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Critique de Tempsdelecture


Retour en Angleterre avec un roman tout en délicatesse et finesse, en langueur, en sentiments. en questionnements, Occasions tardives est un doux récit sur un quatuor, l'histoire de deux couples, qui évoluent ensemble et en parallèle toute leur vie durant, dont l'harmonie est soudainement brisée par la mort soudaine de l'un d'entre eux. Roman de l'intimiste, ou quand un apparent et fragile équilibre se brise, les liens restants se dissolvent et se renouent différemment. J'aime les ouvrages ou les auteurs piochent dans le quotidien, dans l'ordinaire, des vies, des personnes et qui savent les explorer, les analyser subtilement et les sublimer par leur écriture. C'est le talent de Tessa Hadley, qui ne se départ pas de son habitude de décrire les femmes et les relations familiales en général.

Deux couples amis, quatre intimes. Alex et Christine face à Zachary et Lydia. Zach meurt, le monde de ces trois qui lui survivent tombe en lambeaux. Il y a évidemment la stupeur, le temps du choc. Puis vient le temps l'introversion, l'introspection celui des souvenirs, des regrets, des occasions ratées, puis vient le temps des occasions tardives. Chacun gère à sa façon, le couple encore vivant prend en charge et gère la veuve, qui a depuis son mariage totalement désappris à vivre seule. L'intimité à quatre est une chose, l'entente à trois est instable, l'équilibre est compliqué à atteindre et à garder, la place du quatrième est désormais vacante. D'autant que Christine et Lydia, les deux femmes, sont de caractère opposé et que l'exubérance et l'égo de la seconde finit par l'emporter sur la discrétion de la première.

Les quatre amis ont été si proches les uns des autres, que cette proximité se ressent jusqu' liens qui unissent les filles de chacun des couples, dévouées l'une à l'autre. Et si Grâce a perdu son père, c'est Alex qui prend le relais de la figure paternelle, et si le mari a disparu, Alex prend peu à peu sa place en tant qu'époux. Drôle de roman sur l'intimité fusionnelle qui tourne à une étrange confusion des rôles. Si Lydia sait s'oublier derrière son époux, et c'est finalement ce qui plait à Alex en elle, Christine, l'artiste peintre, a su trouver plus tôt dans la compagnie de Zachary, propriétaire d'une galerie, une oreille bienveillante, et plus que tout, complémentaire. C'est une sorte de chassé-croisé, plus que de vaudeville en réalité, qui ouvre la voie à l'émancipation de l'une car ce récit n'a rien de vulgaire, même lorsque le mari adultère faute chez l'amie de sa femme.

c'est un rééquilibrage des forces, qu'esquisse là, tout en maitrise, l'auteure anglaise, ou Lydia retrouve une vie de couple tandis que Christine commence véritablement la sienne. Sous de faux airs de tranquillité, d'une apparente placidité, qui relève de ce flegme anglais, se dévoile un récit à clefs qui contient de plus profonds enjeux qu'il n'en laisse paraître au prime abord et l'intériorité d'une Christine qui fourmille de questions. Il y a beaucoup d'Henry James chez Tessa Hadley. Dans le souffle de ses personnages, celui de son phrasé, de son style, on se laisse emporté par cette apparente impassibilité qui contient en réalité une vie intérieure riche, qui ne demande qu'à s'exprimer. A travers le retour à cette jeunesse ou les deux femmes se sont liées d'amitié, et à travers l'histoire d'amitié de ces deux couples, qui révèle des épisodes pour le moins inattendus, c'est une Christine plus complexe et profonde qu'il n'y paraît au prime abord. Si elle paraît peut-être un peu mièvre, sa personnalité prend du relief, la couche de vernis s'effrite et laisse entrevoir une femme passionnée, alors trop bridée par un mari un peu trop conservateur et narcissique.

Avec le recul, ce livre se laisse redécouvrir avec plaisir, grâce à cette réflexion sur ce jeu de couples, qui était à un moment donné reparti de façon différente. Réfléchir au fait de savoir jusqu'à quel point l'amour est suffisant pour établir un couple fonctionnel pendant des décennies. C'est un ballet que Tessa nous présente là à travers les différentes étapes des deux couples qui se côtoient, se mélangent, se séparent, des amants qui se frôlent, se tournent autour, s'agrippent l'un à l'autre dans des étreintes avides. Tout finit par prendre sens, à la fin d'un ultime cheminement, qui est celui de Christine, Lydia et Alex s'étant complétés, le même que nous accomplissons avec elle.

C'est un roman que j'ai finalement apprécié à sa juste valeur, de façon mesurée et tempérée, ce n'est pas le genre de roman, à mon sens, pour lequel on s'enthousiasme de façon irrationnelle Il demande un peu de patience, un peu de persévérance, les états d'âme des uns, des autres, ont la fâcheuse tendance de traîner en longueur, à s'éterniser en moult détails moins pertinents, mais qui, après tout, font partie de ce jeu de lenteur, de constance, mais aussi d'indolence apparente qu'est celui de l'écriture, et du récit, de Tessa Hadley.


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