Comment dire ?
le matelot Gus est une sorte de Petit Prince de la mer. Amoureux fou d'elle comme on peut l'être d'une rose, amoureux de la vie et de ce bateau qui est à l'image de son coeur, solide et voyageur,
le matelot Gus porte sur le monde un regard pur, étonné, maladroit, empli de silences et de non-dits, de pensées éphémères et profondes, au rythme de ses pas dans une ville anonyme qui est celle de tous les ports du monde, avec ses bars à matelots, ses filles fatiguées, ses nuits d'errance et ses lumières criardes, sa foule du quotidien, et surtout l'immense ombre de ses solitudes.
Gus, à l'aise sur son bateau est un peu perdu à terre, parmi tous ces hommes et ces femmes inconnus. Lui qui a fait le tour du monde ne se retrouve pas parmi eux. Et pourtant il les aime. Il ne sait pas communiquer mais il aime. Il regarde et il aime.
Comme j'ai aimé moi aussi ce livre dans lequel le peu de mots dit si bien les silences du coeur, de page gauche en page gauche, tandis que les dessins, de page droite en page droite en disent toute la richesse de ce qui est tu....
Ce roman ou plutôt poème graphique est un bel hommage au dessinateur
Gus Bofa, introduit par une belle préface de
Joseph Incardonna sur
Christian Cailleaux, et refermé sur une postface de Cailleaux lui-même qui explique ses rapports à Boffa. Deux petits notes, une sur Cailleaux et une de l'éditeur sur l'aventure de ce livre parachèvent l'ouvrage. On y trouve également les esquisses qui ont précédées l'oeuvre.
Ce qui m'amène à parler des dessins, en noir et blanc, faits de lumières et de contrastes, de formes mouvantes et précises à la fois, de jeux d'ombres et de tourbillons, qui, au fil des déambulations et des rencontres de Gus suggèrent l'infinie solitude de tout être humain jusque dans la foule et peut-être surtout dans la foule. L'arrogance, la dureté voire la méchanceté des êtres, les mensonges des plaisirs faciles ou la violence des architectures, tout est rendu d'un coup de crayon magistral qui evince les mots. Il y a des scènes qui font penser à des plans de films, un peu comme chez
Tardi.
Un grand merci à Babelio et aux éditions lotus solus et un grand bravo à
Christian Cailleaux pour cette belle réussite, toute en épure.