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Critique de Alzie


Alzie
24 février 2017
Chaude vêture ourlée de martre zibeline pour ce couple de belle allure posant sur la toile devant un toutou dans l'intérieur cosy d'une chambre flamande opulente. Couvre chef à larges bords pour monsieur, « huve blanche des épousées » et plis lourds d'un drapé vert pour madame qui semble sur le point de « gésir » (on s'instruit). Une gestuelle étrange. Improbable mise en scène dont le sens a déserté le tableau… et qui laisse le spectateur du XXIe siècle dubitatif. Jean-Philippe Postel orchestre dans ce livre la rocambolesque traversée de l'histoire de cette oeuvre célèbre - signée Jan van Eyck et portant la date de 1434 - et le récit concomitant des innombrables péripéties soulevées par ses différentes interprétations. Très amusant d'en prendre connaissance par le biais de ce petit essai aussi brillant que la peinture dont il prétend décortiquer tous les mystères. « Les époux Arnolfini » ainsi qu'on les nomme depuis longtemps ont rejoint la National Gallery en 1843. Il fut un temps où derrière deux volets de bois leur illustre propriétaire, Marguerite d'Autriche, les tenaient soigneusement verrouillés s'en réservant la contemplation à elle seule. Selon les « arnolfiniens » ce couple appartint à une riche famille de négociants italiens installés à Bruges. Des contradicteurs soutiennent qu'il s'agit là d'un autoportrait du peintre et de sa femme qui accoucha justement en 1434. Un serment de fidélité assurent les uns, un mari trompé et sa femme adultère en train de régulariser renchérissent les autres, rite nuptial mystérieux, hommage funèbre à une épouse défunte, voire scène de chiromancie ont aussi été suggérés ! Ayant fait le tour de toutes les hypothèses Jean-Philippe Postel propose enfin la sienne, plausible et très recevable. Une de plus direz-vous et pourquoi pas ? Il faut aller la découvrir. Pourquoi renoncer au plaisir d'élucider une énigme en redonnant vie à quelques vieux écrits oubliés ? C'est ici qu'intervient la rencontre fortuite entre un petit livre acheté d'occasion par l'auteur et sa curiosité érudite jamais démentie pour le tableau de van Eyck. Investigation passionnante et rudement bien tournée. Chaque détail du tableau, tel un symptôme, passé au crible de l'examen clinique (l'auteur a paraît-il exercé la médecine) se charge d'un sens nouveau qui à chaque étape se dérobe ou se dédouble multipliant les possibilités d'égarement. Leurre et trompe l'oeil en peinture au service de ce qui pourrait être autant une farce qu'une vérité plus sombre. Sur des rabats aux couvertures (recto/verso), l'éditeur a eu la judicieuse idée d'offrir un zoom sur quelques-uns des éléments du tableau ajoutant au plaisir de lecture de l'enquête : le miroir et ses reflets ; une nature morte discrète ; le chandelier de cuivre et ses bobèches ; une paire de socques en bois ; l'insolite griffon bruxellois du premier plan ; et des mules rouges plus raffinées. Les primitifs flamands n'ont pas fini de faire parler d'eux!


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