On considère qu’en France une personne sur cinq rencontre ou rencontrera des troubles psychiques plus ou moins importants. Pourtant, dans notre monde régit par les représentants de la logique marchande, tout démontre que les "fous" sont devenus un simple encombrement ; sont assimilés, sans qu’on le dise, à des déchets sociaux.
Il ne serait pas très difficile de faire le lien entre les formes de la présente organisation sociale et un grand nombre des troubles que l’on rencontre chez les psychotiques - mais les gestionnaires de cette société s’en moquent. Efficience, adaptabilité, compétitivité, conformité, sont leurs maitres mots.
D’autant qu’ils disposent désormais d’outils simples et rentables pour « traiter » le problème, les camisoles chimiques, domaine où l’industrie pharmaceutique fait preuve d’une grande inventivité. Le fait que ceux qui se retrouvent sous l’emprise de ces camisoles chimiques perdent toute autonomie réelle, toute maitrise sur leur propre existence et toute joie de vivre leur indiffère totalement : ceux-là n’ont certainement pas fait ce qu’il fallait faire et n’ont donc qu’à se débrouiller avec cela.
Et puis, ces existences de zombie ne rejoignent-elles pas actuellement, en bien des points, la condition du "corps social" en son ensemble.
Durant quelques décennies, sur une période qui va de l’après-guerre aux années 90 du siècle précédent, il en alla pourtant autrement. Grace aux travaux et aux recherches de psychothérapeutes et psychiatres comme François Tosquelles, Lucien Bonnafé, Jean Oury, Henri Ey, et beaucoup d’autres, fut développée en ce domaine une véritable culture du soin, prenant en compte la spécificité des individus et leur histoire particulière, cherchant à les extraire de leur isolement et à rétablir le contact. Mais l’on comprendra que dans une pseudo-société comme la nôtre, où la relation humaine est devenue quantité négligeable, ces pratiques semblent désormais inutiles et superflus ; qu’en tous les cas il n’existe plus de budget pour pouvoir les financer.
A la rue les fous ! Ah, dommage, dans la rue non plus il n’y a pas de place pour eux.
Est privilégiée ici une approche mettant en lumière l’interrelation profonde entre la structure sociale et les problèmes rencontrés par la psychothérapie.
Image : Représentation de la pièce "Opérette" de Gombrowicz par des "fous" à la clinique de La Borde