Mon père m'avait dit qu'avant ma naissance, son métier c'était de chasser les mouches avec un harpon. Il m'avait montré le harpon et une mouche écrasée.
— J'ai arrêté car c'était très difficile et très mal payé, m'avait-il affirmé en rangeant son ancien matériel de travail dans un coffret laqué. Maintenant j'ouvre des garages, il faut beaucoup travailler mais c'est très bien payé.
À la rentrée des classes, lorsque aux premières heures on fait les presentations, j’avais parlé, non sans fierte, de ses metiers mais je m'etais fait gentiment gourmander et copieusement moquer.
— La vérité est mal payée, pour une fois qu'elle était drôle comme un mensonge, avais-je déploré.
En réalité, mon père était un homme de loi.
— C'est la loi qui nous fait manger! s'esclaffait-il en bourrant sa pipe.
Il n'était ni juge, ni député, ni notaire, ni avocat, il n’était rien de tout ça.