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Critique de Sofiert



Me voilà à nouveau dans le Mississippi pour un roman burlesque et caustique qui défie les genres.
Percival Everett a l'habitude de jouer avec le grotesque et l'absurde pour dépeindre une société américaine prisonnière d'un passé peu glorieux et coincée par ses contradictions.
Autour du racisme, sujet récurrent de ses romans, il mêle Tarantino et les frères Coen pour livrer une enquête jubilatoire où des détectives Noirs doivent résoudre des meurtres plutôt gore de Blancs racistes.

Je retrouve ici les rednecks rencontrés chez Kingsolver et Michael Farris Smith, à nouveau représentés dans une caricature grotesque, ( Donald Trump comme chef de file) et surtout comme association malfaisante de racistes nostalgiques du KKK.
La petite ville de Money dans le Mississippi est ainsi décrite : " C'est un repaire de pequenauds débiles qui sont restés bloqués au XIXe S d'avant guerre et offrent la preuve vivante que la consanguinité ne conduit pas à l'extinction."
Ainsi tous ceux qui ne sont pas blancs sont accusés de tous les maux comme ces "Wetbacks latinos qui raflent tous les boulots".

Mais Percival Everett fait semblant de jouer le jeu de la discrimination et des clichés et  prend un plaisir certain à tourner toute cette histoire en dérision et à égratigner les stéréotypes.
Le roman est construit à partir d'une histoire vraie, celle de l'assassinat d'Emmett Till, un jeune garçon noir battu à mort et lynché en 1955 parce qu'il aurait sifflé une jeune femme blanche.

On découvre au début du roman une famille blanche pauvre et dysfonctionnelle dans laquelle une vieille femme, Mamie C, déclare regretter avoir accusé à tort un gamin noir. Peu après, les fils de la famille sont retrouvés étranglés par des fils barbelés, énucléés et
émasculés auprès du cadavre d'un jeune homme noir qui réapparaît sur d'autres scènes de crimes.

Ces crimes gore qui éclaboussent ce patelin de péquenauds racistes vont sérieusement inquiéter la population blanche menée par le chef local du Ku Klux Klan qui cumule les fonctions de médecin légiste et de révérend.
Percival Everett se moque allègrement de la nostalgie d'une certaine culture sudiste.
"Pis y avait beaucoup plus de croix enflammées, des pique-niques en famille et des matchs de foot et tout ça, dit Donald. Je me rappelle que j'ai mangé du gâteau à côté de cette croix toute rouge. J'adorais le gâteau de ma mère."

Par ailleurs, l'arrivée des enquêteurs noirs, deux hommes puis une femme du FBI, va bouleverser les représentations de la population, habituée à voir le pouvoir et l'autorité détenus par des Blancs. Leur capital sympathie va même s'amplifier à mesure que leurs blagues parfois simplistes vont entrer en concurrence avec leur courtoisie et leur perspicacité.

L'émotion saura pourtant trouver sa place dans cette comédie percutante. L'un des personnages du roman, Mama Z, a constitué des archives colossales de tous les crimes de lynchage commis depuis le meurtre de son propre père. Sept mille six personnes noires sont répertoriées, et l'énumération de leurs noms les rend "réels de nouveau, et plus seulement des statistiques " comme le souhaite celui qui écrit leurs noms.

Peu à peu une déferlante de meurtres de Blancs va toucher tout le pays jusqu'à la Maison-Blanche (avec la mise en scène corrosive d'un Trump d'une absolue mauvaise foi ), et faire ainsi basculer le polar dans une zone étonnante entre le cauchemar et la fable satirique. Car des hordes de zombies noirs et asiatiques se répandent dans le pays.
De manière totalement inattendue, l'auteur va utiliser le surnaturel pour décrire le racisme comme pour confronter les américains à ces fantômes qui hantent leurs consciences.

A quelques mois de l'élection américaine, ce livre qui ne ressemble à aucun autre, pose des questions essentielles sur le besoin de réparation et la reconnaissance des violences policières envers les afro-américains.

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