est passé au large...
Alexandre des Mazis, qui était à l'Ecole royale militaire du Champ-de-Mars avec Roux d'Arbaud et Bonaparte, se souvient : "Bonaparte était dans la classe de mathématiques... MM. Dagelet et Monge, deux hommes distingués, étaient nos professeurs et quand il fut question du voyage de M. Lapérouse, ils sollicitèrent et obtinrent la faveur d'en faire partie comme astronomes. Les aspirants à la marine étaient trop enflammés du désir d'aller parcourir les mers, comme leur professeur, pour ne pas désirer ardemment de les suivre dans cette expédition. Bonaparte aurait bien voulu avoir l'occasion de déployer son énergie dans une si belle entreprise, mais d'Arbaud eut seul la préférence..." Si les cahiers d'Alexandre des Mazis reflètent la vérité, on voit à quel point le cours de l'histoire du monde tient à peu de choses...