Ce qu'alors [XVIIIe siècle] les deux sexes nommaient Amour, était une sorte de commerce, où l'on s'engageait, souvent même sans goût, où la commodité était toujours préférée à la sympathie, l'intérêt au plaisir, et le vice au sentiment.
On disait trois fois à une femme, qu'elle était jolie ; car il n'en fallait pas plus : dès la première, assurément elle vous croyait, vous remerciait à la seconde, et assez communément vous en récompensait à la troisième.
Grand Dieu ! que l'amour est un sentiment bizarre ! Quand je vois aujourd'hui ce même objet, qui, il n'y a encore que si peu de temps, avait sur moi tant de pouvoir ; lorsque je juge de sang-froid cet homme qui a été si dangereux pour mon coeur, j'avoue que j'ai peine à comprendre qu'il ait pu me tourner si violemment la tête, et que j'en sens contre moi-même la plus forte indignation.
On se plaît, on se prend. S’ennuie-t-on l’un avec l’autre ? on se quitte avec tout aussi peu de cérémonie que l’on s’est pris. Revient-on à se plaire ? on se reprend avec autant de vivacité que si c’était la première fois qu’on s’engageât ensemble. On se quitte encore, et jamais on ne se brouille. Il est vrai que l’amour n’est entré pour rien dans tout cela ; mais l’amour, qu’était-il, qu'un désir que l’on se plaisait à s’exagérer, un mouvement des sens, dont il avait plu à la vanité des hommes de faire une vertu ? On sait aujourd’hui que le goût seul existe ; et si l'on se dit encore qu'on s'aime, c'est bien moins parce qu'on le croit, que parce que c'est une façon plus polie de se demander réciproquement ce dont on sent qu'on a besoin.
L'air froid d'Hortense me piqua plus que celui de sa mère. Rêveuse et comme embarrassée de ma présence, elle ne jetait sur moi que des regards tristes ou distraits. Sa mère et Madame de Lursay qui se parlaient nous laissaient en liberté d'en faire autant, mais je sentais trop vivement le plaisir d'être auprès d'elle pour pouvoir lui parler d'autres choses que de mon amour et rien dans cet instant n'en pouvait autoriser l'aveu.
L'amour a-t-il donc besoin de manège ? Ah ! croyez qu'il agit toujours en nous malgré nous-même, que c'est lui qui nous conduit, et que nous ne le menons pas.
Quelque transporté que je fusse, je craignais de lui paraître trop hardi et, sans croire encore que j'eusse formé le dessein de lui plaire, j'aimai mieux me contraindre que de lui donner mauvaise opinion de moi.
(...)
il vantait si haut les charmes de l'inconnue, et la regardait avec si peu de ménagement et tant de fatuité, que j'en rougis pour lui et pour moi. Sans avoir démêlé mes sentiments, sans imaginer que j'eusse de l'amour, je ne voulais pas déplaire. Je craignais que le dégoût que l'inconnue pourrait prendre de ce jeune homme ne me fît aussi tort dans son esprit.
On se plaît, on se prend. S’ennuie-t-on l’un avec l’autre ? on se quitte avec tout aussi peu de cérémonie que l’on s’est pris. Revient-on à se plaire ? on se reprend avec autant de vivacité que si c’était la première fois qu’on s’engageât ensemble. On se quitte encore, et jamais on ne se brouille. Il est vrai que l’amour n’est entré pour rien dans tout cela ; mais l’amour, qu’était-il un désir que l’on se plaisait à s’exagérer ? Un mouvement des sens, dont il avait plu à la vanité des hommes de faire une vertu ? On sait aujourd’hui que le goût seul existe ;
Si les femmes savaient tout ce qu'on peut faire des hommes avec des caresses, elles les mèneraient encore bien autrement.
En quoi consiste la vertu?dans la privation absolue des choses qui flattent le plus les sens.Qui peut savoir quelle est la chose qui les flatte le plus?celui là seul qui a joui de toutes.Si la jouissance du plaisir, peut seul apprendre à le connaître, celui qui ne l a point éprouvé, ne le connaît pas,que peut il donc sacrifier?Rien,une chimère, car quel autre nom donner à des désirs qui ne portent que sur une chose qu on ignore?
Je sais que vous allez me promettre toute la circonspection possible : je suis même certaine que vous vous en croyez capable ; mais moins vous êtes accoutumé à aimer, moins vous aimeriez d'une façon convenable. Jamais vous ne sauriez contraindre ni vos yeux, ni vos discours ; ou par votre contrainte même, trop avant poussée, et jamais ménagée avec art, vous feriez connaître tout ce que vous voudriez cacher.