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Critique de fuji


fuji
03 décembre 2018
Sélection de janvier 2019 du Grand Prix Elle
A propos de ce livre j'entends les mots dystopie : récit de fiction d'un monde utopique ou uchronie : récit événements fictifs à partir d'un point de départ historique. Pour ma part je crois que l'auteur décrit un monde qui existe déjà, si nous rassemblons à travers les pays, les différents interdits faits aux femmes et l'interdiction de vivre différemment même dans nos démocraties, il me semble que nous en sommes là. Cela n'est pas exposé en vitrine, mais cela pointe du nez dangereusement.
D'emblée le lecteur est confronté à une écriture âpre, râpeuse et à des descriptions dures, découpées au scalpel. Femme je suis et me suis toujours battue pour vivre le plus libre possible, et j'ai eu mal au ventre de multiples fois pendant ma lecture.
De quoi s'agit-il, à travers le portrait de quatre femmes :
— Ro, 42 ans, professeur et biographe d'une exploratrice islandaise du XIXème siècle. Elle souhaite avoir un enfant et pour cela se prête à de multiples procédés pour être enceinte. Un véritable parcours du combattant.
« Il faut que ça marche cette fois-ci. Elle se tiendra assise à son bureau pendant les cours, veillant à ne pas bouger un seul muscle, soucieuse d'éviter tout mouvement intempestif du bassin ; les ovules flotteront alors en toute liberté dans les fluides des trompes, sans croiser le moindre obstacle ; et un ovule touché par le sperme accueillera un unique spermatozoïde envahisseur, prêt à fusionner et à se fragmenter. »
—Susan, mère au foyer, ne supporte plus le ronron de sa vie ou plutôt le chaos quotidien, où elle ne s'épanouie pas.
« Au cours de l'heure écoulée, les enfants : se sont roulés par terre en se tapant dessus ; ont mangé un reste de pop-corn mélangé à du yaourt au citron ; demandé à l'épouse s'ils pouvaient regarder encore la télé ; vu leur demande rejetée ;
navigué et joué avec leurs peluches : renversé le lampadaire ; perdu un cil ; demandé à l'épouse pourquoi son anus flotte dans l'espace alors qu'il devrait être dans son derrière ; frappé et palpé ;
demandé à l'épouse ce qu'il y avait pour le dîner ; appris qu'il y aurait des spaghettis ; demandé à l'épouse quelle est à son avis la meilleure sauce pour des spaghettis à la fesse. »
— Mattie, meilleure élève de Ro, 16 ans génie des mathématiques et enceinte dès sa première fois.
« Pourvu qu'il soit souillé de sang. D'un flot de glaires noires, rouges striés de noir. Elle baisse son slip. Blanc comme neige. »
— Gin, marginale, guérisseuse, surtout femme blessée, malmenée, qui a dû abandonner sa fille. Dire si elle guette, si elle s'évertue à aider les femmes afin qu'elles ne subissent pas ce qu'elle vit.
« Elle a été déçue d'apprendre le nom de la fille - un prénom si convenable. le sien n'est pas mieux. Au fil des années, les gens lui ont demandé : C'est Virginie ? Jennifer ? Non, Gin tout court. le nom d'une parente ? Non, d'un alcool. Ah ! très drôle, mais en fait, ça vient d'où ? En vérité, c'était bien le gin, l'alcool préféré de sa mère. »
La construction du livre est déstructurée comme notre monde, chacune est plus souvent désignée par sa fonction que par son prénom, le livre est brutal et j'ai souvent pensé à ses manifestants contre la GPA, l'IVG et toutes ses progrès qui sont des possibilités de maîtriser sa vie, oui des « libertés » que je mets entre guillemets car le parcours à faire et les conséquences sont lourds à porter.
En filigrane, Ro nous offre son travail de biographe sur cette exploratrice islandaise, femme libre mais qui finalement exerce sa liberté à son seul profit.
J'aurais aimé que cette partie soit plus développer dans ses comparaisons et que le concept de liberté soit mis en exergue de façon plus radicale.
Un livre qui est un signal d'alerte et qui montre que les libertés des femmes doivent être en permanence sous surveillance afin qu'elles ne disparaissent.
Un monde qui apparaît robotisé et lobotomisé pour moi ce n'est pas une fiction.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 27 novembre 2018.
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