Par quel autre prisme que celui de l'argent mobiliser l'opinion publique et les responsables politiques pour que les victimes de violences sexuelles soient considérées à l'heure actuelle ?
Visiblement l'empathie de fonctionne pas, les témoignages ne sont pas suffisants, le nombre de féminicide chaque année (combien parmi elles étaient victimes de violences sexuelles?) pas assez criant.
Dans ce remarquable essai, l'autrice explore l'impact financier de ces violences sur les victimes et sur la société.
Les victimes, en plus d'avoir été blessées dans leur chair, souffrent la plupart du temps de conséquences psychologiques. Mal prises en charge, les professionnels n'étant pas formés pour identifier des traumatismes liés aux agressions sexuelles, elles sont souvent en errance médicale et doivent financer elles même des thérapies coûteuses et non remboursées durant des années.
Pour avoir une idée : 50 euros minimum une séance chaque semaine = 200/250 euros par mois pour survivre aux conséquences d'une agression.
Les victimes, en plus d'avoir été blessées dans leur chair, souffrent des carences du fonctionnement judiciaire. Les chiffres sont édifiants : 160 000 enfants chaque année, 200 000 majeurs.
Seuls 12% des victimes portent plainte.
Seuls 7% des viols dénoncés aboutissent à une condamnation.
Une procédure judiciaire coûte très cher pour les victimes. En plus de revivre le traumatisme et de s'y se sentir enfermée, elles vont débourser des sommes pharamineuses en frais d'avocat qui ne seront la grande majorité du temps pas pris en charge par l'aide juridictionnelle (drôle de sujet que celui-ci, l'autrice l'aborde dans son essai) ni par l'auteur puisqu'il y a de grande chance qu'il échappe à toute condamnation.
Parole contre parole, sacro sainte présomption d'innocence, les agresseurs bénéficient de la définition juridique du viol difficile à prouver pour sévir en quasi-impunité. Violer, récidiver.
Porter plainte est un acte quasi politique pour les victimes qui veulent se faire entendre et faire valoir leur droit, obtenir réparation du préjudice subit. Elles doivent néanmoins choisir entre financer leur santé mentale et une procédure judiciaire (parfois plus de 20000 euros la procédure)
Dans cette vie post-agression, plus de loisirs, plus de projet : plus les moyens.
Économiste, sociologue, professionnel de santé, magistrat, avocat … en plus des témoignages de victimes, l'autrice a fait de nombreuses recherches et a mobilisé un large panel de professionnels pour évaluer la question du coût pour la société.
Ou il y en a un, difficilement quantifiable puisque les données statistiques sur les violences ne sont pas alimentées, mais si on considère l'impact sur la sécurité sociale, arrêt maladie, anti-dépresseurs, hospitalisation en hôpital psy; qu'on y ajoute la production de richesse beaucoup moins importante des victimes (difficulté professionnels, perte de chance …), on arrive à plusieurs milliards d'euros chaque année.
Des solutions concrètes sont avancées dans le livre, peut être serait-il temps de les analyser, réfuter, retravailler ? Qu'importe tant qu'elles sont portées au débat.
Chers lecteurs, au delà de lire cet essai bouleversant : considérez l'autrice comme une des nombreuses lanceuses d'alerte sur le traitement réservé aux victimes de VSS.
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Pour que la plainte aboutisse, il faudra en moyenne compter sept ans pour une procédure pour viol et cinq ans pour agression sexuelle. Des années d'attente, des années en suspens, où l'on vit au gré de la procédure, et à la merci des convocations, audiences et décisions. Et l'on paie pour ça. Comment refaire sa vie quand on ne sait pas si sa plainte sera classée, s'il y aura un non-lieu ou un procès ? Ces années-là, je les ai personnellement vécues comme des années volées, en plein cœur de ma jeunesse, un coût inestimable.
Porter plainte est un investissement à la fois humain et pécuniaire extrêmement important, un investissement qui rapporte peu. En 2019, pour 100 viols signalés aux autorités, moins de 7 d'entre eux ont donné lieu à une condamnation. On comprend bien pourquoi tant de victimes ne franchissent jamais les portes d'un commissariat. La même année, seules 12% des victimes de viol ou tentatives de viol ont déposé plainte.
On ne peut pas parler des conséquences des violences sexuelles sans prendre le temps d'expliquer les souffrances qui en découlent. Le viol n'est pas une épreuve, c'est avant tout un traumatisme qui laissera derrière lui des séquelles plus ou moins importantes. Bien que ces séquelles soient très répandues, elles restent encore trop méconnues du grand public et même des professionnels de santé. C'est une véritable épidémie cachée. En conséquence, les victimes font face à une incompréhension, voire à des jugements qui renforcent leur isolement, leur culpabilité et leur douleur. L'indifférence et le mépris auxquels elles sont confrontées sont destructeurs.
Aborder la question de la souffrance sous le prisme de l'argent peut paraître cynique. En réalité, face à tant d'indifférence, c'est la marque d'un profond désespoir.
Vous qui détournez le regard, vous qui ne faites pas des violences sexuelles un sujet politique de premier plan, vous qui ne voulez pas voir les séquelles que les victimes portent en elles comme un fardeau quotidien : tout ceci vous coûte très cher. Alors, peut-être voudrez-vous enfin vous en préoccuper ?