"L'État doit poser l'institution scolaire comme un élément de construction de la citoyenneté" Europe1
Alain Hébert, élu sans étiquette de Sainte-Colombe-la-Commanderie (Eure), conseiller municipal depuis trente-six ans de cette ville de 900 habitants et maire depuis deux mandats, explique : "Même pour boucher un trou dans la voirie, il faut demander à la communauté communes, et ça peut prendre des mois." Il dit se sentir "moins utile et moins décisionnaire." Simultanément, les services publics ferment - plus de sapeurs-pompiers, plus de bureaux de Poste. Et les frais imposés par l'État s'accroissent : "Pour être conforme au RGPD (règlement général sur la protection des données), ma commune doit fait appel à un prestataire facturé 1.000 euros par an."
La situation est bien différente dans les grandes villes, où l'absence de compétence technique des élus est compensée par l'existence de services administratifs auxquels il est possible de déléguer des tâches. Dans un village, on passe du jour au lendemain de son statut d'exploitant agricole ou de patron de petite entreprise à celui de maire ou d'adjoint. Tous les problèmes que l'on savait résoudre se muent en inextricables sacs de nœuds, qu'il s'agisse d'appeler un plombier pour réparer une canalisation (il faut un appel d'offres), d'embaucher un agent de ménage au camping municipal pour faire face à un afflux saisonnier plus important que prévu (il aurait fallu une délibération six mois avant)...
Il nous aime, cet État dont le président annonce au monde entier qu'il va reconstruire Notre-Dame de Paris en cinq ans, quand c'est le délai que nous imposent les tracasseries administratives et le mille-feuille institutionnel pour obtenir un simple permis de construire afin de restaurer notre petit hôtel de ville classé monument historique ? Il nous aime, cet État dont un président de l'Assemblée nationale se goberge de homard et de grands crus, quand nos rémunérations ne nous permettent même pas d'acheter une bouteille des nectars dégustés à Paris ?
Coups de fouet, aussi, de ces administrations qui retoquent le dossier que vous avez péniblement constitué au motif de vices de forme qu'il serait si facile d'éviter si elles daignaient conseiller et accompagner, pas seulement instruire et sanctionner. Coups de fouet, encore, de ces dotations financières toujours revues à la baisse, qui vous imposent d'improbables acrobaties budgétaires dès que vous souhaitez accomplir quelque chose.