Dans les tours de l'Alhambra
On entend une grande clameur,
Et dans la ville de Grenade
Règne une grande douleur
Parce que le Roi, sans motif,
En un jour a fait égorger
Trente et six Abencérages
D'une noble et grande lignée
Que les Zégris et les Gomelès
Accusent de félonie.
Grenade les pleure grandement,
Immense est la douleur ressentie,
Car en perdant de tels hommes
Elle perd beaucoup.
Hommes, enfants et femmes
Pleurent une perte si grande.
Toutes les dames pleurent,
Toutes, autant que Grenade en possède.
Dans les rues et aux fenêtres
Le deuil est omniprésent.
Toutes les dames de qualité
Portent le deuil
Et tous les chevaliers
De noir sont vêtus
Sauf les Gomelès
A l'origine de la félonie
Et avec eux les Zégris
Qui sont leurs alliés.
Et si l'un d'entre eux porte le deuil
C'est pour les leurs que,
Les Gazules et les Albèzes,
Courageux et intrépides,
(pour venger l'offense)
Ont tués dans la Cour des Lions.
Et s'ils avaient trouvé le Roi
Ils lui auraient ôté la vie
Pour avoir consenti cette scélératesse,
Car il l'avait consentie.
Pérez de Hita , Guerras civiles de Granada. Historia de los bandos de los Zegríes y Abencerrajes (en annexe)
Des chevaliers de Grenade,
Nobles bien que Maures,
Poussés par l'envie
Parlent au Petit Roi.
Grande félonie se prépare.
Ils disent que les Abencérages,
Lignée fière et renommée,
Veulent tuer le Roi
Et lui prendre son royaume;
Grande félonie se prépare.
Que, pour mener à bien leur complot,
Ils ont le soutien des hommes,
Des enfants, des femmes
Et de tout le peuple de Grenade.
Grande félonie se prépare.
Quant à la Reine bien aimée,
Ils l'ont accusée de trahison,
Car elle a posé les yeux
Sur Albin l'Abencérage.
Grande félonie se prépare.
Pérez de Hita , Guerras civiles de Granada. Historia de los bandos de los Zegríes y Abencerrajes (en annexe)
"Il faut au moins que le monde chimérique quand on s'y transporte, nous dédommage du monde réel." Chateaubriand dans son Avertissement aux Aventures du dernier Abencérage.
Nul ne pouvait se prétendre Abencérage sans courtiser une dame. Nulle ne pouvait se prétendre dame si elle n'était courtisée par un Abencérage.
Les cinq premiers chevaliers chevauchaient tout en devisant quand l’un d’entre eux dit soudain : « Compagnons, arrêtez-vous. Si je ne m’abuse, on vient. » Ils se cachèrent dans un bois qu’il y avait près du chemin et entendirent du bruit. Attentifs, ils virent s’approcher d’eux un noble maure sur un cheval rouan. Il était grand, son visage était agréable et il montait avec une belle prestance. Il portait une marlota rouge cramoisi et un albornoz damassé de la même couleur, bordé d’or et d’argent. Sur sa manche droite repliée était brodé le portrait d’une magnifique dame. Dans une main, il tenait une énorme et belle lance à deux fers, une adarga dans l’autre, et un cimeterre sur son flanc. Un long turban entourait sa tête, l’embellissant et le protégeant tout à la fois. Le maure approchait dans ce costume, fort élégant, chantant une chanson qu’il avait composée dans le doux souvenir de ses amours :
« Né à Grenade
Elevé à Cartame
Pris d’amour à Coín
Près d’Alore
D’une belle Maure. »
Le talent du chanteur était discutable mais le maure ne cachait pas sa joie et son cœur énamouré remplissait de grâce tout ce qu’il disait. Sous le charme, les cinq chevaliers faillirent le laisser passer jusqu’au moment où ils lui firent face. Se voyant menacé, le maure se ressaisit et attendit leur réaction.
Considérez le désormais comme votre ami même si nos religions sont différentes.