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Critique de DianaAuzou


L'Homme invisible, ente rêve et cauchemar, deux extrêmes, deux limites, le naturel et le monstrueux, bienfaits et dangers de la science, c'est à dire de notre cerveau, son pouvoir et sa suprême vulnérabilité, la nôtre.
La "fantaisie du possible" de Wells, devient une série d'interrogations graves et de réflexions sur l'impossible jalousé par l'homme, et sur les angoisses et les bouleversements nés de cette mission impossible.
Le roman donne beaucoup à voir, tout comme il donne à voir aux habitants du petit village d'Iping. Dès le début le chercheur scientifique Griffin, qui a découvert le secret de se rendre invisible, se fait voir plus qu'il ne le veut, les autres remarquent ce qui n'est pas ordinaire, ce qui saute aux yeux. Plus il veut se cacher, plus les autres s'empressent avec des questions, plus il s'énerve, plus il devient irascible et violent ; finalement il doit fuir, son invisibilité est trop voyante et la curiosité des autres trop gênante.
Il doit cacher son invisibilité, devenir moins "visible". Mais, pour rester invisible, il faut rester nu, et souvent cela s'avère bien pénible, l'été n'est pas éternel.
Dans le roman de Wells, l'invisibilité de l'homme n'est pas possible, pas concevable, on n'y pense même pas. Griffin lui-même aura beau vouloir s'expliquer, la réalité de son être est tout simplement inacceptable. Même devant l'évidence, le policier qui prétend l'arrêter reste impassible : « Point de doute que vous ne soyez un peu difficile à distinguer en plein jour. Mais je suis porteur d'un mandat. »
Comment croire à ce qu'on ne voit pas ? Dilemme, n'est-ce pas ?
Ses vêtements, les objets qu'il fait bouger, les traces qu'il laisse derrière lui dans la neige, dans la boue, sa respiration, la fumée de sa cigarette, tout l'extérieur le dévoile, le trahit, relève son passage. Son invisibilité ne passe pas inaperçue devant le regard des autres. Son intérieur, le trahit encore plus, encore plus dramatiquement : "Je jeûnais, car manger, me remplir l'estomac d'aliments qui ne seraient pas tout de suite assimilés, c'était redevenir visible, et d'une façon grotesque ; quand il fumait,"c'était chose bien curieuse […] sa bouche, son gosier, son pharynx, ses narines devenaient visibles sous la forme d'une colonne tourbillonnante de fumée».
Griffin l'albinos sans visage sans identité, cet homme particulièrement sensible à la lumière, ne supporte pas celle du regard des autres !, joue l'apprenti sorcier et se retrouve définitivement enfermé dans son vide corporel, invisible physiquement et socialement.
Invisible à lui-même, il est incapable à s'auto-examiner, son impossibilité d'une introspection lui enlève toute réflexion sur lui-même. Aveugle ! Il n'est plus que ce que les autres voient en lui : un fantôme.
Même sa présence, ses gestes et actions sont au passé, comme s'il n'existait pas, comme pour dire "il fut", pendant que les objets qu'il touche acquièrent une subjectivité propre, bien réelle.
Voir sans être vu, échapper à la perception d'autrui, glisse dangereusement vers le désir de domination, qui devient soif, et puis folie. L'invisibilité devient l'égale de l'impunité, et des questions prennent naissance, celles de la moralité, du regard de l'autre, le regard subi et celui qu'on pose, de notre humanité isolée ?, avec les autres ?
La philosophie morale, celle de vivre en tant qu'être social, pourrait avoir un revers, celui de l'hyper-visibilité, la sécurité et la surveillance, extrêmes, elles existent, et entre elles tout un travail pour les faire vivre ensemble sans leur laisser la joie de la suprématie. Tâche ardue !
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