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Critiques de Gilles Marchand (751)
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Le soldat désaccordé

Dans les années 1920, un ancien combattant français rentré manchot de la guerre s’est donné pour mission de rechercher les soldats dont on a perdu la trace durant la « der des ders ». Parmi les enquêtes qui lui tiennent particulièrement à cœur, il y a celle que lui a confié une certaine Mme Joplain : retrouver son fils Émile, qui n’est jamais revenu de la guerre…



Le narrateur de ce roman livré à la première personne est un poilu dont on ignore le nom, qui, après avoir perdu quatre années de sa vie, sa main gauche et de nombreux compagnons d’armes dans l’enfer de 14-18, nous ramène sur le champ de bataille, à la recherche de pistes permettant de retrouver les nombreux disparus de la guerre. Une recherche de témoignages qui nous ramène dans les tranchées, entouré de corps mutilés, de sang, de boue et d’explosions…un massacre dont certains sont revenus, mais jamais indemnes… hantés à jamais par l’horreur de la première guerre mondiale.



Heureusement, au milieu de cette boucherie sans nom, l’enquêteur découvre qu’Émile Joplain était un poète qui écrivait chaque jour à sa bien-aimée, une paysanne alsacienne qu’il avait juré d’épouser après la guerre. Cette magnifique histoire d’amour, aussi grande que la guerre qui la dévore, apporte un brin de lumière au cœur des ténèbres… à l’image de cette « Fille de la Lune », apparition onirique, venue réconforter les soldats tombés dans le « no man’s land »… un peu de poésie dans ce monde de brutes !



Celui qui parvient à distiller cette beauté au cœur de l’horreur, d’une plume poétique et délicate, parsemant son récit de personnages attachants aux noms particulièrement musicaux, se nomme Gilles Marchand. Un auteur lourdement armé de mots qui font toujours mouche, rendant hommage à cette génération sacrifiée sur l’autel de la guerre, tout en invitant à réfléchir sur certaines aberrations de ce conflit, dont le sort des alsaciens…
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Le soldat désaccordé

Ma mémoire de la première guerre mondiale est fabriquée en partie par « La vie et rien d'autre », film de Bertrand Tavernier multi nominé en 1990, et par « Les nouveaux Oberlé » roman de René Bazin paru en 1919.



L'écrivain a consacré plusieurs ouvrages au drame de l'Alsace-Lorraine (Les Oberlé en 1901, Les nouveaux Oberlé en 1919, Baltus le Lorrain en 1926) et aux amitiés et amours que les familles conservaient de part et d'autre d'une frontière déplacée au fil des traités.



Le cinéaste a réalisé son chef d'oeuvre en se penchant sur les disparus, sur « le soldat inconnu », sur la quête des familles souhaitant au moins donner une sépulture à leurs enfants morts pour la France.



Gilles Marchand fusionne les deux drames en confiant à un soldat inconnu (manchot dont l'épouse Anna a péri de la grippe espagnole) la mission de retrouver Emile Joplain disparu en 1917 sur le front de Vimy.



L'enquête révèle qu'Emile, héritier d'une dynastie bourgeoise, s'est amouraché dès 1907 de Lucie, gracieuse alsacienne, fille sans dot des Hamel, modestes employés de maison. Union doublement impossible entre un français et une allemande, entre « un beau parti » et une « moins que rien » … Madame Joplain mère veillait à ce que son fils oublie Lucie. La guerre devait séparer Emile et Lucie.



Gilles Marchand glisse ses acteurs dans les espaces laissés libres par Henri Barbusse, René Benjamin, Roland Dorgelès, Maurice Genevois, Jean Giono et donne corps à la légendaire « fille de la lune » en écoutant le poilus et les gueules cassées raconter leurs campagnes et leurs souffrances, à Verdun ou à Vimy aux cotés des canadiens et des « indiens ».



Le soldat désaccordé est un bouleversant récit, écrit avec le sang des poilus, entre les deux guerres, dans un contexte où nombreux étaient ceux qui croyaient à la « der des der », alors que le nazisme grandissait.



J'apprécie beaucoup ce roman et, parvenu à son terme, je pense aux ukrainiens où des familles sont partagées entre leurs racines russes et ukrainiennes et où des Emile et des Lucie disparaissent quotidiennement. Eternelle tragédie de l'histoire …
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Requiem pour une apache

°°° rentrée littéraire 2020 # 29 °°°



Voilà un roman qui réchauffe les coeurs, une ode à l'amitié, à la solidarité et à l'idéalisme. Je découvre Gilles Marchand et c'est évident qu'il possède un vrai univers littéraire entre fantaisie, humour, engagement politique, poésie et rock'n roll.



A travers cette histoire de résistance collective, Requiem pour une apache dresse le portrait des invisibles Tous les personnages sont des éclopés de la vie, des laissés-pour-compte qui ont posé leur valise dans un hôtel-pension devenue autant une famille qu'un refuge pour se faire oublier, peinards, de la société ... jusqu'à ce que le monde extérieur ne leur foute plus la paix.



Et ils sont tous terriblement touchants et attachants, ces éclopés : le couple d'ex-taulards qui ne peut s'empêcher de voler quelques fourchettes à l'hôtelier qui les remet gentiment à leur place ; l'ancien catcheur bon gros géant qui en a pris tellement la figure que son cerveau tourne au ralenti ; l'escroc notoire qui a voulu amener la mer à Paris lorsqu'il était promoteur immobilier ; la vendeuse qui espère sauver le monde en vendant des encyclopédies ; le narrateur, ex-star du rock devenu ringard ridicule ; et l'Apache du titre surnommée Jolène ( comme la chanson de Dolly Parton ) caissière au bord de la crise de nerf parce qu'elle refuse d'afficher son prénom sur un badge alors que le patron est un Monsieur, lui, et que dans son prénom à elle, chaque lettre dise sa classe sociale.



Gilles Marchand réussit la gageure de les faire tous vivre. Et vivre, c'est ce qu'ils veulent. Exister surtout. Et lorsque Jolène sonne l'heure de la révolte, ils la suivent comme une revendication de dignité. Comme dans une tragédie grecque aussi. le titre et le premier chapitre ne laisse aucune place à une issue autre que celle que l'on pressent.



«  Nous n'étions rien et nous devenions quelque chose. Des gens pour qui les étoiles brillent. Quand on connaît la puissance d'une étoile, c'est assez impressionnant.



Toutes proportions gardées, il y a un souffle à la Vernon Subutex ( de Virginie Despentes ) dans ce drame quasi romantique centré sur une révolte idéaliste contre la laideur du monde et de ses laquais. Même si dans sa deuxième moitié, quelques répétitions apparaissent, c'est la générosité et la fraicheur de cette fable politique engagée qu'on retient, tout comme le fait qu'elle ne tombe jamais dans du moralisme lourdaud. Ce coup de pied dans la fourmilière montre qu'il n'est pas nécessaire de vociférer pour dénoncer et faire réfléchir. Le poing levé.
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Une bouche sans personne

« Je pensais seulement en lire une page ou deux, histoire de voir… Et puis, les dix premières coulent sans que je m’en aperçoive. »

C’est ce qui arrive au narrateur devant un livre cher à son enfance, c’est ce qui m’est arrivé en ouvrant les premières pages d’une bouche sans personne. Ça coule et coule sans pouvoir refermer le livre.



Parce que le narrateur, avec sa cicatrice qu’il cache sous une écharpe et son poème, il m’a émue puis il m’a fait sourire, il m’a attendrie, j’avais envie d’être près de lui dans ce bar auprès de Thomas, Sam et Lisa, ces acolytes de comptoir. Même à son travail, j’avais envie d’être près de lui. Non, je ne lui demanderai pas ce qu’il compte puisque Monsieur est comptable. Ce passage est d’ailleurs truculent et recèle d’anecdotes pour clouer le bec aux plus lourdauds.

Monsieur le comptable, il aime les chiffres, c’est plus facile que les gens. On compte, pas obligé de parler. Mais quand le bureau ferme, il est seul et cogite. Pas simple de passer inaperçu avec pareille cicatrice. Ses amis de comptoir s’interrogent. Ils l’apprécient depuis ce temps et ils aimeraient le connaître un peu, lui qui ne parle jamais de lui. Alors le comptable remplace doucement les chiffres par des mots et se dévoile. Il sort de son porte-feuille une photo jaunie par le temps, celle de son grand père Pierre-Jean.



Doucement, avec tendresse, le narrateur dépose ses souvenirs comme on fleurit une tombe, comme un ballet où le masque tombe dans une chorégraphie emprisonnant le passé sous des pas qui vont crescendo dans chaque recoin de la vie. Chut, pas un bruit, une mouche se prépare pour son cha-cha-cha du soir. Chut, pas un mot, le poète se prépare à rentrer en scène.



Une bouche sans personne, c’est ce que je qualifie de littérature précieuse parce que les mots sont précis, brillants, sensibles, même que certains sourient comme ça l’air de rien. Et c’est bon de lire un roman tout simplement bien écrit, bien amené et pétri d’humanité.
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Le soldat désaccordé

Un roman remarquable qui a sous de fond la première guerre mondiale, qui devait être "La der des der". Un ancien soldat, victime dés les premiers jours de son enroulement, d'une blessure qui entraînera l' amputation de sa main, il est invalide et démobilisé, une dure sentence pour lui. Il essaye, tant bien que mal, à s'accrocher aux branches, pour pouvoir servir son pays, La France. Cela ne sera pas suffisant mentalement pour lui, Il décide de rentrer chez lui, se marie avec l'amour de sa vie ,Anne, un amour intense, fusionnelle, un espoir pour retrouver confiance en lui , de lui donner l'espoir de continuer d'une façon positive. Un jour, une femme vient le contacter , pour rechercher son fils, Émile Joplain, Elle est persuadé que ce dernier n’est pas mort, mais pourquoi ce silence. Il se lance dans cette quête, et va découvrir au fur et à mesure, que la disparition d’Émile prend à notre sens. Il découvre une véritable histoire d'amour. Un amour désapprouvé par cette mère, cette jeune fille , Lucie, est issue d'un milieu modeste, et une telle union est inconcevable. Une sensation que le narrateur s'identifie à Émile, par rapport à son vécu, Il se donnera cœur et âme, à ses recherches. Une affaire qui va perdurer pendant plusieurs années, Arrivera t'il à résoudre cette énigme? Arrivera t'il à panser ses propres maux? L'auteur nous embarque sans aucune difficulté dans ce récit, une sensation d'être acteur et non lecteur, une adaptation cinématographique pourrait être envisageable, tel "Au revoir la haut" de Pierre Lemaître . L'auteur use d'une plume percutante, visuelle, entraînant une lecture addictive et captivante, malgré cette période horrifique.
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Le soldat désaccordé

La grande guerre. Le grand amour.

Après « Requiem pour une apache », Gilles Marchand change de tribu et d’époque. Son personnage central est un ancien soldat quasi inconnu. Pas de nom, pas de prénom. Sur le champ de bataille, il a perdu une main et il y a aussi laissé une bonne partie de son âme. Il aurait pu rentrer chez lui auprès de sa belle mais il était resté avec es camarades, chargé du transport des troupes et des blessés. La peur de retrouver le cours d’une vie qui ne pouvait plus être normale.

A l’armistice, la grippe espagnole a pris le relais de la guerre pour donner un coup de main à la grande faucheuse. La seconde couche de l’horreur. Le destin a de la suite dans les idées quand il s’agit de pourrir la vie des innocents.

L’ancien combattant ne s’en est jamais remis et dans les années 20, il jette toutes ses forces dans la recherche de soldats disparus. Le décor du roman est planté sur le squelette des tranchées.

Une affaire en particulier va hanter ce détective de la mémoire et retrouver la trace du soldat Joplain va devenir pendant plusieurs années une obsession. Pourquoi ? Parce qu’elle va faire écho à ses regrets. Il apprend que Lucie, la fiancée de Joplain était montée au front pour retrouver son poète, n’hésitant pas à parcourir les tranchées, interroger les blessés, nettoyer les visages des cadavres pour retrouver son homme.

Dans l’horreur de la guerre, cet amour absolu va alimenter un mythe que l’ancien soldat va suivre, interrogeant tous ceux qui ont croisé Joplain ou sa fiancée pour savoir si les deux amants ont pu se retrouver.

Jeu de piste sur des champs de ruines, visite guidée de l’enfer, l’homme s’accroche à cette folle histoire d’amour pour fuir une époque qui n’est plus la sienne et les bruits de pas cadencés qui annoncent un nouveau conflit. La der des der qui ne sera pas la der.

J’ai beaucoup aimé la première moitié du roman, qui installe merveilleusement le récit et les personnages. La quête des disparus est propice au romanesque et l’auteur offre un hommage appuyé aux victimes de guerre, qu’ils soient soldat ou civils. Gilles Marchand ne manque pas de style et certaines formules font vraiment mouche.

Hélas, j’ai été déçu par un dénouement qui ressemble à une pirouette, le récit passe de la crudité des batailles à un romantisme un peu trop ésotérique. Un peu de poésie dans un monde de brutes ne fait pas de mal mais elle m’a éloigné des personnages. Un joli rendez-vous qui se termine par un dernier verre… de Champomy.

C’est d’autant plus dommage qu’on sent l’auteur habité par son sujet et soucieux de retranscrire au mieux les traumatismes visibles et invisibles de la guerre. Il a créé également de beaux personnages secondaires et singuliers qui ne font pas de la figuration. Un très bel hommage à ceux qui restent.

En fait, je crois surtout que ce roman est trop court. Sans demander la densité de « ceux de 14 » de Maurice Genevoix, l’époque, l’histoire, cette enquête qui s’étale sur plus de dix ans et des personnages attachants méritaient plus de deux cent pages avec une police d’écriture bien grassouillette qui préservera la dioptrie des bigleux. Même le rythme du roman semble couper dans son élan.

La dernière impression n’est pas toujours la meilleure.

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Le soldat désaccordé

Comme bon nombre de ses compagnons de galère, il n'est pas parti la fleur au fusil, loin s'en faut... Mais contrairement à d'autres, qui auront passé de longues années au front ou qui n'en seront jamais revenus, sa participation au combat a coupé court dès l'automne 1914, avec la perte de sa main. Pour autant, voulant se rendre utile auprès de ses camarades, il ne rentre pas chez lui, où l'attend sa chère Anna, mais se rend, d'un bout à l'autre de la France, là où l'on a besoin d'un chauffeur ou d'un cantinier... La guerre finie, il se donne pour mission de retrouver ceux dont on a perdu la trace. Un cas va particulièrement attirer son attention : celui d'Émile Joplain. Un matin de 1925, il rencontre sa mère, Jeanne, qui dit ne plus avoir de nouvelles de lui depuis sa dernière lettre en 1916. Pour autant, elle est certaine qu'il n'est pas mort. En acceptant de travailler pour elle, il ne sait pas encore que cette affaire va l'occuper pendant plus de 10 ans...



Drôle de boulot que celui d'enquêteur qu'exerce le narrateur, dont on ne connaît pas le nom. Peut-être parce qu'il n'arrive pas à tourner la page de cette maudite guerre, peut-être parce qu'il espère un semblant de justice, après tant d'injustice, il essaie, tant bien que mal, de retrouver les soldats disparus. Dont Émile Joplain, jeune homme qui n'aura de cesse d'écrire des poèmes, amoureux de la belle Lucie à qui il a promis l'union. Si Jeanne Joplain réfute cette amourette avec cette Alsacienne, notre enquêteur va pourtant se mettre en tête de la retrouver elle aussi. À force de kilomètres parcourus, de récits et confidences recueillis, de ténacité, se dessine peu à peu les destins de ces deux amoureux séparés par la guerre. Si La Fille de la Lune se pare de mystères, si Lucie s'arme de courage, si Émile sème ses poèmes, Gilles Marchand, lui, raconte, avec beaucoup d'émotions et de tendresse, les poilus, la boue, la guerre, la folie meurtrière mais aussi l'amour, l'espoir, l'étincelle de la vie. À la fois grave et léger, bouleversant et parfois drôle, ce roman nous émeut, nous transporte, sur fond d'accordéon et de poésie, et nous fait croire en cette incroyable force de l'amour qui permet de mener tous les combats et qui lie, malgré les épreuves, les hommes et les femmes.

Poignant et terriblement humain...

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Le soldat désaccordé

"Ils ne sont pas partis la fleur au fusil"

Ils sont partis nombreux

Ils sont revenus très peu, si peu

Les morts officiels, les disparus, les estropiés

Ils sont les condamnés

Ils sont les sacrifiés

De cette guerre infâme

Y ont laissé leur âme

C'était la grande guerre

La der des ders

L'enfer sur terre.



Tout a été dit, écrit, chanté !

Le soldat désaccordé de Gilles Marchand, c'est une autre façon de conter. L'auteur donne la parole aux souvenirs enfouis, révélés, tus, à toutes ces vies cassées, ces hommes et ces femmes marqués par cette période.

Il nous donne à écouter leurs histoires, dans la grande Histoire, nous révèle des bouts de mémoire, des bouts de vie, des bouts d'humanité.

Ils racontent, ces rescapés, gênés, ils refont le chemin, envahis par la honte d'être simplement vivants, se taisent et puis déversent ces histoires qu'ils n'en peuvent plus de garder pour eux.

L'écriture est juste remarquable, j'ai aimé ce style poétique et imagé, le rythme, ses mots dosés : ne pas en faire trop, cette pudeur dédiée à leur dignité !

L'auteur parle au delà de l'horreur indicible, des souffrances du coeur, de l'âme, de ce qu'ils ont vécu, du vide, du manque à en crever, du trop à en pleurer.

Il sait, lorsque le coeur est au bord des larmes, amener un sourire ému, attendri par une anecdote, par son humour tendre et sa plume légère.



Le narrateur, un combattant entré dans cette guerre et ressorti assez vite, une main en moins.

C'en est fini de sa participation aux combats, il lui reste la culpabilité face à ses compagnons, ses frères qui sont toujours au front.

La mort rode, ils la frôlent, la redoutent, l'apprivoisent, l'évitent, elle ne les quitte pas : Elle est leur compagne du jour et de la nuit.

Rester vivant c'est un accident !

Il veut être utile, lui l'infirme besogneux, alors il prend diverses missions, chauffeur, cantinier ...Il aide, il reste à leurs côtés.

Après guerre, il devient enquêteur, oeuvre pour la réhabilitation des "fusillés pour l'exemple" refus d'obéissance.

Ces fusillés par leur propre camp : un cruel exemple de la folie des hommes.

D'autres "vont goûter du voltage" : la perversion de certains médecins.

Ils tuent des innocents, rien que des innocents !



Notre enquêteur va s'investir dans l'histoire d'Emile et Lucie, cet amour incroyable, magnifique, entier.

Emile combattant "il parle comme un poète, il est beau comme un prince" et Lucie alsacienne, ennemie des allemands : L'Alsace et la lorraine restées allemandes depuis quarante ans et qu'il faut libérer .

Leur amour, à peine dévoilé, juste effleuré, ne les quittera jamais. Ils seront séparés par la guerre avant que d'avoir pu le vivre.

Emile écrit des milliers de poèmes, les dissémine dans les tranchées.

Lucie va courir toute la France pour le retrouver.

Le narrateur, enquêteur, nourri son obsession pour cette folle histoire d'amour. Car cette histoire s'entremêle à la sienne. Elle redonne vie à son amour pour Anna.

Anna sa femme, son amour, qu'il tarde à retrouver :

Quatre années à avoir peur de revenir, peur d'affronter le monde, la tête trop pleine d'horreurs.

Ces combattants, tels des rats dans la boue, le froid, la peur, rêvent à la "fille de la lune" réelle ou un mythe comme un "besoin d'ensevelir leurs mauvais souvenirs derrière du merveilleux ! "

J'ai aussi aimé retrouvé dans ce récit les indiens d'Amérique, les indiens du "chemin des âmes".

On a utilisé leur savoir, leurs précisions de tireurs, eux qui n'étaient même pas considérés comme des citoyens à part entière.

Ce sera pour moi une lecture inoubliable, bouleversante

accompagnée du chant poétique de l'accordéoniste aveugle ....



« On voulait des lions, on a eu des rats.

On voulait le sable, on a eu la boue.

On voulait le paradis, on a eu l'enfer.

On voulait l'amour, on a eu la mort.

Il ne restait qu'un accordéon. Désaccordé. Et lui aussi va nous quitter. »



Merci à Judith, Jérome pour ce "conseil de lecture"

Un merveilleux cadeau pour moi !











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Requiem pour une apache

Ding. Coups impatients sur la sonnette de réception de l’hôtel. J’ai toujours rêvé de faire cela. Le Pas d’étoile est complet selon le proprio. Il s’appelle Jésus et ses 13 chambres sont occupées par ses drôles d’apôtres. Messie si, mais pas au sens biblique du terme. Ce Jésus a déposé ses espérances au clou. Il ne prêche que son velours des Carpates, cocktail maison pour carapatés. Dans son antre, il recueille plus qu’il n’accueille, les éclopés de la vie, des ex quelque chose ou des futurs rien du tout. Comme la plupart sont fauchés, les résidents participent à l’entretien quotidien de l’hôtel et à son ravitaillement. Pas lasse la clientèle pas très classe.

Nous sommes dans les années 70 et ce refuge abrite en pension complète un chanteur has been, un catcheur un peu trop secoué, une photographe qui déchiffre l’écume des vagues, un vieux résistant oublié dans le grenier, une vendeuse d’encyclopédies, un couple de voleurs inséparables, quelques autres bras cassés, jambes foulées, cerveaux embrumés et surtout Jolène. Jolène, c’est pas n’importe qui parmi les n’importe qui, une invisible qui se révolte, une caissière qui n’accepte plus d’être rabaissée à un prénom sur un badge. Une meneuse qui s’ignore et qui doit son prénom à une chanson surannée de Dolly Parton.

Tout ce petit monde ne demande qu’à écouter de la musique et à survivre paisiblement dans l’anonymat des réprouvés. Mais l’impolitesse d’un employé du gaz et l’intolérance du voisinage va pousser l’hôtel à se transformer en Fort Alamo.

Il y a du Gérard Mordillat dans cette histoire mais Gilles Marchand fait dans la poésie, pas dans la satire militante. Il orchestre avec humour la révolte des timides, de ceux qui baissent toujours les yeux et n’ont même pas la considération de leur ombre. Les sans voix à l’hygiaphone.

Cette amicale de têtes de turcs, cette confrérie de ceux qui restent assis et regardent les autres danser, partage repas, soirées et solitudes. L’hôtel est aussi miteux qu’eux mais ils vont le défendre comme un sanctuaire.

Une belle galerie de portraits version polaroid pour cette cour des miracles dont l'hymne pourrait être l'unique succès du chanteur de la troupe, intitulé "les coeurs déchirés".



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Un funambule sur le sable

Depuis qu’à l’école, les autres se moquent de lui, il s’appelle Stradi. Comme stradivarius, comme le plus grand des violons. Parce qu’il est né avec un violon dans la tête.

Quelle idée étrange et fantasque me direz-vous pourtant ce n’est pas ce violon qui est une énormité mais la différence. Celle qui classe, étiquette, exclue, juge.



Gille Marchand avec tendresse, humour et beaucoup de poésie nous conte l’histoire d’un enfant différent jusqu’à l’âge adulte.

Un enfant qui parlait aux oiseaux, un homme qui faisait rire ou pleurer son violon au rythme de ses journées.

« J’ai avancé dans la vie comme un funambule sur le sable, avec un don que je ne pouvais pas utiliser, empêtré et maladroit. »

La musique est omniprésente dans ce roman. Elle grince, elle pleure, elle vibre. Tout un art pour Stradi de le faire taire en classe, comme on cache finalement les défauts que nous placardent sur le front les uns et les autres.

Il y a certainement un air de la mécanique du cœur ou encore de Novicento ici mais il y a surtout un hymne à la tolérance et à l’amour.



Mes bémols ici seraient une fantaisie qui ne m’a pas toujours convaincue, une fantaisie peut-être un peu trop légère au détriment d’une poésie qui aurait mérité un peu plus de place et puis, l’absence regrettable d’une relecture assidue car il y a une panoplie de fautes de frappe dans ce roman que cela en parasite la lecture.

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Une bouche sans personne

Comptable dans une entreprise, à 47 ans, j'ai pris l'habitude, après le boulot, de retrouver mes amis au bar de Lisa. J'arrive souvent le premier et Lisa, derrière le comptoir, m'accueille toujours avec le sourire. Elle allume le percolateur et me sert mon café. Arrive alors Sam, que j'ai rencontré ici par hasard, il y a dix ans. Pas un bavard, Sam. Suivra peu de temps après Thomas. Une soixantaine d'années, il n'a pas retrouvé de travail depuis qu'il a vendu sa papeterie. Il écrit un roman dont il ne parle jamais. On a pris nos habitudes ici : on boit un café, on écoute de la musique, on joue à la belote. On discute. Ce soir-là, en buvant mon café, une maladresse et le liquide brûlant s'écoule dans mon cou et vient tâcher l'écharpe que je porte à longueur d'années pour cacher ma cicatrice. Une cicatrice qui part de ma lèvre inférieure jusqu'au tréfonds de ma chemise. Cet incident marquera à jamais la suite de mon histoire. En effet, mes amis se sont rendus finalement compte qu'ils savaient peu de choses sur moi et encore moins l'origine de ma cicatrice. Les souvenirs remontent alors à la surface, notamment dès lors que je leur montre une photo jaunie de papi Pierre-Jean...



Gilles Marchand nous plonge dans les souvenirs du narrateur, un comptable qui aime compter, et qui, au fil des soirées passées chez Lisa, racontera, devant ses amis d'abord puis devant une foule oppressante et curieuse, son passé. Il relate avec émotion, finesse et délicatesse sa jeunesse passée aux côtés de son papi Pierre-Jean, un homme fantaisiste et protecteur. Un récit sensible au dénouement émouvant. Un récit entrecoupé de situations fantasques, incongrues ou plus légères comme le décès de la concierge qui occasionne un amoncellement gigantesque des poubelles, une lettre de Monsieur Panzani, des animaux qui parlent ou encore les rencontres avec la dame au chien. Des situations loufoques qui permettent de décrire intelligemment les blessures et les failles. Les personnages sont vraiment attachants, chacun avec ses blessures : Thomas et ses deux enfants qu'il n'a jamais eus, Sam qui reçoit des lettres de ses parents morts, la belle Lisa dont le narrateur est secrètement amoureux et, bien sûr, Pierre-Jean qui enveloppe d'amour et d'humour la jeunesse du narrateur.

Un roman sur l'amitié, la solitude et les blessures. Un roman à la fois léger et profond, humain, habilement construit, servi par une écriture poétique et douce.
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Requiem pour une apache

C'est une drôle d'équipe qui se rassemble autour de Jésus, dans un petit hôtel miteux de la capitale. Unis par leur imperfections, ordinaires, mais suffisantes pour qu'ils se sentent rejetés par les plus beaux, plus riches, plus célèbres, plus chanceux…





Parmi eux, l'énigmatique Jolene, virée de son poste de caissière pour avoir refusé d'arborer le badge qui livrait son vrai prénom aux yeux des clients. Elle n'est pas belle, elle a du mal à s'exprimer, et pourtant elle deviendra l'icône de cette cour des miracles qui finira pas attirer l'attention des forces de l'ordre et de la presse. Il faut dire quand même qu'on ne frappe pas impunément un employé du gaz même malpoli !



C'est un vrai plaisir de vivre avec tous ces éclopés de la vie les instants dramatiques et pourtant si positifs pour eux, qui font qu'ils se sentent vivre , exister enfin aux yeux de la société qui les rejette, menés par celle qui devient leur leader malgré elle (pour un peu, on les verrait bien revêtus d'un gilet fluo!)



C'est avec un humour empreint de tendresse que Gilles Marchand manipule ses personnages, dont les destins dérisoires suscitent l'empathie.



Sans oublier l'art de la formule, l'adresse et la virtuosité avec laquelle l'auteur manie les mots et les phrases, pour des dialogues savoureux.





Très agréable lecture.

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Un funambule sur le sable

Il va bien, mais... Une phrase à, certes, ne pas dire à un tout nouveau papa... La maman va très bien mais le bébé, lui, a une particularité singulière : il a un violon dans la tête. Un cas encore isolé sur lequel bon nombre de médecins se pencheront. Le bébé et le violon grandissent en parfaite harmonie. Le gamin ne prendra réellement conscience de sa différence que plus tard. Car, hormis ses parents qui le surprotègent, l'empêchent de jouer avec son frère aîné et de fréquenter les bancs de l'école, personne n'est au courant de cette différence. Les médecins, eux, malgré les nombreux examens en tout genre, ne comprennent pas ce qui se passe et ne peuvent prévoir, à long terme, les réactions du violon. Et pourtant, ils donnent aux parents l'aval pour que l'enfant, alors âgé de 6 ans, puisse aller à l'école. Là encore, les élèves ne remarquent rien jusqu'au jour où une douce musique remplit la salle de classe. Une fois le secret révélé, celui qui est surnommé Stradi, suscite alors un mélange de curiosité, de moqueries, d'exclusion ou d'indifférence. C'est en Max, lui aussi différent avec une jambe boiteuse, que Stradi trouvera un véritable ami...



Quoi de plus naturel que de se faire appeler Stradi quand on a un violon dans la tête. Qui plus est, un violon qui joue harmonieusement. Mais, cette différence invisible fait de Stradi un personnage à part. Curiosité, jalousie, incompréhension, exclusion... Autant de sentiments ressentis par l'entourage éloigné du jeune garçon. Gilles Marchand traite avec pudeur, fantaisie et sensibilité du handicap, soit-il visible (en la personne de Max) ou invisible (en la personne de Stradi). Ce dernier, de par les regards qu'on lui porte, se sent différent même si au fond de lui, il ne le ressent pas ainsi. C'est dans un monde complexe, où le langage des hommes est parfois incompréhensible, que le garçon puis l'homme tentera de s'adapter sans renoncer à ce qu'il est, de trouver sa place. Une place non pas inconfortable mais en harmonie avec les autres et avec soi... Autour de Stradi, personnage très attachant et sensible, l'auteur dresse une galerie de personnages tout aussi loufoque ou charmante, que ce soit le papa du jeune garçon, chercheur-inventeur de son état, ou encore Max, passionné de musique, ami véritable et sincère avec qui Stradi partagera de nombreux moments. Entre onirisme et réalité, Gilles Marchand nous livre un roman fantaisiste, poétique et délicat.
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Une bouche sans personne

Ce livre qui dormait sur mes étagères. Discret, pas prétentieux pour deux sous, il attendait son heure. Je le croisais souvent.



Puis vint la rencontre.



Fin des années 80, le narrateur est comptable et se blottit derrière les chiffres comme on se noie. le visage dissimulé dans une écharpe mal apprivoisée, il se cache des autres. Pourtant il y a ce bar, où il retrouve la belle Lisa et ses camarades de comptoir. C'est là que soir après soir, il va raconter ce grand-père grandiose et chimérique, ce Pierre-Jean. le comptable décompte les mots et devient conteur, la magie de l'enfance s'empare de lui.



Ce livre, habilement construit, nous emmène à la suite de son héros au coeur grand comme une légende. Dans ce quotidien où peu à peu, la réalité déborde de toutes parts.



Ce livre ne ressemble à nul autre. Il est question de poésie au quotidien, de la solitude de nos époques, de ces cicatrices que l'on cache du regard des autres. On oscille, sous la plume de Gilles Marchand entre onirisme et cruelles réalités. Entre ces pages, peu à peu, c'est l'imagination qui s'envole vers cette fin terriblement émouvante.



Un livre envoûtant, indéfinissable et finalement tellement salutaire qu'il met du baume au coeur et des larmes aux yeux. Comme on le lit, on s'envole. Au gré d'un écrivain, un vrai, qui ne ressemble à personne. J'ai lu ce livre comme on s'envole.



Un livre comme une chasse au trésor, aux multiples lectures, dans le labyrinthe du coeur d'un homme.



Un livre dramatiquement léger, terriblement romanesque. Un livre cruellement doux. Dont on tourne les pages avec une infinie délicatesse, pour ne pas lui faire mal, pour ne pas l'abîmer. Un livre qui me mène vers une plume que je vais continuer à lire, c'est une certitude.



Un livre qui ne plaira peut-être pas aux esprits trop cartésiens mais qui emporte avec lui les rêveurs, les fracassés, les doux dingues et peut-être quelques comptables …


Lien : https://labibliothequedejuju..
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Le soldat désaccordé

Il a été soldat en 1914. Comme beaucoup, il pensait partir pour quelques semaines, et même s'il y laisse rapidement sa main gauche, il passera toute la guerre près du front, à conduire des camions, transporter matériel et blessés. Pour soutenir les combattants, par peur surtout d'affronter sa vie ancienne avec une main en moins, et dans cette vie, surtout Anna.



On le suit dans les années 20. Il est devenu enquêteur pour des familles, rêvant encore de retrouver un fils, un mari, un amour... On comprendra au fil de ses souvenirs évoqués en parallèle la raison de ce choix. Il va peu à peu consacrer tout son temps à la recherche d'un homme, beau comme un prince, poète et de sa fiancée. Elle était alsacienne, c'est-à-dire allemande au début de la guerre. Il était riche, elle était pauvre. Il va lui écrire, elle va le chercher partout sur le front, devenant la Fille de la lune.



Un roman âpre, qui revient sur les absurdités, les atrocités de cette guerre, qui devait être la « der des ders », qui pointe aussi les erreurs qui vont être à l'origine de la suivante. Il raconte la difficulté éprouvée par beaucoup de ces hommes à retrouver leur vie, à oublier les images horribles. Mais sans pathos inutile, avec une sobriété dans les mots qui rend supportable ce qu'il décrit.



Un roman aux personnages bien campés, attachants pour la plupart, horribles dans certains cas. Un roman dont la force réside dans la mise en place, dans ce personnage d'ancien soldat qui ne parvient pas à oublier et que moi je n'oublierai pas, et qui essaie par cette longue quête liée à une histoire d'amour exceptionnelle d'oublier les naufrages de sa vie. Mais un roman qui aurait mérité d'être un peu plus long et d'éviter ainsi une fin un peu rapide, à mon gout.



Merci à NetGalley et aux éditions Aux forges de Vulcain pour ce partage #LeSoldatdésaccordépremièreguerremondialeguerremondialegillesmarchandlittératurefrançaiselittératureromanforgesduvulcain #NetGalleyFrance
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Le soldat désaccordé

« On voulait des lions, on a eu des rats.

On voulait le sable, on a eu la boue.

On voulait le paradis, on a eu l'enfer.

On voulait l'amour, on a eu la mort.

Il ne restait qu'un accordéon. Désaccordé. Et lui aussi va nous quitter.» (p 204)



Lucie et Émile sont de jeunes amoureux éperdus. Lui beau comme un prince (selon sa Lucie), poète, doit se faire soldat pendant la guerre de 14-18, il n’a pas vraiment le choix. Il doit quitter sa belle, promis, il sera vite de retour.

Problème, Émile ne rentrera jamais dans la maison familiale. Qu’est-il devenu ? Sa mère, la riche veuve Joplain, est persuadée qu’il n’est pas mort et va embaucher notre narrateur pour le retrouver.

Le narrateur anonyme est lui-même un ancien poilu, il a donné beaucoup à la grande guerre, une main, quatre ans de sa vie, quatre années d’amour perdues avec Anna, sa fiancée.

Notre ancien combattant survit en recherchant les disparus à la demande de leurs familles, c’est son gagne-pain. Ce qu’il n’avait pas vraiment pas anticipé, c’est qu’il allait consacrer plus de dix ans de sa vie à l’histoire d’Émile Joplain. Car l’histoire de ces amoureux fous, si belle, si tragique, il a envie d’y croire, y croire pour ne pas oublier sa propre histoire, son amoureuse, Anna.

Le narrateur nous raconte ses années d’entre-deux guerres, lui à qui la guerre a confisqué son avenir, et cette foutue guerre de revenir sans cesse dans sa vie, lancinante, sans cesse collée à lui.

« J’ai pris un train et j'ai marché jusqu'à un joli petit village qui venait d'inaugurer un joli monument aux jolis morts de la jolie guerre. Il en fleurissait partout. C'était à qui aurait le plus beau, le plus grand, celui avec le plus de noms. J'avais même entendu des histoires de villages qui se battaient pour savoir à qui appartenaient les morts. Des paysans qui avaient habité entre deux communes et qui étaient devenus importants grâce à leur dépouille patriote. (p.24) »



Des pensées toutes simples, assez naïves, et touchantes de celui qui s’est dévoué corps et âme à la Patrie, et qui réalise bien trop tard la supercherie avec amertume.

« Si on avait su qu’un boche c'était rien qu'un Français qui parle allemand, on aurait eu du mal à continuer à leur tirer dessus. (p.38) »

« Des blessés, c'était pas ce qui manquait, il y en avait partout. C’est même ce qu'on faisait de mieux à l'époque : les estropiés et les morts. (p. 75) »



La poésie et l’imaginaire sont également au rendez-vous avec la mystérieuse histoire de la Fille de la lune. « La Fille de la lune, c'est comme ça que j'en avais entendu parler : « Y avait plus de fleurs, alors elle faisait des bouquets d'obus. » (p.13)



Gilles Marchand livre un court roman pas forcément très original, mais très agréable à lire, grâce à une plume fluide, pleine d’ironie et d’anecdotes sur la vie de l’époque (j’ai ainsi appris que des Iroquois avaient servi dans l’armée canadienne dans les tranchées en France.)

« Aucune enquête n'avait jusque-là exigé que je travaille avec les Allemands. Pour tout dire, je ne les portais toujours pas dans mon cœur. Par habitude. Parce que j'avais grandi dans la haine du Boche, comme tout le monde. Parce qu'ils m'avaient pris une main à laquelle j'étais jusque-là très attaché. (p. 163) »



« Il s'était présenté comme le meilleur ami de Joplain. Des meilleurs amis dans l'armée, il y en avait un paquet. Ça ne voulait plus dire grand-chose, le meilleur. Le meilleur ami mourait, on en trouvait un autre, fallait bien un peu d'amitié quand on était privé d'amour. » (p.38 39)





Une lecture qui m’a donné envie de poursuivre la découverte de cet auteur, j’ai pris un grand plaisir à noter plein de passages, alors je ne résiste pas à l’envie d’en partager encore quelques-uns :

« Ils n’acquiesçaient pas, ne fronçaient pas les sourcils, étaient semblables à deux statues de sel. Les mains posées à plat sur la table. J’arrivai à la fin de mon histoire sans être certain qu'ils me comprenaient. Depuis mon arrivée, ils avaient à peine prononcé deux mots. Alors que le silence commençait à peser lourdement, risquant de faire écrouler sous son poids la petite table de la salle à manger, Madame Himmel le prit entre ses mains et le rompit […] » (p.96)



On se racontait nos amours. Ceux qu’en avaient pas inventaient. Ceux qu’en avaient plus se souvenaient. Ceux qu’avaient pas été gâtés embellissaient. Ça sert à ça, les histoires, à rendre la vie meilleure. On avait les pieds lourds, alors on s’interdisait d’avoir le cœur trop lourd. On ne pouvait pas ajouter les larmes à la pluie, on aurait coulé. Et il fallait avancer. On remettait nos havresacs qu’on remplissait d’histoires d’amour d’un peu tout le monde, ça resservirait toujours. L’amour, ça se partage bien, t’en prends un bout, il en reste autant à celui qui t’a raconté l’histoire. C’était facile d’être généreux. (p.111)

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Des mirages plein les poches

Elles sont variées, ces nouvelles. Des courtes, des longues, des simples et des complexes, l’une d’elles s’offre même le luxe de se décliner avec plus de notes de bas de pages que de textes, mais elles ont tout de même un point commun, la capacité d’imagination, jusqu’au délire, du narrateur.

Détricotant le fil de la vie, comme annoncé dans le premier texte, l’auteur s’attache à démontrer l’incohérence de rêves poursuivis jusqu’à l’absurde. qu’il s’agisse de combler le vide d’une maison, de se la jouer musicien, ou remettre sa foi dans le pouvoir des objets, c’est un quotidien banal que l’on orne de décorations brillantes comme un sapin de Noël, au risque que les bougies ne transforment la fête en drame. Beaucoup de solitude également dans ces décors quelle sens abandonne.



Le ton reste léger, humoristique, ce qu’évite l’écueil d’un désespoir contagieux.





Même s’il est vraisemblable que ces textes aient nécessité un travail considérable, l’ensemble paraît naturel, comme un don d’exprimer les choses sous un angle original, de changer les codes, pour mettre en lumière la logique aberrante de nos comportements ordinaires.







Pour les amateurs de bons gros pavés comme moi, la frustration pourrait faire surface; Mais non. Chaque histoire courte est semblable à un bourgeon printanier, qui met en évidence un vrai don pour l’écriture, prête à servir la cause d’un roman consistant.



Merci à Babelio et à Pocket pour leur confiance


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Le soldat désaccordé

J'ai eu la chance de rencontrer Gilles Marchand dans une petite librairie du 7ième arrondissement de Paris : La Nouvelle page.

Et, quelle rencontre, Gilles Marchand est un homme très touchant d'une grande simplicité.Il nous a lu quelques pages de son roman et expliqué le pourquoi de l'écriture de ce roman.

Immédiatement, j'ai été conquise et pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce récit.

Un homme qui survit à la première guerre mondiale néanmoins amputé d'une main va devenir enquêteur sur les morts et disparus de la "der des der".

L'une de ses enquêtes l'amène à chercher la trace d'un dénommé Joplain.

Gilles Marchand possède une écriture poétique qui va mener son héros à retrouver l'amour, l'âme soeur, la fille de la lune de ce soldat Joplain.

On se laisse porter par cette histoire qui mêle la petite histoire à la grande.

Comme le dit Gilles Marchand, ce livre est dédié aux victimes de la guerre.De toutes les guerres.

Je suis tenté de rajouter aussi à l'amour qui a fait vivre et fait dépasser les forces humaines pour tous ces soldats.

Comme le dit, le poème ou la chanson,l'amour ne meurt jamais.
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Le soldat désaccordé

Les tranchées, il n’aura guère la malchance d’y passer quatre ans d’horreur, à condition de survivre. Non, rapidement, il est privé d’une main, la guerre est finie pour lui. Du moins celle qui détruit les corps et les âmes. Il y participe cependant, à l’arrière, se nourrissant malgré tout de l’illusion de servir son pays.



Quand l’armistice est signé, il faut s’adapter à la vie civile, malgré le handicap. Il se consacre à des missions de recherche, tant le carnage a brouillé les cartes et laissé le doute sur le devenir des soldats disparus.



Le soldat Joplain manque à l’appel. Sa mère est persuadée qu’il est vivant, comme le sont très souvent les proches, qui ne peuvent accepter le verdict fatal. Le soldat était un poète amoureux d’une jeune fille humble. Si certains s’en souviennent, l’affaire est délicate. D’autant que la mère souhaite que cette piste soit ignorée.



Comment transformer un récit de guerre en un conte pétri de poésie, et doublé d’une enquête quasi policière ? C’est toute la magie du pouvoir des mots maniés par Gilles Marchand. Et pourtant la guerre est là, évoquée sans voile dans toute son horreur. Mais sur le terrain, la fille de la lune tend une main éthérée aux poilus agonisants.



La langue est inventive, riche et travaillée :



« En 1925, la France fêtait sa victoire depuis sept ans. Ça swinguait, ça électroménageait, ça jazzait, ça cinématographiait, ça mistinguait. L’Art déco flamboyait, Paris s’amusait et s’insouciait. Coco Chanélait, André Bretonnait, Maurice Chevaliait. »



Une vraie réussite pour ce court roman, dans lequel on retrouve le style Gilles Marchand, pour un grand bonheur de lecture .



207 pages Forges de Vulcain 19 Août 2022


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Le second souffle

Ulysse, un adolescent de 16 ans, vit au Centre et n'a connu que lui. Depuis l'Effondrement, le monde extérieur n'est plus le même et est dangereux. Les seuls voyages qu'il fait sont olfactifs et sont racontés, une fois par trimestre, par le professeur Hook. De santé fragile, comme tous les autres adolescents, il est suivi par des scientifiques et subit de nombreux tests. S'il peut compter sur l'amitié indéfectible d'Achille et Pénélope, il se pose beaucoup de questions sur le monde extérieur, sur ses dangers, sur la Bête qui rode autour du Centre. Il veut voir ce qui existe encore de l'ancien monde tel qu'on le lui a décrit...



Ava, lycéenne à Paris, écologiste et militante, vit seule avec son père depuis que sa mère est partie du jour au lendemain. Chercheur agronome, à la tête d'une étude top secrète à l'autre bout de la France, ce dernier est absent au moins 20 jours par mois. Une situation dont s'est accommodée l'adolescente d'autant qu'elle passe le plus clair de son temps avec sa meilleure amie, Nour, quand elle ne marche pas contre le réchauffement climatique...



Ulysse et Ava ne savent pas encore que leur destin est lié...





Écrit à quatre mains par Gilles Marchand et Jennifer Murzeau, auteurs que l'on retrouve habituellement en littérature générale, ce roman, destiné aux adolescents, frôle avec la dystopie et n'a d'autre but que de leur faire prendre conscience des enjeux climatiques (si ce n'est déjà fait). Nous suivons, à tour de rôle, le destin d'Ulysse et d'Ava. L'un au Centre, dans le monde d'après l'Effondrement ; l'autre à Paris, de nos jours. Si les deux adolescents semblent ne rien avoir en commun, peu à peu, grâce à la curiosité d'Ava, leurs chemins vont pourtant se croiser... par un habile détournement de la part des auteurs. Si le personnage d'Ava est un brin caricatural, celui d'Ulysse est très touchant, en proie à de nombreux questionnements. Ce roman d'anticipation, qui aborde aussi bien l'écologie, le militantisme, l'amitié et l'entraide, saura, sans nul doute, sensibiliser les adolescents...



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