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Critique de loicgiammattei


Deux contes qui n'ont pas grand-chose de commun au premier abord.

Dans l'un, justement qualifié d'"oriental", il est question de destinée, d'amour, d'épreuves surtout, un grand nombre d'épreuves, tellement qu'on se demande comment tout cela fait pour tenir en moins de cent pages. C'est tout le génie du conte, et Voltaire s'en sort à merveille... même s'il prend plaisir à dénigrer cet art selon lui médiocre, qu'il écrit pour la sphère privée.

Dans l'autre, Micromégas, venu de Sirius, loin dans le ciel, visite des planètes, et, entre autres, la Terre. Il y rencontre des formes de vies avec lesquels il discourt, en essayant, malgré son penchant naturel, de ne pas les prendre trop de haut. Une tâche d'autant plus difficile qu'il est gigantesque !

On peut déjà constater que ces deux thèmes sont propices à l'activité préférée de notre bon Voltaire : la propagation de la philosophie, l'amour de la sagesse, du débat, des contradictions et des conflits de morale. Dans ces deux contes, l'humain est mis en face de sa débauche, de ses complexes, de l'horreur de sa condition. Pourtant, Zadig est un homme exemplaire, il n'a pas grand-chose à se reprocher. Les scientifiques de Micromégas savent se montrer humbles, par à-coups. Il existe donc des contre-exemples. Voltaire n'est pas toujours cynique ; rien n'est mieux pour révéler le vice que la vertu, la naïveté, l'innocence. Ses héros doivent donc être naïfs.

En plus de son côté plaisant, "Zadig ou la destinée" soulève des notions intéressantes. J'aurais d'ailleurs dû dire : "en plus des notions qu'il soulève, ce conte est plaisant", car c'est véritablement son aspect philosophique qui en constitue l'essence. de nombreux sujets sont abordés. L'exemple qui me vient en premier est la rencontre entre le héros et un ange (camouflé en ermite), qui lui montre que, pour faire le bien dans le futur, il a dû précipiter un jeune homme dans une rivière et brûler la maison d'un homme juste et hospitalier, ce qui indigne d'abord notre héros, avant qu'il ne se range à l'avis du vieillard déguisé. L'auteur soulève la question de la morale. Qu'est-ce qui est justifiable ? Pourquoi ? de plus, il approfondit du même coup la notion de fatalité (normal, on lit "Zadig et **la destinée**, vous l'avez compris), de prédestination, de mal pour un bien.

Micromégas est plus court, et il a de quoi nous surprendre, nous, lecteurs du XXIème siècle pétris de préjugés sur les classiques, car c'est un conte de science-fiction ! Plus précisément, un conte stellaire. Notre passion pour les étendues de l'espace ne date pas d'hier ! Donc, pour en revenir au thème de ce conte, c'est l'histoire d'une entité supérieure en tous points à l'Homme, venant de Sirius. Il s'appelle Micromégas, d'où le titre de cette courte histoire (un nom qui est déjà tout un programme !). Décidant de partir en voyage, après avoir été quelque peu mis au ban de la société de sa planète, il se pose sur Saturne et y rencontre un individu avec qui il se lie d'amitié. Les deux sont amateurs de connaissances. Ils confrontent leurs points de vue, puis décident de partir ensemble explorer le système solaire. C'est sur Terre qu'ils vont faire la rencontre d'une espèce infiniment petite, mais pleine d'ingéniosité : l'homme. Seulement, comme ils sont minuscules, nos compères pensent d'abord que la planète appartient aux baleines... n'en déplaise à l'orgueil humain ! S'en suit toute une réflexion sur la place et les buts de l'Homme...

Peut-être que, finalement, l'on peut trouver des points communs entre ces deux contes : déjà, mais c'est facile, le but philosophique. Ils font réfléchir, tous deux. Mais sur quoi au juste ? C'est là que nous touchons au noeud du problème. Ces deux contes, voyez-vous, nous parlent de... nous-mêmes. de l'Homme. de sa façon d'être, de sa façon de se concevoir... facilement ébranlée par une intervention extérieure ! Oui, l'Homme se croit supérieur. Pourtant, lorsque des êtres plus grands, plus intelligents, débarquent sur terre et ne remarquent tout d'abord pas leur présence, ils sont bien obligés de s'incliner : l'Homme est une bête comme les autres, aux ambitions dérisoires. Elle a pourtant la folie de croire ces ambitions justifiées. On la détrompe.

Dans **Zadig**, ce ne sont pas des Siriens et autres Saturniens qui sont à l'origine de cette prise de conscience de la petitesse de l'Homme par l'Homme, c'est Dieu lui-même, à travers ses anges. le bon, le juste, le vertueux Zadig comprend vers la fin que sa destinée, si chaotique, se trouve pleinement expliquée par le dessein de Dieu de lui faire expérimenter la vie. D'ailleurs, l'ange prend soin de lui rappeler - vérité essentielle s'il en est - que tout a une raison d'être, même le pire. Pour Voltaire, c'est parce que tout a été conçu par une puissance supérieure. Mais nul besoin de croire en une divinité pour donner tout son sens à cet adage ! le monde ne serait pas complet sans une parcelle de sa substance, si barbare nous paraît-elle. D'ailleurs, existe-t-il du bien, du mal, de l'utile et de l'inutile qui soit objectif ? Existe-t-il une vérité, une objectivité ?
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