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Critique de NMTB


A première vue c'est un roman très dix-neuvième siècle, il raconte les mésaventures d'une jeune femme dans un milieu privilégié, l'élite new-yorkaise, mais il a ses spécificités américaines et il est plus moderne. Les femmes divorcées, qui jouaient de l'argent ou fumaient des cigarettes, étaient encore un peu mal vues mais seulement par tradition. Les reliquats du puritanisme étaient peut-être le moindre mal dans ce monde d'artifice mais qui gardait l'avantage de l'élégance, tout comme la critique qu'en fait miss Wharton : lucide, parfois acerbe mais jamais grossière.
Cette élite new-yorkaise de la fin du dix-neuvième siècle est un monde mort et enterré depuis longtemps. Les plus anciennes couches étaient issues d'immigrés hollandais, ce sont eux qui ont créé Wall Street et pendant que les hommes spéculaient, les femmes dépensaient l'argent qu'ils gagnaient. Un monde qui était en pleine transition. Tout cela parait une autre époque, New-York ressemblait encore aux capitales européennes, mais comme dans tous les bons romans on s'y retrouve, car dans n'importe quelle classe sociale, dans n'importe quel temps, les hommes restent au fond toujours les mêmes, avec leurs petites passions personnelles. Tout le monde a fait l'expérience de la jalousie, de l'orgueil, des hypocrisies, des mesquineries, en y attachant plus ou moins d'importance, et Lily Bart, l'héroïne, y attache beaucoup d'importance, comme à son statut social.
Dans les vieux romans romantiques, où la raison s'oppose aux sentiments, généralement les sentiments prévalent à la fin et tout se termine bien. Mais, Lily Bart n'est pas une fille romantique, c'est une figure classique. Avec toute sa beauté, son intelligence, son émotivité et sa fraîcheur, elle a des défauts - peut-être des défauts d'éducation - elle est pimbêche et calculatrice, elle le sait, mais elle est dominée par sa crainte de la pauvreté. Sa personnalité est complexe, indécise, et les relations qu'elle entretient avec les autres personnages aussi ; ce mélange de contraintes et d'ambitions sociales est passionnant à découvrir.
A 29 ans, Lily est toujours célibataire, c'est-à-dire que socialement elle n'est presque rien, puisqu'il n'y avait rien d'autre à faire pour une femme riche que d'être mariée. En vérité elle occupe bien son temps dans une sorte d'emploi sans nom ni statut, aujourd'hui on dirait qu'elle se trouve entre la secrétaire, l'hôtesse et la chargée de relations publiques, c'est grâce à ces services qu'elle est accueillie dans la haute-société. Bien sûr, ce n'est pas un réel emploi avec une vraie rémunération (quelle horreur !) et le seul moyen pour Lily de maintenir son train de vie resterait de se marier. Voilà la situation dans laquelle elle doit se démener.
Dans cette sphère de la haute société new-yorkaise, elle erre de clan en clan, hermétiques les uns aux autres, où les plus enviés snobent les parvenus. D'une certaine manière, elle erre comme Dante dans les neuf cercles de l'enfer (le dernier étant la classe laborieuse). Elle va être trahie, jouée, lâchée, oubliée, servir de bouc-émissaire, sans jamais apprendre de ses propres erreurs, car il y a une fatalité dans ce roman aux effets sûrs, bien conçu, sobre et terriblement tragique. Edith Wharton était une romancière habile, cultivée, sans aucune ostentation, tout est au service de l'intrigue et elle avait aussi une âme de moraliste, elle a parsemé son roman d'aphorismes bien sentis.
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