(...) Je peux maintenant lui masser doucement la zone douloureuse et le bercer légèrement.
Il semble apprécier et pousse des soupirs de soulagement. "Cela me fait du bien, dit-il, vous savez, j'ai l'impression de souffrir comme une femme en couches." A peine a-t-il prononcé ces mots que le voilà pris de sanglots convulsifs. Je reste-là, calmement. Je sais pour l'avoir observé si souvent, que le seul fait d'être touché avec respect et tendresse déclenche parfois de fortes réactions émotionnelles. C'est que la peau a une mémoire, et il arrive qu'un contact bon et confirmant réveille une peine, un manque très anciens.
"Que se passe-t-il?" lui demandé-je?
- En vous disant cela, j'ai pensé à ma mère, et cette pensée me fait très mal. Je suis un enfant non désiré, et ma mère a tenté tout ce qu'elle a pu pour se débarrasser de moi, dans les premiers mois de sa grossesse. Elle ne m'a jamais aimé, et je crois que je mourrai sans en être consolé."
Comment mourir, ai-je pensé, quand on a le sentiment de n'avoir pas été accueilli dans la vie? (...)