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Critique de Tachan


Tachan
28 septembre 2023
Je poursuis ma découverte des romans courts d'Edith Wharton qui sont dans ma bibliothèque avec Ethan Frome qu'un numéro du Book Club de France Culture m'avait vivement donné envie de lire. Je ne savais pas alors que je tenais un peu le pendant américain des Hauts de Hurlevent dans ce roman tout aussi déprimant et rude.

La semaine dernière, je vous parlais d'Eté de l'autrice que je comparais à Gustave FLaubert et sa Madame Bovary, Edith Wharton ayant une plume caméléon, c'est plutôt à Emily Brontë qu'elle m'a fait penser dans ce récit d'amours contrariés, d'amour et désir adultère qui finit mal et qui rend les personnages terriblement amers. Elle reste comme je le disais alors un vrai pendant de Thomas Hardy pour les États-Unis avec des personnages aux destins dramatiques dans des décors on ne peut plus banals. Les amateurs du genre seront ravis, les autres comme moi prendront peut-être plus de plaisir à lire sa plume qu'à découvrir ses intrigues ^^!

J'ai à nouveau été frappé par la justesse de ses mots pour décrire cette petite ville tellement déprimante dans les montagnes du Massachusetts de la fin du XIXe où vit Ethan Frome, un homme pauvre, qui va se retrouver tiraillé entre sa raison et ses sentiments et entre deux femmes. C'est à nouveau d'une belle et vive modernité, jouant sur notre morale et celle de ses personnages, mais avec de fulgurances superbes quand il s'agit de décrire cette retenue des sentiments et leur surgissement pourtant.

Contrairement à Charity dans Eté, le personnage d'Ethan, bien que moralement discutable et avec un caractère assez faible, m'a émue ici. J'ai été touchée par cet homme qui s'est marié par la force des choses avec une parente venue l'aider avec sa mère malade et qui va se transformer elle aussi en plaie souffreteuse, ou plutôt hypocondriaque agaçante, tandis que lui sue sang et eau pour tenter de faire vivre sa petite scierie, ce qui n'est pas simple et rapporte peu. C'est un homme simple qui n'arrête pas de se faire embêter par les femmes de sa vie.

L'autrice nous offre un héros très pur malgré son sexe et son âge. Il est émouvant dans son éveil aux sentiments amoureux, même si ceux-ci peuvent déranger le lecteur actuel du fait de sa relation d'autorité morale et de la différence d'âge avec la jeune personne concernée, une parente de sa femme : Mattie. Celle-ci est l'inverse de la première. Là où elle est morose, acariâtre et méchante, Mattie est douce, volontaire et gentille. Ainsi même si la morale décrie cela, il y a une forme de beauté pure dans ce qui naît entre eux mais ne peut avoir lieu.

L‘autrice met toute sa science du drame au service de ces deux personnages dont la douceur détonne et est presque antinomique de leur rôle dans le récit. Edith Wharton contient tout du long une tension qu'on sent pressente chez Zeena, la femme d'Ethan, qui réalise bien ce qui se joue sous son nez, mais elle ne fait exploser cette tension que dans les ultimes pages d'un récit bâti sous forme de témoigne par des narrateurs doubles connaissant ou rendant visite à Ethan, offrant une vision déformée qui interroge sur ce qui a eu lieu entre ce trio. Singulier.

Ethan Frome est donc une lecture qui interroge à nouveau les liens du mariage et place son cadre dans une Nouvelle-Angleterre misérable parfaitement décrite dans sa rudesse et son vide par l'autrice à l'aide d'une plume pleine d'une grise poésie. Si vous aimez voir votre morale interrogée et dérangée, Edith Wharton est vraiment une autrice à lire, pendant féminin et américain du dramatique Thomas Hardy, qui aime torturer notre coeur avec les destinées tragiques de ses personnages.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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