AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lutopie


Voltaire ne reste jamais sans se taire et recourt au discours oblique, ce qui n'est pas sans me déplaire. Il se tient à distance, il reste prudent, et tente de se dégager de toute responsabilité, alors même qu'il critique sans vergogne tout ce qui ne lui plaît pas. Voltaire se fait satirique. Il se moque ouvertement de certaines pratiques religieuses, comme celles des quakers, ou celles des convulsionnaires. Voltaire a hérité du libertinage philosophique son audace. Il ose dénoncer ce qu'il trouve absurde, mais sa maîtrise du langage lui permet de dire sans dire. L'utilisation de l'ironie est astucieuse, puisqu'elle lui permet de se dissimuler derrière un masque qui prête souvent à sourire. Elle est avant tout dangereuse chez Voltaire qui l'utilise pour détruire les bases des systèmes auxquels il s'attaque. Le problème de l'ironiste est cependant son ambiguïté. En effet, il se décharge de la responsabilité du langage puisqu'en utilisant l'équivoque, il peut toujours rejeter la faute sur l'interprétation. L'auteur est entre l'exprimé et le non exprimé, entre l'être et le paraître et la vérité est mise en question. La comparaison des différentes théories permet de mettre en question les vérités préétablies. Il s'agit de faire table rase selon la philosophie de Locke, et de se baser sur l'expérience. Dans la lettre sur le système de l'attraction, il relève les preuves apportées par Newton, à l'encontre des chimères. Il fait parler Newton, comme s'il se défendait lui -même face à des critiques. « Newton aurait pu répondre à ces critiques (...) ». Voltaire use de la diversité des voix pour rendre son argumentation plus convaincante, il donne de la légitimité à ses dires en citant ou en mettant en scène des scientifiques renommés, que la raison ne peut que difficilement contester. De nouvelles vérités s'offrent alors aux lecteurs, dans cet ouvrage de vulgarisation scientifique. Cela implique une confrontation entre des valeurs, une confrontation qui peut être violente, électrique, sous la plume de Voltaire. « C'est à celui qui domine sur les esprits par la force de la vérité, non à ceux qui font des esclaves par la violence, c'est à celui qui connaît l'univers, non à ceux qui la défigurent, que nous devons nos respects ». Il s'attaque au dogmatisme. Il dénonce les abus de pouvoir, mais il recourt lui aussi à la force, au service de la vérité, au détriment de la liberté (de penser). Voltaire est un saboteur de génie. Voltaire, lorsqu'il s'attaque à Pascal, dans la dernière lettre, n'est pas sincère lorsqu'il avance qu'il a « choisi avec discrétion quelques pensées de Pascal ». Il sort en fait les lettres de leur contexte, pour les détourner, les utiliser à ses fins. Il tente de détruire l'argumentation de Pascal en interprétant ses Pensées. Mais Voltaire rend l'entreprise légitime, se réclamant du parti de l'humanité contre le « misanthrope sublime ». Il se présente comme un sauveur, alors même qu'il attaque. L'ironie est une poétique de l'écart. Cela explique pourquoi elle est si efficace pour convaincre, et pourquoi elle crée de l'ambiguïté, étant donné qu'elle permet de prendre en compte malgré ce qu'elle affirme explicitement, l'implicite.
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}