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Critique de Flo_herisson


Sur les « granny squares » que crochète Mamie Milkweed, il y a un côté beau, régulier et chatoyant, et un côté sauvage avec des fils qui pendouillent, un peu en désordre. Et, quand le côté sauvage devient insupportable, il faut rentrer les fils avec une aiguille pour transformer le côté sauvage et côté beau.
Une leçon que s'efforceront d'appliquer Arc et Daffy, ses petites filles, chaque fois que leur vie sera trop dure, trop violente ou trop insoutenable. Et pour ces deux gamines à la chevelure flamboyante et aux billes de sorcières, ce n'est rien de dire que leur vie coule du côté sauvage. Une vie où les pères meurent sans tenir leur promesse, où les mères ne sont plus que l'ombre d'elles mêmes, ou les araignées dévorent les petites filles, où les trèfles ne portent pas chance et où les seules couronnes qu'elles portent sont vénéneuses ou mortifères, où certains hommes collectionnent des larmes et d'autres congèlent des serpents, où la rivière charrie de la boue et des cadavres de femmes.
Alors dans cette noirceur, dans cette désespérance, ces deux enfants inséparables, s'efforceront de mettre de la poésie et de l'imaginaire pour retrouver le côté beau.
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Ce roman est absolument déchirant. Certains me l'ont demandé, bien plus dur que Betty, car ici nulle clarté. C'est crade, c'est glauque, c'est violent et certaines scènes sont même difficilement soutenables. Elle est terrible la vie de ces gamines, mais on s'attache à elles, et on souffre avec elles.  Tiffany Mac Daniel s'est inspirée d'un fait divers réel puisque qu'à Chilicotte, il y'a une dizaine d'années, six femmes furent tuees et leurs crimes jamais élucidés. Elle a écrit pour leur rendre la part d'humanité que les terribles conditions de leur décès les ont dépouillées. Et nous dire que ces femmes étaient des filles, des soeurs, des amies et des mères, dans une chaîne de sororité qui nous lient à elles. Constat terrible d'une société hyper machiste, où les femmes sont broyées, où les plus fragiles sont délaissés, où le déterminisme social ne laisse place à aucun espoir.
C'est un roman dur, et terriblement noir, mais pourtant il est beau. Tragiquement beau et presque envoutant, tant la plume de l'auteur, chargée de poésie et d'inventivité dépose une aura lumineuse sur ces terribles destinées. On le lit le coeur serré, et pourtant on est ébloui par la force de ces gamines. Elles resteront longtemps dans ma mémoire, pas loin de Betty, j'en suis sûre, au bord de cette rivière, personnage à part entière, aussi apaisante qu'effrayante, source de renouveau et de menace à la fois.
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