Visionnez mon entretien avec la charmante Leïla Bahsaïn pour Son nouveau roman Ce que je sais de Monsieur Jacques paru chez Albin Michel
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- Ah, si seulement les gens adoptaient les gens, les différences et les autres cultures comme ils s'emparent des plats venus d'ailleurs. Si seulement on pouvait mettre de l'exotisme dans leurs vies avec autant de facilité que dans l'assiette. Si on avait autant de plaisir à dire sushi ou samoussa qu'à dire asiate ou chinetoque, tagine et kebab qu'à dire revue ou turc, la paix serait envisageable. Ce serait la fin de toute cette connerie, ce ramassis de conneries, oui.
J’ai l’amour maudit. Toute ma vie j’en ai eu la preuve. Je le sais comme on sait le prix à payer pour acheter des concombres ou des cigarettes. Je suis de la génération pour qui tout se paye et s’achète au supermarché. Je le sais comme on sait que la grande distribution vend les briques de lait qui sortent de l’usine ; et que le café est instantané et le thé en sachets. Je le sais comme le joueur sait qu’il paye le ticket de Loto de sa ruine. Il paye comme on paye une fille de la rue Serre-moi, des minutes fugaces de jouissance et de rêve
Lorsque mes pieds foulent le territoire interdit aux Terriens de seconde zone, je suis prise d’un fou rire. Bienvenue au paradis ! Dans mon imagination, elle était plus belle l’Europe. Aussi cristalline qu’une pierre de pureté. Avec des gens gentils qui circulent à bicyclette, qui disent bonjour, merci et au revoir.
La baguette sous cellophane, c’était le produit phare ce jour-là. Tout le monde sortait baguette sous le bras, c’était pratique avec le plastique. Pas de problème pour les aisselles qui sentent en raison de la longue attente. Moi, je ne voulais pas manger de ce pain-là. Sans doute à cause de la résistance aux changements alimentaires et le pain avait l’odeur des médicaments. Aseptisé, blanc et fade.
J’ai souvent rêvé d’être un homme. Pas nécessairement pour toujours. Juste le temps de me promener torse nu les soirs de canicule. Le temps de fumer une cigarette assise sur le trottoir. Le temps de courir dans les rues ou de danser sans que les têtes se retournent.
Jours passés à ressasser ma débâcle. Et le silence d'une campagne-dortoir pour seul réceptacle de ma clameur. Je ne trouve consolation que dans ces carrés de chocolat que je savoure plus que de raison. Des petits morceaux pralinés tamponnés d'un symbole de fève, qui fondent en bouche et dissolvent les tracas.
La vie de cadre moyen offre une existence à la consistance ténue. Hygiène, toilette impeccable, ventre trop plein, habitat à crédit et profusion d'objets superflus. Liens par écrans interposés. Peu de place à la famille et aux loisirs, et encore moins à la rencontre entre soi et soi. Au fil des ans, j'étais devenue la femme des fonctions et j'ai perdu le sens. La vie active consistait en cela : tenir les rôles qui laissent peu de temps à ce qui n'est pas le travail. On devenait un professionnel et la fonction s'immisçait dans l'identité. On vivait à cloche-pied et c'était normal. Le jour : foyer vide, sans père ni mère. Le soir répondre à l'appel des slogans, dépenser son revenu en emplettes et naviguer dans la jungle des liens virtuels, des infos et des navets à sensations.
Journées trépidantes ; mes retours à la maison le soir ont des allures de prise de recul.
La vie de cadre moyen offre une existence à la consistance tenue. Hygiène, toilette impeccable, ventre trop plein, habitat à crédit et profusion d'objets superflus. Liens par écrans interposés. Peu de place à la famille et aux loisirs, et encore moins à la rencontre entre soi et soi. Au fil des années, j'étais devenue la femme des fonctions et j'ai perdu le sens. La vie active consistait en cela : tenir des rôles qui laissent peu de temps à ce qui n'est pas le travail. On devenait un professionnel et la fonction s'immisçait dans l'identité. On vivait à cloche-pied et c'était normal.
Tout se paye, et le client est roi. Devant mère officielle, il ne bronche pas le banquier.
Sourire Colgate sur les lèvres, empestant l’after-shave, il noue et dénoue sa cravate imprimée de cochons roses à queue en spirale. J’en ai déjà vu des cravates comme celle-ci dans le stock professionnel de mère officielle, avec, quand on les retourne, d’une femme à poil, les jambes écartées et les seins trop parfaits pour être et beaux. Effondrée qu’elle était mère officielle en découvrant tant d’impudeur. Heureusement que Saïd l’épicier s’est chargé d’écouler le lot licencieux.
Summum du chic bancaire, le banquier sort du tiroir des friandises Mackintosh’s Quality
Street. Je jette mon dévolu sur le bonbon bleu à la noix de coco. Mère officielle
saisit la boîte, vérifie la langue, la provenance, le code-barres, les couleurs, les
immeubles et les illustrations.
– Ce n’est pas de la contrebande, mère officielle ne prend pas de bonbon : C’est du
faux Mackintosh Qualité Stricte. Honte à la banque !
Un homme en habit officiel et une dame parapluie à la main sont dessinés sur le couvercle.
Il nous en fait un speech le banquier, nous proposant des emballages à fric de toute
sorte. Coffres-forts, cartes Gold, carte Visa, Master Card, chèques barrés, crédits
logement, crédits à la
Monsieur Mouskir est un barbu de format petit pain, les poils hirsutes d’un noir presque bleu. Tel qu’il s’habille, avec des pulls en laine et des sarouels en satin, je lui trouve l’allure d’un ayatollah déguisé en lutin