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Critique de Aline1102


Mea culpa, mea maxima culpa.

Je n'aurais pas, mais alors vraiment pas dû lire ce roman peu de temps après l'excellente Trilogie Cromwell d'Hilary Mantel. Car à côté du chef-d'oeuvre de Mantel, ce roman d'Alison Weir m'a paru bien mièvre et ennuyeux.

Le premier quart du roman semble n'être consacré qu'à deux choses : l'attente, par Catherine, de ses fiançailles avec Henri et ses pleurnicheries sans fin. du coup, sur un roman aussi long, ça fait beaucoup de pages où Catherine se jette sur son lit pour « tremper son oreiller de larmes ». C'est marrant (enfin, en réalité, ça ne l'est pas tant que ça) mais je voyais la fille des intransigeants Rois catholiques comme quelqu'un de plus pugnace et résilient, d'autant plus lorsque l'on connaît le destin de son mariage avec Henri VIII et la ténacité dont Catherine a fait preuve pour tenter de conserver sa place de souveraine.

Ensuite, une fois le mariage conclu, on part dans la romance sirupeuse à souhait pour quelques centaines de pages (et je n'aime pas les romances. J'ai commencé le premier tome des Bridgerton trois fois sans aller plus loin que la page 20 dans les trois cas). Parce que, bien sûr, comme tout le monde le sait, Henri VIII était un mari si charmant… Je veux bien admettre que le souverain avait des qualités, notamment le don de savoir bien s'entourer d'hommes d'exception qui dirigeaient le royaume à sa place, jusqu'au moment où ils devenaient aussi encombrants que les épouses du monarque… et finissaient comme elles. Mais Weir force le trait en dépeignant Henri comme l'homme idéal que toute femme souhaiterait épouser. Notre vision a posteriori par rapport à celle de Catherine et des femmes de l'époque biaise sans doute notre jugement, bien entendu. Mais même sans cela, pourquoi vanter sans cesse les qualités d'Henri dans une série de romans consacrée aux femmes qu'il a fait périr soit La rigueur historique oblige-t-elle à se montrer honnête jusque dans une fiction historique ? Ne peut-on pas prendre quelques licences avec un monarque dont on sait qu'il fut un abominable prédateur quand on écrit une fiction et pas un ouvrage de référence sur le règne d'Henri VIII Tudor ? Quand on lit une fiction sur Catherine d'Aragon et son destin tragique, on ne s'attend pas vraiment à lire un panégyrique d'Henri VIII et c'est un peu l'impression que j'ai eue durant les trois quarts du roman.

Ces considérations philosophiques mises à part, je me suis beaucoup ennuyée en lisant ce roman dont j'attendais peut-être trop. Je ne suis pas parvenue à m'attacher au personnage de Catherine, que j'avais pourtant hâte de découvrir en tant qu'héroïne de sa propre histoire, car elle reste une épouvantable pleurnicheuse tout au long du récit. Par curiosité et juste pour pouvoir râler un peu plus sur cette lecture, j'ai compté le nombre de fois où les termes « sanglots » (ou « sangloter » et ses variations conjuguées), « larmes », « pleurs » (ou « pleurer » et ses variations conjuguées également). Résultats respectifs : 51 « sanglots » et variations, 81 « larmes » et 101 « pleurs » et variations. Et même quand Catherine passe son temps à pleurnicher, le côté hyper romantique continue avec des passages tels que celui-ci : « Elle sentit des larmes couler sur ses joues. Henri la dévisagea avec un regard chagriné et elle crut qu'il allait la prendre dans se bras, mais il la lâcha et s'écarta d'elle. Elle demeura agenouillée un instant, incapable de bouger, puis, comprenant qu'elle ne parviendrait pas à l'émouvoir, elle trouva la force de se relever et retourna s'asseoir, résignée. » Et voilà Catherine qui, en plus de pleurer, se lance dans le chantage affectif...

Je sors donc déçue de ce roman consacrée à la première épouse Tudor. Elle aurait pu être une vraie héroïne d'un roman lui étant consacré, elle que l'histoire oublie souvent au profit d'Anne Boleyn, probablement plus charismatique, mais ce n'est pas le cas. Et la note finale de l'auteure, dans laquelle elle explique que nos points de vue féministes modernes ne peuvent s'appliquer à quelqu'un comme Catherine n'y change rien. Nous savons tous qu'à l'époque des Tudors, les femmes n'avaient pas d'autre choix que de se soumettre à leurs époux, qu'elles soient reines, tenancières d'auberges ou bergères. le sort des reines était même peut-être pire, car à une époque où les femmes n'avaient aucun droit de succession au trône, les femmes des rois n'étaient que des utérus sur pied, chargées de mettre au monde un maximum de mâles avant de se retirer dans leurs appartements, au milieu de leurs dames d'honneur, une fois leur tâche accomplie. Triste vie que celle d'une femme épousée simplement pour sa fertilité supposée.

Ce n'est donc pas, la façon dont elle s'est accrochée à son titre de reine ou sa fidélité à la foi catholique qui me gênent chez cette version romancée de cette reine venue d'Espagne, c'est ce côté femme fragile et « nunuche » que l'on retrouve tout au long du roman. Par comparaison, Marie (la fille d'Henri et de Catherine, qui deviendra Marie Ie Tudor, Bloody Mary) paraît bien plus courageuse : plus jeune que sa mère et en contact fréquent avec son père et sa belle-mère (Anne Boleyn, qui la détestait), Marie était bien plus exposée aux accès d'humeur et aux revanches mesquines de son père, et à la jalousie d'Anne Boleyn. Pourtant, cette très jeune femme n'hésitait pas à camper sur ses positions et à s'opposer frontalement à son père en ce qui concernait l'Acte de Suprématie, proclamant Henri chef de l'Eglise d'Angleterre, et le Premier Acte de Succession, faisant d'Elisabeth la seule héritière légitime d'Henri et déclarant Marie illégitime. Alison Weir me semble traiter bien plus justement la mère que la fille, vantant plusieurs fois ses vertus et son courage face à l'adversité, l'injustice et la terreur que les menaces de son père provoquaient chez elle.

Seuls quelques éléments sont parvenus à m'intéresser. Ce fut le cas de la correspondance entre Catherine et l'ambassadeur Chapuys, que j'ai aimé retrouver après la lecture des romans d'Hilary Mantel. Les personnages secondaires sont relativement bien « croqués », ce qui rachète un peu le fait que les souverains eux-mêmes ne le soient pas.

Espérons que le second tome, consacré à Anne Boleyn, soit plus intéressant.
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