Cette société où tout n'était plus que perte des valeurs, annihilation du respect d'autrui et d'inflation exacerbée d'un marketing insipide, poussant en permanence le client potentiel à acheter des biens de consommation, non plus pour satisfaire ses besoins, car ça fait des lustres que tous ses besoins étaient comblés, mais pour engraisser ces grandes firmes tentaculaires. Les nouvelles puissances de l'ordre mondial, sous le regard complice des gouvernements.
C’est un reportage démago, comme la télé sait parfaitement le faire. Les flics et leur implication dans la socialisation. Et puis quoi encore ? Toujours aux mêmes de faire tout le boulot : comprendre ces pauvres chéris, courber l’échine sous les coups – surtout ne pas répondre car bavure potentielle à la clé – et puis les remettre dans le droit chemin avec des discours à deux balles qui feraient marrer des gamins de 5 ans. Gangrène de merde ! Tout part en vrille. La France n’est plus le pays que j’aimais. Ce pays qui défendait des valeurs simples. Elles ont disparu petit à petit, insidieusement. La surenchère médiatique combinée au manque d’action des politiques ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. La France a perdu sa majuscule, laissant la loi du plus fort remplacer le respect d’autrui.
Je suis rentrée, épuisée par ma journée. Des émotions comme s'il en pleuvait, mais aussi un tas de désillusions. Dès la porte refermée, l'intérieur me renvoie à mon mal-être. Un appartement froid et lugubre. Sans vie. Même pas la place pour un chat ou un quelconque animal de compagnie. Je suis seule. Désespérément seule.
Mon imagination a pris le pas sur ma mémoire.
Mon cauchemar se poursuit mais ne reflète plus du tout la réalité. Alors que, dans mes souvenirs, je n’arrivais pas à sortir de la maison et essuyais une pluie de coups, j’ai réussi à nous tirer de ses griffes.
Je ne sais pas comment j’ai fait mon compte mais désormais, nous sommes sur la route, lancées à pleine vitesse malgré les intempéries. Martin nous suit de près, seulement à quelques mètres. Il pleut toujours. La buée et les gouttes qui s’écrasent sur mon pare-brise m’empêchent de discerner correctement la trajectoire.
Depuis 20 ans, il passait sa vie avec les morts et les feux follets et quand il n'était pas dehors, il restait cloitré dans son petit réduit minable, entouré de marbre et autres plaques métalliques à graver.
Il m'en veut terriblement et a décidé de me le faire savoir. C'est bien une réaction d'homme. Une petite contrariété au plumard et c'est la fin du monde.
Il avait pris tout son temps, comme toujours. Explorant les frontières de la souffrance, s’en délectant. Augmentant de façon progressive la puissance de ses coups et les outrages qu’il lui faisait subir. Il l’avait sentie l’implorer. Cette lueur dans les yeux, il la connaissait parfaitement, maintenant. Et contrairement à ce qu’elle espérait, cela lui faisait l’effet inverse. Cette situation l’excitait. Il se sentait puissant. Il avait joué avec elle pendant plusieurs heures et procédé au cérémonial … Puis il l’avait littéralement massacrée. Il avait laissé s’exprimer la violence inouïe cachée au plus profond de lui. Elle avait été à la mesure de la jeune femme. À la hauteur de sa débauche. Ça avait été bon. Oui … Très bon.
Les peurs… Nos peurs.
Finalement, ce sont elles qui structurent nos modes de fonctionnement, de pensée.
Qui n’a pas regardé sous son lit ou dans son placard, alors qu’il était enfant ?
Moi, je me rappelle l’avoir fait, plusieurs fois, tout en me convainquant que mon entreprise était ridicule.
Mais comment aurais-je réagi si j’avais réellement aperçu quelque chose ? Si l’une de ces créatures m’avait dévoilé son vrai visage ?
Je n’ose y penser, car, finalement, je sais aujourd’hui qu’ils existent… Oh ! pas comme les monstres imaginaires pourvus d’une poignée d’yeux vitreux ou de mâchoires à rallonge bien garnies de dents tranchantes prêtes à vous dévorer…
La structure mentale de ces enfants est déjà bien en place et il est illusoire de penser les faire changer. Malgré vos efforts, ils resteront pleinement conscients de leurs traumatismes et réagiront en fonction de leur passé.
Les choses ne sont jamais le fruit du hasard. C’est toujours dans une suite logique d’événements, dans un enchaînement de circonstances, au travers d’un schéma non prédéfini que les pires tragédies se fomentent.
Il suffit d’un peu de terreau nourricier, d’un zeste d’inattendu et d’une poignée d’animosité pour donner corps au mal.
L’être humain est comme cela. Il est cela. Noir et brutal à l’intérieur. Et il n’en faut pas beaucoup plus pour que cette formidable machine devienne la pire des calamités.