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Critique de Cancie


Bobigny 1972 est un roman graphique engagé qui retrace le procès qui a rendu possible la légalisation de l'avortement.
Nous sommes en janvier 1972, une voiture de police course un automobiliste et finit par l'arrêter.
Le conducteur est interpellé et conduit au commissariat. Sont retenus contre lui vol de voiture, délit de fuite et mise en danger de la vie d'autrui. le jeune appréhendé, Daniel, contre toute attente, propose un bien vilain deal. Il négocie en balançant le nom d'une jeune femme et la machine répressive est enclenchée...
Quelques pages plus loin, ce sont en effet deux femmes que l'on retrouve au commissariat. Elles sont entendues pour des faits qui se seraient déroulés en 1971.
La BD de Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel relate l'histoire de Marie-Claire Chevalier, jeune fille de 16 ans, enceinte à la suite d'un viol, dénoncée pour avortement clandestin par son propre agresseur, Daniel P..
L'avortement étant alors encore considéré comme un délit en France, la jeune fille et sa mère qui a tout mis en oeuvre pour lui venir en aide et donc accusée de complicité vont devoir répondre de leurs actes devant la justice.
Mais depuis les années 1960, nous sommes dans un contexte de mutation des mentalités en France.
Un million de femmes se faisant avorter chaque année et, en raison notamment des risques médicaux provoqués par la clandestinité dans laquelle l'avortement est pratiqué, 343 Françaises ont pris l'initiative et ont eu le courage de signer une pétition rédigée par Simone de Beauvoir, dans laquelle elles déclarent publiquement avoir eu recours à l'avortement. Il s'agit du manifeste des 343, paru le 5 avril 1971 dans Le Nouvel Observateur, appelant à la légalisation de l'avortement en France.
Peu après, en juillet, Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir fondent l'association Choisir la cause des femmes, un mouvement féministe de lutte pour la dépénalisation de l'avortement.
Aussi, cette affaire dramatique qui aurait pu rester un fait divers banal, va devenir l'un des grands procès historiques quand Gisèle Halimi va accepter à la demande de la mère de Marie-Claire de s'occuper de l'affaire, une affaire emblématique de l'injustice et de la répression.
Ce sera le grand procès politique de l'avortement, avec de grands témoins, des prix Nobel, des philosophes, des politiques, procès dans lequel l'avocate passera au-dessus des juges pour interpeller la société tout entière. Seront appelés effectivement à la barre, entre autres, l'actrice Delphine Seyrig, la philosophe Simone de Beauvoir, le prix Nobel Jacques Monod, le Professeur Paul Milliez, l'écrivaine et journaliste Madame Claude Servan- Schreiber ou encore le député Michel Rocard.
La scénariste Marie Bardiaux-Vaïente traite l'histoire avec force et réalisme, avec une écriture forte de révolte qui rend compte sans les gommer aussi bien les propos violents tenus par le procureur lors des audiences que les paroles des témoins de la défense absolument saisissantes de vérité par la mise en évidence du fait que c'est toujours la classe des femmes pauvres vulnérables économiquement et socialement qui est frappée. Elle revient astucieusement sur la vie de Marie-Claire ou les avancées du mouvement féministe, par des flash-back que la dessinatrice et coloriste Carole Maurel a su bien souligner en utilisant un fond de page ocré. Les scènes intimistes tout comme les manifestations et mobilisations de rue sont également particulièrement bien rendues.
De même que j'avais été conquise par la BD Une farouche liberté, Gisèle Halimi, la cause des femmes, de Annick Cojean, Sophie couturier, Sandrine Revel et Myriam Lavialle, qui retraçait la vie de combats, de passion et d'engagement au service de la justice et de la cause des femmes de Gisèle Halimi, cette emblématique combattante féministe et anticolonialiste, j'ai été séduite et sidérée par le courage et la volonté de ces personnes à porter le combat pour le droit des femmes à disposer de leur corps.
L'album Bobigny 1972 est un remarquable rappel de l'Histoire, celui d'un procès historique, un procès dans lequel Gisèle Halimi, cette défenseuse passionnée de la cause des femmes, a fait non pas le procès des accusées, mais celui de la loi répressive. Il allait servir de prémices à la loi Veil de 1975 autorisant l'interruption volontaire de grossesse…
N'oublions pas et restons toujours vigilants !
Cette lutte est malheureusement toujours d'actualité dans certains pays où des combats similaires sont menés.
À lire absolument.
Un grand merci à ma petite-fille Emma qui m'a proposée cette lecture inoubliable !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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