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Critique de RChris


Elle vient de perdre son père. Il cache sa plus grande blessure.
Elle est en retard. Il est en avance.
Elsa et Vincent se croisent chaque mercredi dans la salle d'attente de leur psychiatre.
Ces instants fragiles sont à l'origine d'une rencontre improbable qui n'était pourtant pas placée sous les meilleurs auspices :
“- Je sais que ça ne se voit pas de prime abord mais je suis souvent très con
- Détrompez-vous, ça saute aux yeux.”

Nous découvrirons les failles de ces deux personnages qui se livrent au psychiatre.

Elsa, conseillère funéraire, défend avec ferveur une littérature élitiste : “un écrivain est un orfèvre, tout est pensé, pesé”, alors que Vincent, écrivain à succès se montre désenchanté : “je trouvais grotesque toutes ces analyses de textes. On prête aux auteurs des intentions qu'ils n'ont sans doute jamais eues.”

Dans une mise en abyme, Virginie Grimaldi prête à Elsa des propos qu'elle a dû entendre : “L'engouement pour ce genre de littérature, si l'on pouvait l'appeler ainsi, la dépassait. Certains arguaient que ces histoires faciles, pleines de bons sentiments, permettaient au grand public d'entrer dans la lecture, mais, à ses yeux, il ne s'agissait ni plus ni moins que d'un nivellement de la culture par le bas.”
Elle fait tout du long des clins d'oeil au métier d'écrivain à succès, elle met dans la bouche de Vincent des mots, des saillies, des réflexions qui ont dû la ravir. Elle évoque le plaisir d'écrire, l'effet de la notoriété, le soutien des lecteurs, les critiques, l'écriture qui ressemble à un électrocardiogramme à la fin de la séance de dédicaces, l'échec et même le changement d'éditeur, sachant qu'elle vient de rejoindre Flammarion avec ce nouveau roman !
Le discours de Vincent à l'arrivée de Richard à la tête des éditions du Mascaret est édifiant : “ - et puis Richard, puisque tu m'en donnes l'occasion, je tiens à te remercier du fond du coeur pour tes mots. Nul n'ignore ta profonde sincérité, et je me réjouis d'être représenté par une personne qui considère les auteurs pour ce qu'ils sont vraiment : des artistes qui mettent leurs tripes dans leurs pages, et non des barils de lessive interchangeables. Dans ce milieu où l'euro fait loi, où les chiffres de vente cadrent les relations, il est précieux de se savoir soutenu par quelqu'un qui ne se soucie que de la qualité. Qualité des textes, qualité des rapports humains, qualité des conditions de travail de son équipe.
Richard jubile. Grâce à moi, tout le monde sait qu'il a la plus grosse. Je descends mon verre et poursuis.
- Je suis un peu long, donc je vais conclure. Richard, je déconnais, t'es qu'une merde, je quitte les éditions du Mascaret. Bonne fin de soirée à toutes et à tous ! “
Nul doute que Virginie s'est fait plaisir et a jubilé à l'écriture de cette scène de rupture.

Ce livre est très personnel : Virginie Grimaldi est à la fois Vincent, le romancier populaire et Elsa, la femme qui vient de perdre son père.
En note de fin, l'autrice dit à propos de ce livre : “Son écriture aura été aussi éprouvante que salvatrice. Il est né dans une période chargée de chagrin…”
Ceci donne une authenticité supplémentaire aux personnages.
j'espère simplement que ce qu'elle fait dire à l'écrivain ne se réalise pas : “Mais il n'y a que dans mes romans que je sais construire une histoire sans l'abîmer.”

L'écriture associe de la légèreté et des sujets émouvants,
une façon un peu dérisoire de dire les choses sans qu'il n'y paraisse.
Lorsque la romancière dresse le portrait de ces écorchés qui ont besoin de consulter, ce sont des sourires qui éclairent leurs peines.

D'aucuns diront : “mais c'est pas un peu feel good tout ça ? Cela ne vaut pas 3T”, distinction dont se vante un auteur intellectuel :
“- Télérama a attribué 3T à mon premier roman.”
Et auquel Vincent répond :
“- Félicitations. Moi j'ai eu deux 7 dans Télé 7 jours.”
Mais, peut-être, comme moi, serez-vous en empathie avec la fragilité d'Elsa et de Vincent, au point de ne leur souhaiter que le meilleur.
Ce livre viendra alors vous réconforter en enveloppant votre lecture de pudeur, de sensibilité et d'autodérision.

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