Chabouté est un auteur que je suis depuis mes débuts de lecture en matière de bande dessinée. C'est un auteur qui a su gagner en profondeur et en maturité au fil de ses œuvres que j'ai régulièrement acquises.
Le point d'orgue aura sans doute été son œuvre « tout seul » en 2008 qui m'avait énormément marqué pour son côté mutique mais tellement lourd de sens. Pour autant, j'ai un peu laissé tomber ces dernières années sans doute happer par d'autres auteurs d'une résolution plus moderne. Par la suite, l'auteur avait poursuivi dans diverses productions sentant un peu le réchauffé mais sans connaître le génie de tout seul.
Et puis, il y a eu la sortie de « Musée » en mars 2023 avec le succès qu'on lui connaît. Je n'ai pas réussi à emprunter cette BD à ma médiathèque tant il y avait des réservations dessus. Une fois n'est pas coutume, j'ai directement acquis celle-ci en me basant sur mon expérience passée ainsi que sur vos avis pour la plupart dithyrambiques.
On peut dire que « Musée » renoue avec « Tout seul » dans l'esprit avec cependant des dialogues qui vont apparaître assez tardivement. Il est encore question d'images contemplatives ayant pour cadre le musée d'Orsay dont j'avais gardé un très bon souvenir de mes 20 ans. J'ai adoré la réplique sur la Joconde qui se trouve au Musée du Louvre, celui dont tout le monde se focalise. Cette ancienne gare transformée en musée vaut le coup d’œil.
Là encore, il y a beaucoup d'images parfois répétitives mais les dialogues souvent anodins cachent en réalité une certaine réflexion sur le comportement des uns et des autres et surtout le regard que les visiteurs peuvent avoir sur l'art en général. C'est assez juste dans le ton.
Je regrette juste l'emprunt d'une idée que Jean Dytar avait abondamment exploité dans « les tableaux de l'ombre » quelques années plus tôt en 2019 à savoir l'animation des personnages de ces œuvres du Louvre qui sortent la nuit à l'abri des regards tel des fantômes. Bref, l'idée n'est pas originale car reprise. Mais bon, passons car le charme opère quand même !
A noter que la couverture nous montre un célèbre tableau mais il n'en sera point question car on se consacrera sur d'autres œuvres artistiques sans doute moins emblématiques à l'exception de l'auto-portrait de Rembrandt. Pour autant, les véritables acteurs seront des personnages plutôt secondaires.
Bref, je ne regrette pas mon achat qui m'a permis de retrouver un auteur de talent non seulement part le dessin mais par la mise en scène véritablement sublime qui rend la lecture assez agréable. En conclusion, on a droit à un véritable hommage rendu au musée d'Orsay mais sans le côté pédagogique de rigueur ou l'approche culturelle assez rébarbative. Un exploit en somme !
Commenter  J’apprécie         910
♫ Il suffira d'une étincelle
Et d'un mot d'amour, oui pour
Allumer le feu, allumer le feu
Et faire danser les diables et les dieux
Allumer le feu, allumer le feu
Et voir grandir la flamme dans vos yeux
Allumer le feu
Laisser derrière toutes nos peines
Nos haches de guerre, nos problèmes
Se libérer de nos chaînes
Lâcher le lion dans l'arène
Je veux la foudre et l'éclair
L'odeur de poudre, le tonnerre
Je veux la fête et les rires
Je veux la foule en délire
Il suffira d'une étincelle
Oui, d'un rien, d'un contact
Il suffira d'une étincelle
D'un peu de jour, oui pour
Allumer le feu, allumer le feu♫
- Johnny Hallyday - 1998 -
Elle est tatouée cette chanson
Sir Chabouté ou Jack London
Fièvre de l'or contre chèque en bois
C'est pas l'argent qui brûle tes doigts
Le froid a trop d'emprise sur toi
Geler n'est pas aussi horrible qu'on ne croit
Laisse-toi aller...ton corps s'éteint ...Endors-toi.
Il aurait suffi d'une flamme ou d'une allumette
Mais tu ne voulais pas d'une femmelette...
Ce n'était rien qu'un feu de bois
Mais il m'avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
À la manière d'un feu de joie
Toi, au Canada, de froid quand tu mourras
Et caetera...
Commenter  J’apprécie         902
"Il y a une autre France, plus magique, plus secrète."
Claude Arz. Auteur d'ouvrages dont un guide de la France mystérieuse.
Un homme déchiqueté par une bête,.. "Ces cons d'écolos nous ont remis des loups dans la région. "
Chargé de l'enquête, l'inspecteur Tarpon, un taiseux, est bloqué dans ce petit village des montagnes, à cause de la tempête.
- "Qu'allez vous faire maintenant que le col est bouché, inspecteur?
- Déprimer tout seul dans ma chambre, faire des bonhommes de neige et me laisser pousser les skis."
Comme dans tout polar, le flic un peu désabusé ramasse les indices et questionne les uns et les autres.Le patron du café, Vinasse le pilier du bar et même Sarah la peintre... Gustave, Emile et un troisième homme sont déchiquetés par une bête." Des blessures d'une vingtaine de centimètres!"
Les loups rôdent au dehors et dans le seul bistrot du village, 2 vieilles bigotes hurlent:
-Lieu de perdition, repaire du pêché! Faites pénitence, la Bête punit les impies! La mort l'accompagne!
- Malheur! le diable nous a envoyé l'homme-loup! UN GAROU!
Dieu a oublié ce village!
-VIEILLES BIQUES! On croit en Dieu quand on a le diable aux fesses!
S'énerve le Jacquot bûcheron (qui finira massacré, comme les autres).
Les villageois se sont armés, un homme affirme avoir vu la Bête:
-J'J'ai vu sa silhouette ! Elle mesure au moins trois mètres. Et des griffes, bon sang, des griffes énormes.
De beaux dessins, une atmosphère lourde et la Bête qui rôde au dehors...
Commenter  J’apprécie         8110
"Tout seul", c'est ainsi que les hommes l'ont surnommé .
Tout seul , c'est l'état perpétuel auquel il aspire , dans ce phare , depuis près d'un demi-siècle...
Boom !
Beauté : œuvre magistrale s'il en est , véritable ode au silence et à la réflexion sur la condition d'être humain et les tourments inhérents à la différence , à SA différence .
Boom !
Contemplation : état du lecteur feuilletant ces sublimes pages bicolores au graphisme abouti et maitrisé à l'extrême . L'esprit vagabonde au gré de ces planches maritimes mutiques faisant la part belle à la méditation et au questionnement .
Boom !
Onirisme : sentiment prégnant allant de pair avec la solitude et la tristesse qui habitent cet album de bout en bout .
Boom !
Trame : dans le cas présent , épurée jusqu'à l'os , elle porte cependant , de par sa simplicité et l'engouement qu'elle suscite , la patte d'un très grand !
Boom ! Explosions mystérieuses quotidiennes tentant bien humblement de tenir la dragée haute à ces assourdissants flots impétueux battant les flancs escarpés de ce noir ilot de solitude .
Quatre lettres bien inoffensives pourtant génératrices d'évasion , de peur , de poésie , d'avenir , de liberté...
Tout Seul : à lire par le plus grand nombre !
Commenter  J’apprécie         779
♫Pense à moi, comme je t'aime
Et tu me délivreras
Tu briseras l'anathème
Qui me tiens loin de tes bras
Pense à moi, comme je t'aime
Rien ne nous séparera
Même pas les chrysanthèmes
Tu verras, on se retrouvera♫
B.O.F le Passage - Francis Lalanne-1986-
C'était un bureau noir
Deux portes au fond d'un couloir
Seule issue face au dérisoire
Vigipirate garde son purgatoire
sans papier, sans identité, pas d'accés
Le barème à appliquer
Retourner chez les vivants
Conscience, être cette petite voix
que l'on entend au fond de soi
ramener sur un chemin plus droit
une canaille allant vers l'autre endroit
où Satan l'habite, un abîme qui descend
......aucune limite dans le temps.
Chabouté, son purgatoire
Un passage absolutoire
Un message d'espoir...
Commenter  J’apprécie         712
Dans le grand Nord, il y a de quoi le perdre.
Région du Klondike, en plein hiver canadien.
Un homme et son chien, seuls au monde, tentent de réintégrer le camp salvateur.
Température intérieure : 37°2, le matin.
Température extérieure : - 60°.
L'homme semble insensible à la morsure du froid, confiant en sa capacité de survie. Quelques allumettes pour tout bagage, pas de quoi paniquer.
Pétri de certitudes, voire adepte forcené de la méthode Coué, l'homme n'imagine pas un seul instant avoir à baisser les bras face à cette nature incroyablement hostile.
Seulement voilà, entre la théorie et la pratique, il y a bien souvent un monde de souffrances de différence.
Du Chabouté pur jus.
Il adapte ici librement une nouvelle de Jack London en s'appuyant sur un graphisme d'une maîtrise hallucinante et une trame au déroulé implacable.
Jouant habilement sur des ressorts dramatiques aux effets saisissants, Chabouté parvient à vous faire ressentir le calvaire de cet homme en vous immergeant corps et âme dans ses pensées les plus profondes.
Tout y est. L'espoir, le déni, le doute, l'abandon. Autant de sentiments successifs illustrant parfaitement l'humeur du moment.
Construire Un Feu est juste un petit bijou graphique et narratif.
Et puis, dans ces terribles immensités à la blancheur d'albâtre, tout comme dans l'espace, personne ne vous entendra crier...
Commenter  J’apprécie         6714
Dans les allées du musée d'Orsay, les visiteurs sont nombreux, chaque jour, à déambuler dans les allées où se côtoient de multiples œuvres. Certains y posent un regard amusé, perplexe ou admiratif, parfois choqué. Certains y vont de leur petit commentaire, intelligent ou décalé. Certains les mitraillent ou y jettent à peine un regard quand d'autres s'y attardent longuement ou les croquent. Mais que se passe-t-il la nuit lorsque ces mêmes visiteurs rentrent chez eux ? Dans la pénombre, à l'abri des regards, ces mêmes œuvres prennent vie, des silhouettes s'animent, des personnages quittent leur cadre...
Chabouté nous propose, avec cet album, une visite privée et pour le moins originale du musée d'Orsay lorsque la nuit tombe. Les allées désertées, les œuvres, exposées et scrutées le jour, en profitent pour se dégourdir les jambes, pour se promener, pour retrouver un personnage, pour faire le bilan de la journée et pour regarder et commenter ce qui se passe dehors. Ainsi, les Raboteurs de parquet font une pause bien méritée, les bustes d'Honoré Daumier cancanent à tout-va, Berthe Morisot guette amoureusement les allées et venues d'un homme accompagné de son chien, l'Olympia quitte sa couche, Héraclès, curieux, s'étonne de tout, l'Ours blanc se promène... Tous portent un regard, tantôt amusé, tantôt circonspect, tantôt touchant, tantôt critique, tantôt perplexe sur les humains et leurs comportements, aussi bien le jour que la nuit. Avec un œil avisé, l'auteur dépeint, avec tendresse, ironie, humour ou émotion, les attitudes aussi bien des visiteurs que des œuvres d'art. En bon guide, il nous offre ainsi de véritables moments suspendus. Avec malice et poésie, il croque, au plus près des originaux, ces œuvres, rendues plus vraies que nature. Dans ce décor époustouflant, son noir et blanc intense n'en est que plus lumineux et son trait, délicat et minutieux, est des plus élégants.
Un album émouvant, sensible et intelligent...
Commenter  J’apprécie         6617
De biens belles ou étranges histoires qui tournent toutes autour du crime parfait.
Différents dessinateurs ont pris la plume chacun leur tour pour parler de leur vision du crime parfait.
Comme souvent les graphismes sont complètement différents. Alors bien sûr on est plus touché par certains que par d'autres, mais en tout cas on sent que chaque dessinateur s'est investi.
J'ai apprécié picorer par ci par la ces belles histoires, parce même si le sujet est le crime , elles sont belles et bien menées.
A chaque fin d'histoire on a une petite explication sur l'histoire, sur le tueur qui est très intéressante.
Mais bien sûr j'ai adoré une de ces histoires. Mon petit coup de coeur du recueil : le crime parfait de Metter qui a tout pour lui. : Le graphisme, le scénario, et le message porté
Un grand merci a Babelio et aux éditions Phileas pour ce très beau livre
Commenter  J’apprécie         662
Voilà un an que Benoit et sa compagne vivent leur rêve américain. Mais depuis quelque temps, ce dernier est fatigué et ressent le besoin de souffler et de retrouver son enthousiasme. Depuis 20 ans qu'il réalise des films et des séries, il a envie de faire tout autre chose, exercer un métier plus concret, comme devenir serveur, barman ou pourquoi pas promeneur de chien. Une expérience qui pourrait ensuite devenir le scénario d'un film. Lui vient alors l'idée de devenir chauffeur de taxi afin de pouvoir écrire et nourrir son histoire. Si Éléonore le trouve complètement dingue, il se lance tout de même à fond dans sa nouvelle aventure et entame, dès le lendemain, toutes les démarches pour devenir chauffeur de taxi. Le yellow cab, c'est l'essence même de New York. La semaine suivante, il s'inscrit dans une école spécialisée...
Installé à New York depuis un an, Benoit Cohen décide de devenir taxi driver dans le but d'y écrire le scénario d'un film. Finalement, il en fera un livre que Chabouté mettra en image quelques années plus tard. Chabouté, un trait reconnaissable et une palette de couleurs se limitant au noir et blanc. Au vu de la couverture, l'on aurait pensé que le dessinateur aurait dérogé à la règle en y insérant du jaune. Il n'en sera rien. Mais il donne à la ville de New York toutes ses lettres de noblesse, nous plongeant avec ravissement dans les ruelles du Bronx ou de Manhattan et ce, dans une ambiance toute particulière. New York, véritable personnage à part entière au cœur de laquelle Benoit officie en tant que chauffeur de taxi. Il posera alors un regard bien différent sur la ville et ses habitants au fil de ses courses mais aussi en côtoyant ses collègues.
Un album sensible et humain...
Commenter  J’apprécie         632
Benoit est à la ramasse.
Réalisateur de films et de séries, le puits de la créativité semble tari.
Enfin presque.
Dernière fulgurance, s'immerger corps et âme dans un job puis en tirer sa quintessence dans un long métrage appelé à devenir un must have.
Pouf, pouf, ce se-ra chau-ffeur de ta-xi à N.Y.
A y est.
Benoit vient de décrocher le saint graal.
Sa licence de taxi driver.
Tout comme Bob en son temps, il allait bouffer du bitume pour se nourrir de cette nouvelle expérience jusqu'à satiété.
Rien à redire sur le graphisme Chaboutesque, Chaboutien, enfin le style qui lui est propre, j'ai toujours adhéré sans réserves. N'était ce p'tit manque de jaune délicatement présupposé en première de couv', je partais sur un sans fautes.
Une maîtrise hors norme de l'ombre et de la lumière, Chabouté s'y entend pour donner vie en bicolore.
Le scénario m'aura un peu moins emballé.
La faute aux trop nombreuses réflexions parasitantes de notre Benoit venant souligner des faits déjà superbement mis en images dans la même planche.
Rien de rédhibitoire en soi mais l'impression persistante de repasser par un chemin déjà emprunté et ça, c'est moche, fut-il à N.Y.
Si Chabouté fait dans le noir et blanc, il fait également dans l'humain et là, j'ai envie de dire carton plein.
De notre poor lonesome cab driver aux innombrables et diverses rencontres qui traverseront ses nuits, le spectre de l'humanité se veut dès lors sans limites.
Le dessinateur excelle dans l'art de retranscrire des émotions brutes, en quelques coups de crayons bien sentis, signe d'un talent évident pour la sobriété stylistique au service d'un ressenti profond et immédiat.
Bref, encore un bon Chabouté, peut-être pas le meilleur..
Merci à Babelio et aux éditions Vents d'Ouest pour la balade.
Commenter  J’apprécie         602
Un meeting politique aux idées arrêtées, un sommet inaccessible, une affiche dans le couloir du métro, des regards qui se détournent dans une rue passante, une visite à l'hôpital, un ado de banlieue qui s'échappe, la Marseillaise, un jeune accro au portable et tête en l'air, une vitrine alléchante, un bureau de tabac, une balade sur la plage...
Des instants de vie surprenants, banals, bancals, désolants, décalés... Des moments volés et des personnages croqués avec malice, dérision, humour ou émotion... Presque dix ans après De tout petits riens, Chabouté nous offre à nouveau un album composé de saynètes. Qu'elles soient inattendues, émouvantes, impertinentes, chagrinantes, amères, drôles, terribles ou affligeantes, elles se révèlent toutes d'une grande justesse et interpellent, notamment de par leur chute. Onze fables amères servies par un trait tout en noir et blanc expressif et fouillé et au cadrage recherché. De ces détails futiles qui poussent à la réflexion...
Un album intelligent et pertinent !
Commenter  J’apprécie         600
♫Je me souviens d'un phare, je me souviens d'un signe
D'une lumière dans le soir, d'une chambre anonyme
Je me souviens d'amour, je me souviens des gestes
Le fiacre du retour, le parfum sur ma veste♫
La riviere de notre enfance - Sardou- Garou - texte Barbelivien- 2004
Il a besoin de changer d'air
se séparent sa mère, son père
Tu n'as pas joué, mais tu perds
C'est Sa rivière de son enfance
ne plus voir son père qui danse
Dompter sa nouvelle existence
Chacun sa vie, chacun sa guerre
Il n'a pas pleuré, à quoi ça sert
Chacun son coté de la Rivière...
Peu de texte, dessin noir et blanc
comme un murmure, un chuchotement
bravo CHABOUTé pour ces bons sentiments
Commenter  J’apprécie         561
En 1896, des gisements aurifères furent découverts au Canada. Des milliers d'aventuriers voulurent se ruer vers cet or mais les moyens de communications étant alors peu nombreux, ils devaient se munir de tout l'attirail nécessaire pour accéder à ce nouvel eldorado. Des milliers d'hommes se sont aventurés dans ce périple hasardeux, beaucoup d'entre eux n'en sont pas revenus. Car, ils avaient oublié que là-bas, il fait -45°, que le froid pénètre le corps et que la neige a recouvert tout le paysage. L'homme, accompagné de son chien, va affronter cette épreuve. Son fidèle compagnon n'attend qu'une chose: se blottir au coin d'un feu. Mais, le froid persiste et deviendra un véritable adversaire...
Tiré de la nouvelle de Jack London, cet album de Chabouté surprend par son originalité et sa qualité graphique. Le récit intense de cet homme et de son chien dans l'immensité de cette forêt recouverte de neige Seuls quelques mots ici et là viennent ponctuer le silence qu'imposent ce froid et cette neige. Un froid terrible, tortueux et qui s'imprègne partout. Chabouté nous livre un album épuré où tout geste prend de l'importance, où la tension monte au fil des pages, rendant une atmosphère quasi fantastique et réellement inquiétante et oppressante. Quant au dessin de Chabouté, cette fois-ci en couleur, il est toujours aussi impressionnant. Des paysages à la beauté glaciale aux regards inquiets de cet homme, l'auteur emporte le lecteur dans cette descente aux enfers.
Construire un feu... une petite flamme...
Commenter  J’apprécie         560
Tout seul est une oeuvre minérale, sans fioritures, taillée dans du granit, qu'on imagine Breton. Une oeuvre émouvante mais qui, comme l'océan, sait se faire dure. Pour autant elle ne lorgne pas du côté de la pitié ou du misérabilisme, au contraire Chabouté témoigne d'une tendresse certaine pour Tout seul, le personnage central de ce récit.
Son véritable nom n'est jamais mentionné. Les gens du coin (la Bretagne ?) l'appelle ainsi car il vit reclus, sur un phare en pleine mer. Difforme, il n'a jamais quitté son refuge depuis sa naissance. Ses parents, anciens gardiens du phare (avant son automatisation), ce sont arrangés pour qu'un pêcheur lui livre des vivres toutes les semaines. Celui-ci a récemment engagé un nouveau marin qui, intrigué par cet homme et son existence surréaliste essaye d'en savoir plus sur lui auprès de son patron. Quelle est sa vie ? Que fait-il de ses journées ?
Magnifique histoire, Tout seul évoque un peu Silence de Comès, à la différence que ce dernier est victime de la cruauté des hommes, alors que Tout seul souffre de la solitude. La force qui le maintient en vie, dans ce décors ô combien romantique pour le quidam moyen, mais qui est pour lui une prison, est la puissance de son imagination, qu'il nourrit tous les soirs en choisissant, au hasard, une page de son dictionnaire. Mais, si Tout seul rêve de liberté (il collectionne soigneusement les objets de l'extérieur que le hasard du ressac amène à lui), la décision de partir n'est pour autant pas si évidente à prendre. Car dehors menace le regard de l'autre, symbolisé par cette scène magnifique où Tout seul, ouvrant son dictionnaire, tombe sur le mot monstre ce qui le fait se regarder dans le miroir.
Très aride au niveau du texte, Tout seul se lit d'une traite et Chabouté nous livre, par ailleurs, un dessin très maîtrisé, magnifique noir et blanc, particulièrement dans les scènes nocturnes.
Commenter  J’apprécie         550
Le personnage principal de ce roman graphique
est un banc public
et puis il y a ceux qui passent par là avec leurs petites gueules bien sympathiques
s'y assoient y dansent y pique-niquent
c'est une chronique
poétique
féérique
mélancolique
elle traverse le paysage bucolique
des saisons parfois nostalgiques
ici deux enfants déjà épris d'un amour idyllique
se jettent des baisers pudiques
creusent le bois d'un serment presque magique
un homme titube pathétique
un autre fait de la musique
est-ce du blues ou bien du classique
il y a même un flic
qui embête l'homme éthylique
j'aime ce roman graphique
j'aime ses dessins qui font la nique
au temps qui passe aux modes frénétiques
on passe d'une saison à l'autre onirique
les personnages reviennent c'est cyclique
on croirait que rien ne change dans ce ciel oblique
presque rien ne change à peine c'est fantastique
la page bouge dans une nuance océanique
trois cent vingt-cinq pages sur une belle rythmique
pas un seul mot le silence ici est magnifique
d'une saison à l'autre les petites gueules demeurent bien sympathiques
les timides deviennent lyriques
les commères deviennent romantiques
puis voilà Monsieur le Maire qui passe avec sa clique
avec leurs petites gueules pas sympathiques
tout ça n'est pas très catholique
ça sent brusquement la politique
alors c'est comme un déclic
ce banc public est devenu trop rustique...
ce roman graphique
aux trois cent vingt-cinq pages électriques
c'est comme un folioscope est-ce une illusion optique
qui chatouille nos zygomatiques
du bonheur nous en ressentons les secousses sismiques
des larmes viennent et c'est tout d'un coup tragique
parfois aussi un peu caustique
cela nous rappelle que les bancs publics
sont des havres des îlots des refuges des scènes authentiques
avec des petites gueules bien sympathiques.
Commenter  J’apprécie         5413
♫Or, un soir, Dieu du ciel, protégez nous!
La voila qui monte sur les genoux
Du croque-notes et doucement soupire,
En rougissant quand même un petit peu
"C'est toi que j'aime et si tu veux tu peux
M'embrasser sur la bouche et même pire"
"Tout beau, princesse arrête un peu ton tir,
J'ai pas tellement l'étoffe du satyre,
Tu as treize ans, j'en ai trente qui sonnent,
Grosse différence et je ne suis pas chaud
Pour tâter d'la paille humide du cachot♫
La Princesse et le Croque-Notes- G. Brassens- 1972-
Non, non, ici, pas de détournement de mineur
ici, plutot une fuite, un bruit qui court, une rumeur,
un slogan, "fumer tue", tu piges l'amigo !?
jette tes tiges, il est temps à quarante piges
de te rendre compte qu'il y a des ailleurs
et que c'est pas si difficile d'y aller...!
Scénario, parano , finir comme un mégot
détournement de mineur non consommé
détournement de fumeur... non consumé.
Chabouté arrive facile à tout vous chambouler....
5 * et un bonus pour ses incrustations de Monsieur Madame, évidemment !! :-)
Mr et Mme Laizavu ont 2 fils ?
David, Vincent
Commenter  J’apprécie         530
12 novembre 1921. A la barre des accusés, Henri Désiré Landru. Déjà condamné à sept reprises entre 1900 et 1912 pour escroquerie, puis à nouveau en 1914, à 4 ans de prison, toujours pour escroquerie. Cette fois-ci, il est accusé de meurtres sur pas moins de 11 femmes qu'il aurait séduites puis attirées chez lui afin de les dépouiller avant de les tuer et les brûler. Tout semble l'accabler : on a retrouvé chez lui les objets personnels de ces femmes calcinées et un carnet dans lequel apparaissent les noms des victimes mais également dans lequel Landru notait ses moindres frais les concernant, les heures de rendez-vous, les billets de train pour lui et ses victimes (deux allers mais un seul retour), le nombre de scies achetées... Malgré tout cela, l'homme nie en bloc ce qu'on lui reproche. La peine capitale est réclamée pour ce monstre assassin...
Janvier 1915. La pluie ne cesse de tomber sur ces poilus. Les obus, les tirs, les rats, les poux... rien ne leur est épargné. Pas même les fusillades pour cause de désertion. L'un d'eux décide de s'enfuir. Blessé au visage, il met au cou d'un de ses compatriotes sa plaque où est gravé son prénom, Paul, se faisant ainsi passer pour mort.
Peu de temps après, sa compagne, Hélène, répond à une petite annonce et accepte le rendez-vous galant. Se présente un homme timide, presque chauve, une longue barbiche noire. Il l'emmène dans sa maison de campagne, à Gambais...
Et si Henri Désiré Landru surnommé le "Barbe-bleu de Gambais" n'était pas le monstre que tout le monde croyait ? Et s'il n'avait réellement pas commis les crimes dont on l'accusa et qu'il renia ? Et s'il s'était fait manipuler par un autre homme qui lui fait habilement porter le chapeau ? Chabouté revisite, à sa guise, l'affaire Landru. du procès à ces tranchées, de ce Henri Désiré Landru à ce Paul, quel lien peut-il y avoir ? L'auteur s'autorise une toute autre interprétation de cette affaire et de ce procès à grand spectacle qui attira tout paris et fit la une des journaux. Immanquablement, ce pauvre Landru nous apparaîtra bien différemment. L'on pourra regretter qu'il se soit laissé faire de la sorte, surtout au vu de son caractère et de son passé d'escroc. Malgré tout, cette histoire reste plausible, surtout que Chabouté conserve certains faits relatés durant le procès. Graphiquement, le noir et le blanc sont d'une grande profondeur et intensité et donne une certaine force au dessin. du grand art...
Adaptée pour le cinéma, la télévision, le théâtre et la bande dessinée, l'affaire Landru inspira de nombreux auteurs.
Qui était vraiment Henri Désiré Landru ?
Commenter  J’apprécie         530
Construire un feu, c'est comme un jeu, un truc de scout en patrouille, de campeur en vadrouille, de gosses sur la plage en été, d'amoureux devant une cheminée, de randonneur qui fait griller ses côtelettes...
Construire un feu, c'est hasardeux, merveilleux, miraculeux, dangereux.....
Construire un feu, c'est rester en vie, poursuivre sa route, ne pas se figer dans le désert de glace, penser aux gars qu'on va retrouver, aux conseils des vieux de Sulphur Creek, à l'or qu'on va ramasser, c'est se sentir encore un homme, lutter pour s'en sortir.....
Construire un feu, c'est le récit du fol orgueil d'un homme qui a déjà tourné le dos à la vie.....
Commenter  J’apprécie         531
Un phare au milieu d'un vaste océan... Toutes les semaines, un bateau, chargé de deux hommes, ravitaille l'homme qui y demeure. Aucun des deux ne l'a jamais vu. On le surnomme «tout seul», parce que depuis qu'il est né, il n'a jamais quitté ce phare, ce vaisseau de granit qu'il habite. On dit de lui que c'est un monstre et pourtant personne ne l'a jamais vu. Avec pour seule compagnie son poisson rouge et son dictionnaire, il n'a d'autres occupations que de pêcher et de rêver... Au fil des pages du dictionnaire sur lesquelles il tombe par hasard, il s'imagine tout un monde selon le mot qui s'affiche devant lui.
Chabouté réussit un coup de maître avec cet album conséquent. Pas moins de 370 pages au cours desquelles, finalement, on contemple les dessins, le destin de cet homme, de ses rêves. Pourquoi quitter ce rocher alors que le vaste monde lui fait si peur ?
Un album des plus surprenant dans lequel Chabouté fait la part belle à l'onirisme, l'imagination, l'humanisme, la solitude, la sensibilité, l'humour et la tendresse.
Avec ses dessins tout en noir et blanc, de superbes planches où le silence est roi, le graphisme de Chabouté se dévore des yeux... et on en prend plein les mirettes !
Un véritable exploit graphique..
Tout seul... mais quelle présence !
Commenter  J’apprécie         520
Quand vous avez entre vos mains Musée, roman graphique de Chabouté, vous avez ce qu’on appelle en librairie un beau livre. Un livre de qualité avec des reproductions de chefs-d’œuvre picturaux ou sculpturaux. J’ai vraiment pris plaisir à tourner ces pages, comme j’ai pris plaisir il y a quelques années à arpenter les galeries du musée d’Orsay. J’y ai reconnu nombre d’œuvres devant lesquelles je me suis moi-même arrêtée, intriguée, subjuguée, étonnée, interloquée.
Les trognes dessinées par Christophe Chabouté sont des instantanés pris sur le vif, des visiteurs, curieux, de passage, des esthètes, des pontifiants… C’est drôle et finement observé. Et finement écouté aussi ! Car on ne peut s’empêcher d’écouter les commentaires des uns et des autres devant les tableaux ou les sculptures. On a tous, il me semble, des anecdotes à ce sujet.
Et puis, Chabouté nous offre également une nuit au musée, enfin plusieurs au cours desquelles nous allons écouter et observer ce que ces fameuses peintures et sculptures, quittant leur sage immobilité, vivent, dévoilent de leurs sentiments et regards sur ces gens qui toute la journée leur tournent autour. Un regard, en somme, sur notre société.
C’est drôle comme la scène récurrente d’Heracles découvrant les lieux d’aisance, poétique quant à l´idylle entre la liseuse et la statue (que je n’ai pas reconnue, mais qu’importe)…
Il y a très peu de textes dans ce roman graphique tout en noir et blanc. La déambulation à travers les salles se suffit à elle-même, il faut prendre son temps, observer, écouter et se laisser porter, le charme opère. Et l’on ressort du musée, apaisé, heureux de cette complicité qui s’est implicitement installée entre ces personnages hors du temps et soi.
Commenter  J’apprécie         505