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Critique de Pavlik


D'habitude la brièveté des romans de Stefan Wul ne me dérange pas, bien au contraire. Ce n'est pas le cas de Piège sur Zarkass, dont l'ambition des thèmes et réflexions abordés aurait mérité davantage d'ampleur.

Cette histoire est à rapprocher thématiquement d'un roman antérieur, intitulé Rayons pour Sidar. Les deux ouvrages mettent en scène des personnages qui tentent de protéger une planète sous protectorat terrien d'une invasion alien. Ils ont donc en commun d'aborder le thème de la colonisation. La comparaison s'arrêtera là, car je n'ai pas encore terminé Rayons pour Sidar (j'y reviendrai dans la critique de ce dernier).

Darcel et Laurent, deux agents du gouvernement terrien, sous couvert d'une expédition géologique, sont chargés de collecter le maximum d'informations sur les Triangles, une race extraterrestre, manifestement dotée d'une technologie supérieure aux terriens, ainsi nommée en raison de la forme de ses vaisseaux. En effet, un de leurs astronefs s'est récemment écrasé dans la jungle zarkassienne, tout près du volcan Safass-Thin. Cela fait déjà plusieurs décennies que la terre est présente sur Zarkass, mais voici quelques temps que les mystérieux Triangles y mènent des missions de reconnaissance, allant jusqu'à installer des bases sur les pôles de la planète tropicale. le gouvernement zarkassien semble jouer un double jeu et les autorités de la terre craignent de perdre la mainmise sur ce protectorat (le seul à l'atmosphère respirable).

Pour bien comprendre ce roman il faut, je pense, avoir en tête le contexte historique de sa rédaction, à savoir la décolonisation, en pleine période de guerre froide (on est d'ailleurs pas loin de son apogée). Qui plus est, les russes sont alors en avance, au moins en ce qui concerne la conquête spatiale, surtout par rapport à un pays comme la France. le spoutnik vient d'être lancé et Gagarine ne va pas tarder à devenir le premier homme a effectuer un voyage dans l'espace. Ainsi, comment ne pas voir dans les Triangles l'ombre des soviétiques, qui sidérèrent le monde de leurs prouesses technologiques (ce qui provoquera, en retour, la réponse de l'oncle Sam, sous la forme du programme Apollo).
De même la planète Zarkass, à l'ambiance tropicale caractérisée, alternant jungles et savanes, présente une ressemblance manifeste avec l'Afrique de notre bonne vieille terre, continent qui fût un des enjeux de cette guerre de l'ombre, mais également un pré carré de la France.
Wul retranscrit donc, dans son histoire, le contexte qui l'a vu naître.

Au niveau de l'ambition, comme je l'ai dit auparavant, j'ai été déçu que l'auteur ne développe pas plus avant sa propre vision de la colonisation, à savoir, je pense, une vision romantique, voir idéaliste (à la limite naïve). Il ne se place donc pas dans un registre idéologique, ni politique et ne dénonce pas, pas plus qu'il n'approuve. A aucun moment la légitimité de la présence des terriens sur Zarkass n'est remise en cause. La seule critique qu'il adresse est réservée aux zarkassiens (africains?), notamment les évolués, qui ont renié leur héritage historique et culturel, sans avoir réussie à l'amalgamer aux apports extérieurs, au profit d'une grotesque imitation du mode de vie terrien. Je pense que cette alliance entre deux cultures, dans une dynamique de transcendance créatrice était, ou aurait justement dû être, pour l'auteur, l'aboutissement de la colonisation. Pour autant, même s'il semble faire porter la responsabilité de cet échec aux peuples indigènes, on ne saurait taxer Wul de racisme, la fin venant démontrer toute la considération qu'il a pour les zarkassiens, qui ont simplement oublié leur grandeur et leur puissance. On sent d'ailleurs la tendresse qu'il éprouve à leur égard et, pour une fois, il développe davantage, je trouve, les habitants, que la planète en elle-même. Il y a donc un exotisme, toujours présent, mais plus familier, moins poétique. Par ailleurs on sent, sur la fin, que ce roman aurait également pu contenir une vrai réflexion sur les rapports entre science et mysticisme, mais faute de place, elle n'est qu'esquissée .

Du strict point de vue de la construction du récit, le déséquilibre et la différence de rythme, entre les deux premières parties et la dernière, m'ont dérangé. Ainsi, l'histoire débute de manière un peu paresseuse et semble vouloir prendre son temps pour se mettre en place, on fait surtout connaissance avec le tandem Darcel (l'ingénieur, pas homme de terrain pour un sous, idéaliste) - Laurent (baroudeur, pragmatique, ignorant des questions scientifiques), qui fonctionne plutôt bien, et avec les moeurs des zarkassiens. La deuxième partie commence à amener quelques péripéties, quand la première en est plutôt dépourvue. Enfin, tout s'accélère dans la troisième, et dernière partie, de manière, je trouve, un peu trop brutale. de même, le changement de registre entre récit d'aventure en milieu hostile et récit d'espionnage et d'infiltration en milieu urbain, ne me paraît pas très heureux, et la mayonnaise, en ce qui me concerne, a eut du mal à prendre.

Pour conclure, un roman de Wul qui met un peu à mal les fondamentaux de l'auteur mais qui porte en lui des graines fort intéressantes. Dommage que l'auteur ne les ait pas laissés grandir, quels magnifiques fruits elles auraient donnés.
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