Lyra a été enlevée par sa mère dans ce troisième et dernier tome d’À la croisée des mondes, et Will est prêt à tout pour la retrouver, au détriment de la mission qui l’attend. En effet, lord Asriel se prépare à affronter l’Autorité, dans une guerre où les deux enfants sont censés tenir un rôle-clé.
« Censés », je crois que c’est le mot qui résume le mieux ce roman. Vous vous souvenez, quand j’écrivais dans ma précédente chronique qu’on avait un peu tout et son contraire ? Eh bien, c’était un euphémisme. Là, on a surtout un gloubi-boulga indigeste de prophéties, de personnages, de sous-intrigues, de théories théologico-philo-métaphysiques, de symbolique mystique, de rebondissements tirés par les cheveux (au sens figuré ET au sens propre)…
À bien des égards, je pourrais presque reprendre telle quelle ma critique de l’ultime volet de La Passe-miroir, parce qu’au niveau des défauts, ces deux livres se recoupent. C’est long, c’est assommant, on ne comprend qui fait quoi quand où comment et même pourquoi, et on a des descriptions interminables qui ne mènent nulle part ou presque.
Le père Gomez, par exemple, il servait VRAIMENT à quelque chose ? À part à nous dire « Eh, l’Église, y sont méchants au point d’envoyer un prêtre-tueur buter une gamine et/ou une nana qui n’a encore rien fait mais va peut-être provoquer un truc qui entraînera une catastrophe » ? Idem pour Ama. On avait réellement besoin d’elle ? Je ne crois pas…
Et quid de Mme Coulter et de lord Asriel qui se transforment subitement en parents dévoués prêts à tout pour protéger leur fille ? Ce sont des Pokémon, pour évoluer si vite ? Dans ce cas, il aurait peut-être fallu songer à appuyer sur le bouton B, à un moment.
Serafina Pekkala, elle a l’utilité d’un fondu au noir avant le générique d’un film historique, c’est-à-dire qu’elle se contente d’apporter deux-trois infos complémentaires sur le récit qu’on vient de découvrir. Iorek… Iorek a un peu plus d’impact sur l’intrigue, mais ça pédale aussi beaucoup dans le guacamole de son côté (faut qu’on quitte notre territoire, vous allez voir, on sera bien sur le nouveau, mais en fait… non ?) ; le Dr Malone, c’est moins le Serpent que Mary / Martine chez les Mulefas…
Et l’Autorité ? Et Métatron ? Oserai-je les évoquer ? On les présente comme les antagonistes suprêmes, il est question d’une guerre qui monopolisera un incroyable nombre de forces en présence, et qu’est-ce que ça donne ? Un gros fouillis qu’on entraperçoit un chapitre, et un (arch)ange qui se fait manipuler comme un chaton face à un morceau de poulet (ou, en l’occurrence, de poulette), avant d’être vaincu… Eh bien, d’être vaincu. Y a rien à ajouter, en fait, tellement sa mort est tout sauf exceptionnelle. (Oui, c’était bien la peine de harceler Will sur l’importance d’amener son poignard à lord Asriel.)
Côté symbolique, on a plus ou moins tout qui y passe, même si on se concentre surtout sur le jardin d’Eden et le trio Adam / Ève / Serpent, et il en résulte un message ô combien subtil : l’Église, la religion, c’est maaaaal ! (Ok, en parallèle, on a des sorcières qui tirent des flèches dans le cœur de pauvres malheureux qui n’ont pas voulu d’elles, des espèces d’oiseaux qui détruisent tout sur leur passage « parce que », et probablement un tas d’autres vices qui ne me viennent pas à l’esprit sur l’instant, mais c’pas grave, parce que l’ennemi, c’est l’Église, qu’on vous dit.)
Ç’aurait pu être une bonne histoire sur le fait de grandir, sur les notions de bien et de mal, de liberté et de libre-arbitre, une remise en question pertinente du culte et de la foi, au lieu de quoi c’est juste un invraisemblable fatras, porté par des personnages absolument pas attachants, pour ne pas dire souvent antipathiques (on en parle, de la façon dont Will s’adresse / commande aux anges venus l’escorter jusqu’à Asriel ?)
Oh, et je m’aperçois que je n’ai pas évoqué le voyage dans le monde des morts… Je suppose que c’est là aussi une allégorie, peut-être une référence biblique, mais si tel est le cas, je ne l’ai pas identifiée. Tout ce que ça m’a évoqué, c’est Le dernier Grimoire (John Stephens), qui relate une histoire vaguement similaire…
… en infiniment mieux ! C’est pourquoi, si je devais vous conseiller une trilogie, ce serait celle des Livres des Origines. Jamais je n’ai lu une saga qui m’ait autant touchée que celle-ci (à part Narnia), et certainement pas À la croisée des mondes. Si j’avais su quelle déception ce serait, je n’aurais pas écouté ceux qui me l’ont survendue, je me serais contenté du film !
Lien :
https://leslecturesdecyrligh..