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Critique de Coeurdechene


Il s'est fait appeler Ned, El Urens, Lord Dynamite ou T.E., a presque mis le monde contemporain à genoux, a vécu dix vies en une seule pour finir tragiquement. Il a incarné l'un des grands destins de notre monde, un être qui a traversé le siècle comme un météore et que le monde entier connaît sous le nom de Lawrence d'Arabie.

Dans la région d'Oxford de jeunes hommes tentent de retrouver une existence "normale" après avoir vécu l'enfer des tranchées.
Nous sommes en 1919, la guerre en France est finie depuis quelques mois seulement et les appelés rentrent pour retourner à la vie active, ou, comme beaucoup d'autres, sur les bancs des college pour terminer leurs études ou prendre des postes d'enseignant.
Nous suivons ainsi les destins croisés de Clive Staples "Jack" Lewis, de Robert Graves et de John Ronald Reuel Tolkien. Trois jeunes hommes dont le destin est encore incertain. Sauf peut-être pour Robert Graves qui compte déjà quelques publications de poèmes à son actif.

Tous trois vont croiser la route de Lawrence, chacun avec une approche différente et une vision personnelle. Chacun va trouver dans cette rencontre beaucoup plus que ce qu'il pensait, Lawrence y compris.

Wu Ming, c'est un auteur un peu bizarre. En fait, il s'agit plus précisément d'un collectif d'auteurs italiens qui ont pris la décision d'écrire sous ce pseudonyme. Et afin de ne pas perdre cet anonymat lorsqu'ils signent individuellement, ils gardent le nom Wu Ming en y accolant leur chiffre. Il s'agit donc ici du quatrième acolyte de cette formation un peu inédite en littérature.

L'auteur nous propose un récit de fiction basé sur une période de la vie de Lawrence d'Arabie, juste après la guerre. Au moment même où il revient en Angleterre, auréolé de gloire, jeune archéologue que les succès au combat ont rendu immortel, attirant les foules. C'est à ce moment également que le journaliste Lowell Thomas a créé le spectacle sur Lawrence d'Arabie qui l'a rendu célèbre dans le monde entier. Dans ce spectacle, comme bien souvent, la vérité le dispute déjà au mythe et le succès du show attise les rancoeurs et exacerbe le patriotisme.

Mais derrière le masque du héros se cache un homme torturé par la guerre, par les actes de barbarie qu'il a provoqué et qui ont forgé son mythe de l'autre côté de l'atlantique, en Arabie. D'ailleurs, ses compatriotes ne valent guère mieux, tâchant d'échapper quotidiennement à leur mémoire, aux cauchemars, aux souvenirs des amis tombés qui laissent à jamais une place vide. Malgré les noms célèbres que mêle l'auteur à son récit, il n'est nullement question ici de mondes imaginaires, mais bien d'arriver à échapper à des tourments dûs à cette guerre qui poursuit les hommes bien en dehors du champs de bataille, jusque chez eux, alors qu'ils sont entourés de leur famille.
Chacun apporte sa propre réponse, sa défense face à la torture. Et tous gravitent autour de Lawrence, devenu clef de voûte de ce petit monde qui habite Oxford.

Avec des chapitres courts centrés sur un personnage à chaque fois, Wu Ming 4 maîtrise son récit. Chaque chapitre porte en tête le nom du personnage concerné, ainsi que la date et occasionnellement le lieu. Aide précieuse car les flash-back sont fréquents, surtout concernant Lawrence où l'auteur mélange non seulement les surnoms, mais aussi les époques entre la guerres en Arabie et le présent en Angleterre. le début est un peu confus et le Who's who en début d'ouvrage est une aide précieuse pour situer les différents personnages (surtout lorsque les surnoms sont employés... Difficile de faire le lien entre C.S. Lewis et le "Jack" que tout le monde lui donne).

Il s'agit bien évidemment d'éléments romancés et - du moins pour Tolkien - de situations inventées par l'auteur pour le besoin du récit. L'époque est la même, mais il est peu probable que Le Professeur ait un jour croisé Lawrence. de même qu'il y a peu de matière sur l'aspect personnel de sa vie, malgré les témoignages de ses enfants et petits-enfants. Malgré tout, certains passages font preuve d'une réelle intelligence de la part de l'auteur dans la manière dont le lien est fait entre la vie et l'oeuvre des personnages. La récurrence de la référence au récit de la Chute de Gondolin et au personnage d'Eärendel [sic.] (dont le nom désigne à la fois le père d'Elrond, l'Étoile du Matin et l'Étoile du Soir, assimilable chez nous à Vénus), par exemple, implique à la fois Tolkien et des données concernant la création de l'univers de la Terre du Milieu. Et l'assimilation entre Eärendel et Lawrence se fait très facilement tout au long de l'ouvrage.
Le récit est ainsi émaillé de références et de clins d'oeil à l'histoire personnelle de chacun des personnages, à leurs oeuvres respectives et le lecteur averti n'en est que plus ravi. Non seulement l'auteur lui sert une histoire remarquable, mais en plus il lui lance des oeillades d'initié, ce qui est fort gratifiant.

Un ouvrage déconcertant de prime abord, qui paraît fouillis, mais dont le mécanisme d'écriture apparaît peu à peu et finalement attire le lecteur. Une belle découverte, malgré une couverture plutôt rebutante.
Lien : http://www.biblioblog.fr/pos..
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