Ton Maître a mal interprété les paroles du sage. Il n'y a rien au fond du puits. Il ne fait que refléter l'âme de la personne qui se penche sur lui. Le pouvoir de la licorne ne peut être obtenu par la force ; c'est la licorne elle-même qui décide à qui l'octroyer, après avoir soumis la personne qui y aspire à l'épreuve du puits des reflets.
(dixit un fantôme à Dana).
- Sorcière ! cria une femme au premier rang.
- Je suis innocente !
- Dans ce cas, ne crains rien : le feu ne te fera aucun mal, déclara l'alguazil.
Elle eut un rire amer.
« C'est si j'étais une sorcière que le feu ne me ferait aucun mal, rectifia-t-elle. Et si j'étais une sorcière, je ne serais pas ici. Je me serais depuis longtemps envolée sur un balais ! »
La logique de ce raisonnement n'ébranla pas la conviction de l'homme.
« Reconnais-tu tes péchés, ma fille ? Insista-t-il.
- Oui, je reconnais que je vous déteste tous, vous qui condamnez une innocente ! Voilà mon péché ! »
Les sentiments font partie de la vie. Ils ne naissent pas en toi pour que tu les enfermes sous clef. Tu devrais le savoir.
(dixit Kai à Dana).
Dans mon pays, (…) il y a un proverbe qui dit que celui qui ne regarde jamais vers le bas est un homme mort.
(dixit Maritta au Maître).
Elle se souvenait parfaitement de ce que lui avait dit Fenris la nuit précédente : « Ce côté sauvage n'est qu'une partie de nous-mêmes, et loin de lutter contre lui, il faut l'accepter, le contrôler, le canaliser. C'est alors que nous apprenons qu'il ne s'agit pas d'une erreur de la nature ; c'est un don, pourvu qu'on en fasse bon usage... »
Le monde fonctionne d'après un équilibre complexe ; tous les êtres vivants luttent pour survivre, pour croître, pour devenir plus forts et plus grands que les autres, pour dominer un territoire plus large, pour avoir plus de descendants et pour vivre plus longtemps. Tout cela demande de l'énergie. Cette énergie, que nous appelons magie, circule dans le monde en un cercle sans fin. C'est l'âme de la terre ; tous les êtres y participent.
(dixit le Maître à Dana lors de son premier cours).
- Tu le sauras peut-être un jour.
Dana eut un geste de colère.
« Mais personne ne donne jamais de réponse claire, ici ? »
Fenris se mit à rire. Dana le regarda, surprise. C'était la première fois en cinq ans qu'elle le voyait rire.
« C'est la croix des apprentis ! s'exclama-t-il. Personne ne leur dit rien jusqu'à ce qu'ils soient consacrés mages. Ils vivent sous le poids d'une montagne de questions sans réponse. »
Grâce à sa maîtrise de la magie en général, et à ce sort de mimétisme en particulier, Nawin avait surpris toutes sortes d'intrigues, avait survécu à de nombreuses tentatives d'assassinat et avait fait échouer d'innombrables conspirations organisées par différentes familles de la noblesse elfique désireuses de l'écarter du trône. Pour Nawin, l'espionnage était un moyen de survie.
- Ils [les loups] ne tarderont pas non plus à entrer dans la Tour.
Shi-Mae le regarda, effarée.
« Ne me dis pas que tu ignores que, Fenris parti, plus personne ne peut retenir les loups ! » La voix se mit à rire. « Ne me dis pas que tu ignores que sa présence ici est la seule garantie pour les habitants de la Tour lorsque les loups réclament vengeance ! ».
Je m'ouvre un passage dans la foule. J'ai la certitude que, quelque part parmi ces gens, quelqu'un brille de sa propre lumière. Une créature surnaturelle prisonnière d'un corps humain.
Je dérange ; on me pousse. Je me laisse ballotter de ci de-là, m'efforçant de retrouver cette sensation. Soudain, je m'immobilise. Là, dans un coin. Un garçon m'a regardée, et j'ai eu la chair de poule. En fait, pour être tout à fait franche, j'ai eu une crise de panique : je meurs d'envie de partir en courant. Mais je me retiens. Le garçon en question vient de plonger son visage dans la longue chevelure d'une fille dont la tenue de cuir laisse peu de place à l'imagination. Il lui chuchote quelque chose à l'oreille, et elle rit avec coquetterie. Je ne vois pas son visage, à lui. Il a l'air jeune, plus que Yeiazel. Il n'a pas l'air d'un ange, mais on ne sait jamais. C'est alors qu'il lève les yeux. Son regard me laisse muette d'horreur. C'est le regard d'un prédateur.
La fille qui l'accompagne s'aperçoit de ma présence et se tourne vers moi, agacée. Mais elle ne me fait pas peur. Elle me fait plutôt pitié. Elle est convaincue que s'il lui témoigne autant d'attention, c'est parce qu'il veut coucher avec elle. C'est faux. Tu te trompes, pauvre naïve. Ton corps ne l'intéresse pas le moins du monde. C'est ton âme qu'il veut. Et quand tu la lui auras donnée, il n'y aura pas de retour en arrière possible. II me dévisage toujours. Ses yeux froids et pénétrants semblent d'acier. Puis il sourit, lentement.C'est un sourire à la fois sournois et fascinant. Un sourire incroyable, magnifique, mais qui me rappelle celui d'un chat qui se lèche les babines avant de sauter sur sa proie.
Je prends une profonde inspiration. Ce n'est pas le moment d'avoir la frousse. J'ai une épée angélique et je n'hésiterai pas à m'en servir !
Ce qui me rappelle pourquoi il me regarde. Il a vu mon épée. Il sait qui je suis, ou du moins, il le devine. En un geste désespéré, je sors la lame de son fourreau et je la pointe vers eux. J'observe non sans satisfaction qu'il est décontenancé. Peut-être même très légèrement effrayé. Après tout, je viens de lui mettre sous le nez la seule chose qui peut le tuer. Quelle tête ferait Superman si on brandissait un morceau de kryptonite sous son nez ?
Il fronce les sourcils et me regarde avec colère.
« Tu es folle, ou quoi ? crache-t-il. »
.../...
Le démon revient à moi. Effectivement, il est jeune ; autrement dit, il a l'air d'avoir moins de vingt ans, même s'il en a probablement plus de vingt mille l'âge tendre pour un démon. Naturellement élégant, il porte un pantalon noir et une chemise blanche aux manches à moitié retroussées. Pourtant, son aspect a quelque chose de négligé : ses cheveux noirs sont ébouriffés et ses vêtements froissés, comme s'il venait de se lever. À moins qu'il ne s'agisse d'une nouvelle mode ? Ses traits sont un peu enfantins, ce qui est trompeur, car son expression n'a rien de puéril : maintenant que sa proie a disparu et que je suis seule face à lui, il montre son véritable visage, grave, alerte, et extrêmement dangereux. Dans la pénombre, il est difficile de dire de quelle couleur sont ses yeux ; de toute façon, je ne me sens pas capable de soutenir son regard une seconde de plus.
Je lève l'épée, m'attendant qu'il dégaine la sienne. Rien ne se passe. J'ai du mal à en croire ma chance. Il n'a pas son épée sur lui. Il n'a pas d'arme ! Mon père m'avait bien dit que les démons devenaient de plus en plus négligents, mais là, c'est un comble. Il croit peut-être que les anges ne sont plus une menace ? Nous allons voir ça.
« Sois prudente avec ce gadget, dit-il tranquillement. Tu pourrais te faire mal.
- C'est toi qui vas avoir mal si tu ne réponds pas à mes questions. »
Il lève les yeux au ciel. Je n'aime pas son attitude, pourquoi ne me prend-il pas au sérieux ?
« Tu n'es qu'une humaine qui joue à l'ange, fillette, me rétorque-t-il d'une voix de velours qui me fait frissonner sans que je sache pourquoi. Ne pose jamais de questions à un démon. Tu n'aimerais pas les réponses. »
Fantastique. Parmi tous les démons du monde, il fallait que je tombe sur celui qui se la joue mystérieux.