" Quand je pense que ce sont ces gens, tous propriétaires, qui ne connaissent pas le prix du pain, n'ont aucune idée de ce que c'est que la fatigue économique et l'usure, de ce que c'est que travailler tout le temps pour parvenir à être seulement précaire, qui dirigent le pays.
Ces gens qui ne se sont jamais sali les mains à la boue de la moindre nécessité subie....
Ces gens qui se permettent de se montrer didactiques et condescendants .
Ces gens qui nous regardent de haut avec leur insupportable arrogance de classe.... ]
[ Comme ils nous parlent ] .....
Voila un extrait significatif de cet ouvrage ....
Une jeune fille issue de la classe moyenne banlieusarde enchaîne études et petits boulots, tout en rêvant de se faire une place au soleil ...
Elle fréquente des milieux où elle n'est pas la bienvenue : les privilégiés de la capitale qui la prennent de haut.
Elle décrit une classe de jeunes bourgeois argentés n'ayant absolument pas conscience de ses priviléges exorbitants, qui ne parle pas le même langage qu'elle , et qui exclut ceux qui ne font pas partie du bon groupe .
La narratrice dépeint la vie morne des travailleurs précaires au travail inintéressant , la paupérisation dans l'indifférence absolue.
Elle mutiplie les expériences de travail , les parcours diversifiés, les lieux à visiter pour se protéger de la mélancolie universelle....
La honte se transforme petit à petit en haine de classe , une haine inflammable ,( le roman aurait pu s'appeler : la haine) elle disséque avec talent le mécanisme de l'intériorisation de cette desespérance sociale autour de toutes les questions d'argent et de statut .
Son seul objectif est d'écrire malgré ses origines sociales modestes .
Ce récit d'une jeune adulte d'aujourd'hui est le cri rageur d'une narratrice qui ne recule jamais . Elle reste dans l'action sans jamais céder ...
La plume est rageuse , celle d'une combattante habitée par la honte qui transforme le mépris et l'humiliation en armes de guerre . La narratrice n'a pas peur de montrer le côté grotesque et la crudité dans les relations .
C'est aussi un roman sur le sexe , le pouvoir, le succés , l'argent , de la violence qui devient dignité et de la fierté comme moyen de survie !
La féminité et la recherche d'épanouissement y trouvent un écho certain , à travers une fiction tendue et percutante , virulente , chronique vraie de la précarité et de l'écrasement social en adéquation avec l'actualité ,je trouve .....
Un ouvrage abouti pas du tout facile à lire .... La narratrice , double de l'auteur ? se nourrit de rap, une musique virile parfois violente , il y a une liste en fin d'ouvrage : Orelsan, PNL , BOOBA et Damso ...
Ce n'est que mon avis bien sûr !
Je ne connais pas l'auteur dont c'est le troisième ouvrage .
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Le barbelé qui entoure les lieux que vous avez fréquentés ensemble, devenus des zones "interdites".
Le barbelé qui enclot les endroits où vous avez fait des projets d'avenir, en vous serrant la main, en vous embrassant.
Le barbelé qui touche aux plats qui vous délectaient autrefois et qui ont perdu tout leur goût.
Le barbelé qui met à l'index les habits portés dans des occasions heureuses et lointaines, gorgés de souvenirs et d'intimité, d'une atmosphère qui n'était qu'à vous.
Le barbelé qui encercle les livres, les films, les références que vous aviez en commun, dont vous vous êtes nourris ensemble pendant ce temps-là.
Le barbelé qui ceinture vos photos communes, les images de vos sorties, et vos sourires maintenant factices.
Le barbelé qui isole le sujet délicat dans les conversations avec les proches.
Le barbelé qui bloque tout geste irréfléchi : l'appeler, lui écrire, lui envoyer un livre.
Le barbelé qui couvre les regrets remués dans tous les sens : ce que tu te reproches d'avoir fait et de ne pas avoir su et pu faire, en vrac.
Le barbelé qui a gangrené les images d'un avenir fantasmé autrefois, et rétréci d'un coup : racorni, rabougri, disparaissant comme un soleil en combustion et puis glacé, à la fin des temps.
Le barbelé qui gagne cette bizarre mémoire des dates scandant votre histoire : le premier rendez-vous ; le premier baiser ; le premier champagne bu ensemble ; le premier soir au théâtre. Etc... Tu le sais, et les livres sur les deuils de Joan Didion te l'ont confirmé : il faut dépasser le cap d'un an pour que le brouillard commence à flouer les souvenirs et que tu arrives à ne plus minuter le présent d'après les aiguilles rouillées du passé.
Le barbelé que tu imagines resserrer, étouffer, crucifier le songe d'une nuit passée, quand tu avais l'impression qu'il allait se coller à toi, te frôler la peau et te laisser te rendormir dans le bonheur.
Le barbelé qui te heurte et auquel tu t'accroches : te faisant saigner en espérant voir la croûte, le début de la cicatrisation.
Le barbelé qui doit sangler la mémoire à but de survie.
Le barbelé qui entoure le barbelé.
Le barbelé : tout ce qui reste.
Le barbelé.
On peut mourir d'amour. Étranglé par ses propres barbelés.
Surtout quand on s'appelle Emma.
Mais au XXIème siècle, quand on s'appelle Emma et que l'on aime la littérature, on démontre qu'on a bien appris la leçon de Borges : on avale sa morve et l'on en fait un diamant. Tout finit dans un livre.
Le prouve le deuxième roman signé par Emmanuelle Richard, "Pour la peau", bouleversant dans sa simplicité viscérale.
Le seul procédé qui l'organise est le besoin de "sauver des images", comme la narratrice le dit, et de se sauver tout court d'un chagrin d'amour.
Au lieu du barbelé, Emmanuelle Richard nous offre les grains d'un rosaire condensant des souvenirs, à travers des gestes de dévotion, de piété et de grâce :
la dévotion érotique réveillée subitement chez une jeune femme fière et lucide, découvrant la béatitude de se dévêtir de ses propres limites, une par une ;
la piété sensuelle embrassant tous les détails retenus de l'autre, de la pâleur grisâtre de son teint jusqu'à une croûte au coude suivant à une chute ;
la grâce accordée à soi et à l'homme aimé en le ranimant à l'aide des mots et des images : encenser le passé éclairé par la douleur du présent, c'est exclure tout oubli possible.
Nulle défense. Juste l'exposition aveuglante, en pleine lumière, de toute la vulnérabilité qui accompagne cette "chute" dans l'amour.
Un livre superbe, à calligraphie épurée et à subjectivité organique, à rouvrir de temps en temps : non pas pour "guérir", mais pour accepter comme consubstantielle une blessure qui ne fera jamais croûte.
Car profondément inscrite en toi : "si tu savais tout ce que j'aurais donné - vingt ans de ma vie pour six mois avec toi - n'importe quoi pour espérer être avec toi, que tu me prennes dans ta vie et que tu me gardes".
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On n’a finalement pas tout dit, ni tout écrit sur la lutte des classes, la France d’en bas, les invisibles qui traversent notre société, au mieux dans l’indifférence, au pire dans le mépris.
Dans Désintégration, Emmanuelle Richard met des mots qui cognent dur et touchent juste sur ce déclassement permanent vécu par cette narratrice sans nom ni prénom. Un signe déjà…
Du décalage vécu dès sa prise de conscience adolescente et qui ne cesse de se poursuivre lors des années de galères étudiantes ; de ces études qui ne mènent à rien sinon à de nouvelles déceptions ; de ces petits boulots enchaînés comme autant de bouées de survies qui se dégonflent à peine enfilées ; de ces fins de mois qui démarrent trois jours après la paye ; de ces regards condescendants ou méprisants qui marquent le quotidien et forgent chaque fois un peu plus le creuset de la honte, avant celui de la haine ! Et de l’écriture comme échappatoire ultime vers une tartuffienne reconnaissance.
Un roman-récit coup de poing, écrit à l’encre de la colère.
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Ma chère,
Je t'aime comme je m'aime moi celle d'autrefois, dans les rares photos gardées d'un passé qui m'est devenu progressivement étranger.
Tu es celle que j'étais.
Et moi, aujourd'hui, je suis celle que – je l'observe, je le crois, je l'espère – tu as la chance de ne pas devenir.
Je suis très heureuse pour toi.
J'ai lu « Désintégration » comme un « brouillon » brillant, ciselé par la haine et la colère, emportant son lecteur par vagues, par rafales, par jets véhéments – ces beaux véhicules de poésie et de drame qui tromperont certains lecteurs et les feront s'arrêter à la surface des choses. (Le seul souci que je me fais pour ton avenir, c'est l'arrivée des chroniques, tellement prévisibles, sur « le portrait d'une génération de précaires », ou bien sur la « fibre socio » de ton auteure etc...)
Je suis la copie qu'un tel brouillon pourrait produire. La copie finie, rendue. Où les dernières virgules sont en train de s'ajouter sagement, en attendant le point final.
Ton récit, que j'ai achevé en étouffant un sanglot, dans le tram qui m'amenait au boulot, à Porte de Bagnolet, une zone bonne à servir de décor dans un film sur la fin du monde, me hante depuis des jours et des jours.
Difficile d'écrire quoi que ce soit là-dessus, tellement ce qu'il exprime m'est familier, connu, voire viscéralement intime : la précarisation, l'énergie de folie pour rester à la surface, la rage, le désespoir, l'invisibilisation, l'infériorisation, la honte induite, la désensibilisation, l'usure, l'écrasement, la fatigue, la résignation. Cette dernière étape, tu sembles la tenir à distance. L'écriture y est pour quelque chose. Je te souhaite de tout mon coeur d'arriver à conserver cet équilibre fragile.
J'ai appris que tu pourrais exister pendant une nuit d'insomnie, en écoutant à la radio un entretien avec ton auteure : une émission où Emmanuelle Richard, en se gardant de tout grand mot, disait avoir écrit « Pour la peau » pour ne pas mourir (faisons court). Elle ne se disait pas sûre qu'un tel écrit serait vu comme un livre. Oui, je me suis dit, elle est forte, elle écrit pour ne pas mourir de chagrin. Et je suis tombée amoureuse de sa voix hésitante, épargnant à ses interlocuteurs toute coquetterie, tout artifice, aussi dépouillée que ses textes, engagée dans une quête d'authenticité qui – elle a dû le comprendre depuis – n'appartient pas qu'à elle. (Elle est ma soeur, celle qui peut écrire avec une telle force, écrire pour ne pas crever, je me suis dit pendant cette nuit-là.)
J'ai couru de suite chercher et lire ses livres. Ils existaient déjà en moi avant de les ouvrir. J'ai l'impression que ce sont les surprises de ce genre qui me tiennent parfois en vie.
Dans sa « Désintégration », j'ai entendu « Engel » de Rammestein, les Sex Pistols, un peu d'Édouard Louis et d'Eribon, pas mal d'Annie Ernaux, un brin de Duras (mais moins que dans « La légèreté »), du Morrisson, du Nick Cage, du Godard, du Chabrol, du rap, plein de morceaux qui trottent dans notre mémoire commune et anonyme. Et comme toi, je m'étais offert moi aussi une place au théâtre du Châtelet pour voir Duris jouant du Koltès. Mon billet étant le moins cher, j'ai failli faire un torticolis en suivant l'acteur derrière le pilier qui obstruait ma vue. C'était là « ma place ». « Sa place », quel vaste sujet, dans nos vies !
Tu es née dans la banlieue parisienne, je suis née dans la banlieue de l'Europe. Et quoi que l'on fasse, il sera toujours question de notre « origine », d'un « accent » , des « codes » et des décalages.
A toi l'écriture, à moi la lecture (cette dernière s'accommode bien du peu d'énergie qui m'habite aujourd'hui).
Tu écris : « je ne sais plus quand l'été a cessé d'être immense ».
Moi, je ne sais plus quand la vie a perdu son éclat. Il me reste, pour tromper cette obscurité comme « un deuil nouveau, celui que l'on peut faire d'une idée de soi-même », quelques miettes que tu connais bien : une étreinte, les rencontres avec des sensibilités qui se laissent lire à travers les pages, des images bougeant sur un écran...
Prends soin de toi !
Sincèrement,
L.
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Un essai d’un courage et d’une force incroyables, la promesse de récits qui ne peuvent laisser indifférent.es et qui révèlent la grande détresse d’une société dissonante, entre une érotisation exacerbée mais erronée ou du moins partielle et la quasi prohibition de manifester des sexualités considérées comme marginales, une masse formatée. Véritable appel à la tolérance, ce livre, à la fois intime et d’un intérêt commun, est une nécessité.
Remarquons de suite la structure tout à fait intéressante du livre. En effet, la romancière fait le choix d’une alternance entre une expérience intime et les empreintes, les destins d’anonymes dont les voix sont enfin écoutées. Emmanuelle Richard parle avec intensité de son épreuve vécue suite à une rupture amoureuse, celle qui déchire et expose un corps troué, incomplet et recueille les témoignages sensibles de personnes, autant inconnues qu’universelles. Faire corps avec soi, avec une altérité souvent oubliée. À travers cette ambition, tant littéraire que confidentielle, l’autrice fait de l’écriture un dépositaire, une réponse à l’échec d’une société patriarcale et hétéronormée, une fissure au sein des sexualités dites contrariées. Laissons-nous toucher par cet examen sensoriel, cette pause délicate.
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C'est un des romans de la rentrée littéraire qui me faisait envie, d'une part parce que j'avais envie de découvrir son autrice, Emmanuelle Richard, et d'autre part avec ce résumé qui promettait de parler des violences sexistes et sexuelles.
En effet, nous allons suivre une narratrice, Léna Moss, sur trois temps de sa vie entre 2018 et 2038. Plus jeune, en 2018, elle est partie faire du woofing (c'est-à-dire aider dans une ferme en échange du gîte et du couvert) en Angleterre, chez une propriétaire en fin de compte pas très sympathique. C'est là-bas qu'elle va faire la rencontre avec un autre woofeur, Aiden, qui est américain. Au départ, elle n'a pas spécialement envie de lui adresser la parole mais va finir par avoir des relations sexuelles avec lui, avant de s'éloigner après un épisode où il s'est amusé à l'étrangler. Vingt ans plus tard, elle reconnait sa photo, diffusée partout dans les médias : il est recherché par Interpol pour avoir commis plusieurs féminicides...
Ce roman nous pousse à nous interroger sur ce que nous ferions à la place de Léna, qui sait que si elle témoigne, elle va être pointée du doigt. Parce que cette femme, libre, indépendante et féministe, n'est pas la victime parfaite. Elle a continué à voir Aiden malgré cet épisode d'étranglement. Léna est perdue et ne sait pas quoi faire, et c'est ce dont le roman va parler. Il alterne entre le passé - l'époque avec Aiden - et le présent. En plus de cela, il y a un troisième temps, celui où elle se remémore un autre amant (totalement différent d'Aiden), Gwyn. Ces passages seront des moments érotiques, où la narratrice se masturbe. Si c'est bien écrit, j'ai trouvé cela beaucoup trop long. J'avais l'impression que cette partie ne s'arrêterait jamais.
C'est un roman au langage parfois cru pour parler de sexualité et incisif pour parler du sexisme et des violences sexistes et sexuelles. L'autrice nous dresse un tableau sombre des relations femmes-hommes mais où demeure une note d'espoir : les femmes ne se laissent plus faire. J'ai aimé ce roman parce qu'il parlait très bien de thématiques qui me touchent, mais j'ai eu beaucoup de mal avec le long passage sur la tendresse, qui n'apportait pas grand chose à l'histoire selon moi.
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Coup de cœur. Ou peut être coup-de-poing ? Les deux. Désintégration. Déflagration.
Intégration. Possible ? Impossible ? Et pourquoi ces Rejets...ce refus ? Colère surtout . Colère qui rejaillit en haine. C’est au revers des pans entiers de notre société qu’Emmanuelle Richard aiguise sa plume. Faire partie, trouver sa place, prendre place…. Faille, crevasse, abyme.
La crise sociale entraîne la désintégration sociétale. Faire société c’est faire sort commun et non devenir gardien d’un entre soi. C’est profond, direct. L’auteure ne s’aligne pas, elle balance son roman comme une grenade. Ce troisième roman d’Emmanuelle Richard me donne une furieuse envie de découvrir tous ses autres ouvrages.
Astrid Shriqui Garain
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Et bien .... bof.
Pourtant bien parti, le livre n'a pas fonctionné avec moi.
On pourrait presqu'en rire. Mais il y a eu comme une sorte d'abstinence littéraire.
Pour une fois qu'un sujet intéressant débarque dans le champ littéraire sexuel, c'est raté.
Au temps de l'hypersexualisation de tout et de l'hypersexualité des uns et des autres, qui s'envoient même des sextos à partir de l'âge de 12 ans (!), et d'hommes politiques qui envoient des vidéos très intimes à leur maitresse (mais non je ne vise personne !), je pensais me régaler. Non pas de détails croustillants, non, je ne suis plus un perdreau de l'année, 51 ans, j'en ai vu des vertes et des pas mûres ( mais qu'est-que j'ai ce soir avec les proverbes ?), non pas de détails donc mais un sujet à approfondir, si je puis me permettre, un sujet en tout cas bien tabou.
Non, c'est le style de l'auteure. Il m'a été insupportable et ennuyeux.
Pourtant, j'ai appris des choses, ça c'est sûr, mais tout est trop fouilli, trop intellectualisé.
Par contre, ce qui est clair, c'est qu'il y a bien des et pas juste UNE abstinence.
Abstinence forcée, abstinence désirée, abstinence de mal-être, et parfois abstinence due au vaginisme. En tout cas, il faut arrêter de penser que son voisin a une vie sexuelle débridée et bien plus folle que la nôtre ; les statistiques montrent bien que peu de personnes en fait sont épanouies dans un lit (ou ailleurs, pourquoi pas ;-)
Ce qui m'a étonné et réjouie à la fois ce sont les nombreux témoignages d'hommes disant ne pouvant avoir de rapports sexuels dénués de sentiments. Fini l'Homme aux pieds d'argile, son phallus à la main, attendant ses proies sexuelles, sans sentiment aucun, à part son désir flamboyant.
Ce que j'en ai retenu ? Si la chair est triste alors l'abtinence aussi rend les gens tristes. Même choisie, même assumée, il n'y que peu d'exemple d'abstinence gaie et joyeuse.
Le pire ? L'absence de désir, et surtout, avant tout, l'absence de toucher, de câlins, de caresses. En fait, ce sont les tout premiers instants de notre vie les plus importants lorsque nous sommes touché ou câliné par sa mère, premier sujet d'amour pour le tout-petit, et n'oublions pas que nous avons été tout-petit nous aussi et que le toucher est très important pour une vie épanouie.
Je pense qu'à un moment de sa vie, la frénésie sexuelle s'apaise, s'ammenuise, disparaît. En couple, cela débouche très souvent sur un lien affectif plus fort, plus solide et la tendresse vient au bout du chemin. Mais ici, je parle de l'abstinence dans un couple d'un certain âge.
Ridicule, car l'âge justement n'est qu'un leurre.
Attention à ne pas tomber dans le piège des comparaisons, et être heureux avec la sexualité qu'on pratique, quel que soit l'âge, quelle que soit l'histoire personnelle, ou l'enfance.
On s'en moque que ce ne soit qu'une fois par mois, ou même moins.
L'essentiel est la qualité, pas la quantité.
Voilà.
Finalement, en relisant ma critique, je m'aperçois que ce livre m'a plu.
Mais justement parce que mon style, qui n'en est pas un au final, est plus simple que celui de la demoiselle écrivaine, à qui je souhaite de tout coeur beaucoup de bonheur, car je l'ai trouvée fort triste.
Allez, je vais rajouter une étoile !
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L’auteure, Emmanuelle Richard, elle-même abstinente, nous livre son témoignage plein de pudeur, sur l’abstinence et ses multiples formes, dans un monde hyper-sexué, dans lequel la jouissance sexuelle s’inscrit en norme.
Elle a interviewé près de quarante personnes, de tout âge, de tout genre, de toute classe sociale, afin d’échanger sur l’abstinence, ce concept protéiforme et très subjectif, au final. Souvent associée au célibat ou au manque d’occasions, à l’écoute de ces personnes, on se rend compte qu’elle peut être volontaire, ou vécue au sein même du couple. Mais qu’elle soit subie ou souhaitée, elle apparaît souvent comme une parenthèse, l’occasion de se recentrer sur soi et ses propres besoins. Aussi, l’auteure et certaines des personnes interrogées en sont venues à questionner leur rapport à l’autre et à redéfinir leur sexualité, l’éloignant des archétypes de genres, plus en accord avec leurs envies.
En creux, cet ouvrage est aussi une réflexion sur l’absence de toucher et de tendresse, qui bien plus que le sexe lui-même, a cruellement manqué à ces personnes.
Encore une fois, on découvre que le sexe est un sujet sociologique et que plus de tolérance et de flexibilité permettent d’en redessiner les contours, loin des clichés galvaudés par la pub, la fiction et les réseaux sociaux.
Un livre intéressant mais que j’ai trouvé trop centré sur les témoignages et l’histoire personnelle de l’auteure. Quelques chiffres et statistiques auraient donné un peu plus d’épaisseur à ce petit essai. Après, je comprends le parti pris d’Emmanuelle Richard, qui tente de subjectiviser le concept d’abstinence car en effet, au sortir du livre, on se rend bien compte qu’une définition objective est impossible.
J’avais d’abord découvert cette auteure avec le roman la désintégration, que j'avais beaucoup apprécié.
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Quand une fille de famille modeste rejoint Paris pour poursuivre ses études et ses rêves d'écrivaines tout en se heurtant aux codes d'une bourgeoisie parisienne cela donne un roman empreint de haine et de mésestime de soi.
Il est pourtant une fenêtre sur notre monde et mode de vie actuel, cassant les codes de la bien-pensance où nous explorons ici le point de vue de l'auteure. Cette même femme qui a dû se battre de longues années durant pour se faire une place, entre études et petits boulots, devenant chaque fois une ligne de plus sur son CV, sans savoir où cela la mènerait.
Écris d'une façon poétique parfois chaotique, on suit sur un faux rythme le parcours précaire de cette jeunesse se sentant hors des clous, jusqu'à l'implosion. L'instant où tout devient haine, l'instant où ce n'est plus la peur de la honte qui nous fait avancer mais bien une rage primaire, une rage viscérale.
Cette partie ressemble beaucoup au titre "suicide social" d'Orelsan, où plus rien ne trouve grâce aux yeux de cette jeune femme.
Sans une concentration continue ce livre peut être difficile à suivre, mais le phrasé atypique d'Emmanuelle Richard nous transporte, nous interroge et nous berce lentement vers la chute finale.
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Avis de tempête dans un verre d'eau sur l'île de Ré où une toute jeune fille passe des vacances en famille.
Entre narration et introspection, il ne se passe pas grand chose dans ce récit où s'étirent des journées d'été "normales, heureuses et vides à se taper la tête contre les murs " pendant un mois de juillet vibrant de chaleur et d'odeurs. C'est la grande vacance...
Emmanuelle Richard nous donne à lire la description d'un moment bien particulier de la vie de cette jeune fille qui ne sera jamais nommée et qui sera tout le long du roman "elle" ou "je ".
A quatorze ans elle se sent mal dans sa peau, un pied dans l'adolescence, l'autre encore dans l'enfance. Elle se sent tenaillée par la nostalgie d'avant, quand tout était si simple et si pur mais éprouve aussi une sensation d'urgence . Elle voudrait qu'il se passe enfin quelque chose pour se sentir vivante, pour ne pas rater sa vie. Parce qu'après il sera trop tard.... Mais elle ne sait pas quoi faire et même s'il faut faire quelque chose. Alors elle reste dans l'attente, traîne, se languit, rêve, fantasme, se morfond et s'interroge.
Complexée par son physique, elle n'ose pas allers vers les autres ni répondre aux sollicitations des garçons par peur de paraître une fille facile. Elle a honte aussi de modeste condition sociale de ses parents. Ceux ci d'ailleurs ne l'aident pas à traverser cette période délicate, bien au contraire. L'attitude ambiguë de la mère embrouille plutôt les idées de la jeune fille qui ne comprend pas ce qu'on attend d'elle...
Ce roman s'intitule la légèreté car la jeune fille croit savoir qu'elle ne sera jamais légère "parce que rien n'est sublime".
L'écriture de prime abord peut paraître déroutante avec sa syntaxe un peu aléatoire et le passage constant du "je" au "elle". C'est une écriture tantôt chaude, tantôt froide mais jamais tiède en parfaite adéquation avec l'état d'esprit de la narratrice
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Dans ce court récit, il est question de mépris, puis de haine de classe.
La narratrice, issue de la classe moyenne, raconte les humiliations vécues, alors qu'elle était étudiante, auprès de colocataires bourgeois, et au contact de clients dans le cadre de ses "petits" boulots. Jusqu'à ce que ce mépris à son égard se transforme en haine envers eux.
L'auteur décrit avec une redoutable lucidité le complexe d'infériorité que l'on peut ressentir en découvrant une culture qui s'impose à la nôtre -avant d'en percevoir les défauts. Mais pourquoi tant de haine, au final, puisque les bourgeois s'avèrent si peu dignes d'intérêt ? J'ai été plus convaincue par l'analyse de la précarité financière, quand les CDI à temps partiel empêchent de s'épanouir, de vivre pleinement, de se faire plaisir de temps en temps ; comment le système actuel broie les salariés en leur retirant leurs rêves, même les plus petits.
Emmanuelle Richard n'a rien perdu de son style alambiqué qui avait déjà compliqué ma lecture de "Pour la peau" (j'ai dû lire plusieurs fois certaines phrases, rien que pour y retrouver le verbe), ni de sa froideur distanciée qui ne rend pas forcément la narratrice sympathique. Mais j'ai apprécié la justesse de plusieurs de ses réflexions, sans toutefois adhérer à la passion haineuse qui traverse le roman. A lire davantage pour l'analyse sociétale que pour l'évasion romanesque (car il n'y a pas d'évasion possible).
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« Can’t live without passion » chantait Rod. « Les histoires d’amour finissent mal, en général » lui répondaient Catherine et Fred. Pendant toute ma lecture de Pour la peau, ces chansons ont alternativement résonné dans mon esprit.
Car Emmanuelle Richard ne nous raconte pas autre chose qu’une passion qui finit mal. Sortant d’une rupture, Emma rencontre E. qui en sort également. Ils vont se chercher, se trouver, se rater. Et pourtant, c’était quasi écrit dès le début, mais Emma a voulu y croire. Bref, rien de nouveau sous le soleil. Enfin si, quand même.
Un ton et une écriture qui collent remarquablement au sujet. La plume d’Emmanuelle Richard est moderne, tonique, enlevée. Tour à tour poétique, chaleureuse, inquiète, sensuelle ou aimante puis d’un seul coup torturée, désespérée, crue et déstructurée. Cette alternance – remarquablement maîtrisée – de styles, comme autant d’états d’esprit ou d’humeurs, de certitudes et de questionnements, amènent une véritable fraîcheur à une histoire qui à défaut, en manquerait.
Rien que pour cela – mais aussi pour m’avoir enchanté de voir citer « Too much class for the neighbourhood » des Dogs au détour d’un paragraphe – Pour la peau mérite sans contestation aucune sa place de finaliste du Grand Prix RTL-Lire 2016.
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L'asexualité, reconnue depuis peu comme orientation sexuelle à part entière, est un genre assez vague. Il peut s'accompagner ou non de tristesse. C'est un recueil où tout le monde exprime sa (non) sexualité. le synopsis tient à ça. Thomas caractérise à juste titre la pornographie de "laideur absolue". Il y a un certain clivage entre ceux qui apprécient la tendresse/affection et les autres... On dit que moins on fait l'amour, moins on a envie de le faire et je suis assez d'accord avec ça. (Phrase de Marie-France Hirigoyen). de la même auteure : Est-ce qu'on peut avoir du désir sexuel quand on est pas fier de soi?
Aux pages 50-60 (Les histoires de Julia et Aifa) : je n'en perd pas une miette. En fait faut comprendre qu'être Asexuel c'est pas forcément être abstinent... Pour résumer grossièrement c'est un peu chacun "à la carte".
En asexualité, la masturbation peut être présente, beaucoup ou pas du tout, ou quelque part entre les deux. En fait c'est un mot assez large je savais pas que c'était le cas!
On évoque aussi un certain vampirisme : des gens qui font preuve de cruauté en retournant les choses qu'on a dites contre nous.
Je dois réécouter la chanson "Safe Sex" de Calogero car je viens de comprendre que cela évoque le plaisir solitaire. C'est à dire le plaisir sans les risques de l'attachement affectif.
"Réinventer les figures imposées " baisse la note, c'est pas trop mon délire d'explorer le comportement inverse...
J'ai déjà été en couple avec une "AS" qui me disait avoir aucune libido mais moi à l'époque je comprenais pas du tout je pensais que c'était de la mauvaise volonté je crois èé au final je suis devenu comme ça moi aussi aha... J'ai même rencontré un/e Gender Fluid, quelle diversité dans les genres!
Est-ce que vous avez envie de lire ce livre?: )
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