Après avoir franchi le pont situé À la croisée des mondes, Lyra pénètre dans une nouvelle dimension, où elle fait la connaissance de Will, un garçon en fuite. D’abord chacun de leur côté, puis ensemble, ils vont tenter de percer les mystères sur lesquels ils enquêtent, ainsi que celui qui semble envelopper l’énigmatique Tour des Anges.
Des années après ma lecture du premier tome, les souvenirs que j’en garde se mélangent avec ceux du film, bien mieux implantés dans ma mémoire, puisque je l’ai vu et revu à maintes reprises. Je connais l’avis général (et ô combien défavorable) à son sujet, mais je le mentionne uniquement pour souligner à quel point je me sens proche de l’univers de base, parce que c’est important.
En effet, ma première impression, quand je me suis (enfin) plongée dans ce deuxième volume, a été de ne plus lire la même histoire. Plus de terres nordiques, plus d’ours en armure, plus de Gitans, plus de daemons… Même plus de Lyra ! On suit désormais Will, un jeune garçon qui évolue sur notre planète.
Ce sentiment s’est un peu estompé avec le retour de notre protagoniste bien connue, et ceux de Lee Scoresby, Serafina Pekkala et Mme Coulter, mais l’ambiance et le reste des personnages originaux m’ont manqué, en particulier Iorek.
Malgré tout, je n’oublie pas que je n’avais pas été totalement convaincue par Les royaumes du Nord. On me les avait tellement survendus par rapport à leur adaptation cinématographique que je m’attendais à beaucoup mieux. Alors, ai-je pris davantage de plaisir à découvrir cette suite vierge de toute comparaison ? Eh bien, pas vraiment.
Disons que je l’ai appréciée dans son ensemble, mais si je me focalise sur ses éléments de manière individuelle, j’ai dû relever plus de négatif que de positif.
Par exemple, j’aime toujours autant la dimension théologique de l’œuvre, pourtant j’ai parfois du mal à comprendre où l’auteur veut en venir, notamment en ce qui concerne la distinction marquée qu’il fait entre les enfants et les adultes… tout en dépeignant les plus jeunes sous un jour guère plus flatteur que leurs aînés.
Que ce soit les harceleurs de Mme Parry, les habitants de Cittàgazze, et même les deux protagonistes, ils valent moins, à mes yeux, que des individus comme Iorek, Serafina ou Lee. Will ne manque pas de virulence, Lyra possède autant de qualités qu’elle peut se montrer capricieuse, égoïste, menteuse et immature…
… ce qui, d’un côté, n’est pas si mal. Contrairement à Will et à la plupart des héros jeunesse, elle a tout de la fillette de douze ans : l’attitude, les actes, la façon de s’exprimer… Bon, de l’autre, ça ne la rend pas spécialement sympathique ni attachante. C’est juste une gamine normale, et de fait, ça ne colle pas avec l’image exceptionnelle que tout le monde a d’elle au point de la suivre aveuglément (si ce n’est en raison de sa faculté à utiliser d’instinct l’aléthiomètre).
Enfin, quand je parle de l’utiliser… Ah ah. Je rigole, parce que c’est de loin ce qui m’a le plus dérangée. Lyra, après avoir enchaîné les erreurs et les bêtises, se met en tête de ne plus recourir à lui autrement que pour aider Will dans sa quête, comme l’instrument le lui a demandé (d’aider le garçon, hein, pas de renoncer à son usage).
Ça, elle le décide toute seule, pour un motif passablement futile. Rien ne l’empêchait de continuer à s’en servir ou, si elle tenait vraiment à se soumettre à la volonté de Will (car oui, notre chère Lyra passe désormais au second plan de sa propre histoire), au moins de solliciter sa permission. Ça ne l’aurait pas tuée, contrairement à son inaction qui a sans doute été fatale à pas mal de gens…
Pour moi, il s’agit là d’une grosse facilité scénaristique. Philip Pullman a donné à ses protagonistes deux outils surpuissants en vue de leur objectif ultime (c’est-à-dire une guerre contre Dieu, alias l’Autorité), sauf que d’ici là, ce serait trooop bête de les exploiter, voyons ! L’intrigue s’en trouverait raccourcie et simplifiée. Non, non, compliquons-nous la tâche pendant que tout le monde meurt autour de nous, c’est mieux. Ça entretient la tension et le suspense.
Et puisque j’évoque l’Autorité, à son sujet aussi, je m’interroge. Est-ce réellement elle qu’il faut combattre ? Ou ceux qui s’expriment en son nom (le Magisterium dans la dimension de Lyra, l’Église dans la nôtre…) ? Quand on connaît les positions athées de l’écrivain, c’est un peu paradoxal… Aspirer à détruire l’Être Suprême, n’est-ce pas reconnaître son existence ?
Bien sûr, ce n’est pas sa seule cible. Il y a également C.S. Lewis et ses Chroniques de Narnia. Difficile de ne pas voir à quel antagonisme se livre Philip Pullman, avec ses récriminations et ses parallèles.
Cittàgazze, notamment, et ses nombreuses ouvertures sur les autres mondes, m’ont tout de suite évoqué le lieu auquel Polly et Diggory accèdent grâce aux bagues dans Le neveu du magicien. Un passage vers une infinité d’univers, ou presque.
Presque, parce qu’autant dans Narnia, on ne s’attend pas à découvrir autre chose que (…roulements de tambours…) Narnia, autant on est ici à la croisées DES MONDES. Et combien en verra-t-on ? Celui que Lyra a quitté, celui où elle atterrit, et celui que l’on connaît bien, puisque c’est le nôtre. Waouh. Et davantage « waouh » encore qu’ils sont teeellement différents les uns les autres !
Désolée, M. Pullman, mais Narnia, c’est ma saga chérie depuis que je suis petite, alors je l’admets, j’ai beaucoup de griefs strictement personnels. Néanmoins, je ne considère pas que mon avis soit trop biaisé. Tout ce que j’ai dit, je le pense indépendamment de la gué-guerre entre cette trilogie et l’œuvre de C.S. Lewis.
Pour conclure (et résumer) cette chronique bien assez longue ainsi, je dirais que ce qui me dérange le plus dans La Tour des Anges, c’est qu’on a, à mon sens, un peu tout et son contraire, que ce soit dans l’intrigue ou dans les idées exprimées à travers elle. Des idées qui, au demeurant, m’intéressent sincèrement, donc je suis d’autant plus frustrée par un tel manque de limpidité et de logique. J’espère que le troisième tome rectifiera le tir.
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