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Critique de syannelle


Voilà un certain temps que je découvre Delphine de Vigan. Après No et moi, Rien ne s'oppose à la nuit, je me suis lancée dans les Heures souterraines, et je pourrais encore dire "quel bonheur", même si le sujet ne s'y prête pas vraiment, tant il est sombre...dérangeant...et proche...

On suit pas à pas deux êtres qui ne se croisent pas, ne se connaissent pas, et ne se rencontrent jamais. Ils sont pourtant semblables. Ils partagent la même douleur sourde, la fatigue quotidienne de ceux qui doivent porter le poids de la ville sur leurs épaules, son bruit, son stress et son indifférence.
Je me suis tellement reconnue, comme sans doute des millions d'autres lecteurs, dans la description urbaine de notre quotidien parfois morne et harassant, dans la description de ces longs couloirs de RER D, interminables. J'ai adoré la manière dont l'auteure dépeint le flot incroyablement stressant que l'on doit traverser pour arriver sur son quai afin "d'attraper" un train bondé et saturé.

Le monde décrit par De Vigan est inhumain, les hommes et femmes ne sont plus connectés, mais tous tendus vers une destination, leur travail. On se croirait presque dans une dystopie, dans une projection de l'esprit vers un monde du futur inventé de toute part, tant il est cruel. Pourtant, ce monde est réel, et c'est celui de la vie urbaine que beaucoup d'entre nous connaissent et partagent paradoxalement sans se plaindre, ce monde dénué de sentiments, où chacun tente d'éviter à tout prix le regard de l'autre de peur qu'il y lise le malaise, ou qu'il s'y reconnaisse.

Je ne peux pas m'arrêter d'encenser ce court roman tant il est vrai, tant il résonne d'impressions que j'ai déjà ressenties, tant il exprime la vraie vie de la ville. Il est vrai que l'ensemble est sombre, décourageant, inquiétant et déprimant, que je ne suis pas aussi fatiguée (heureusement) que les personnages du texte, mais il est déroutant de percevoir dans leur douleur des échos de sa propre douleur, qui peut survenir de temps à autres.

J'aime bien aussi que les personnages, qui vivent des histoires déconnectées et très différentes - Mathilde est harcelée, mise au placard par un patron qui veut sa peau, Thibaut sort d'une histoire d'amour compliquée- se croisent sans se reconnaître, tandis que nous, lecteurs omniscients, connaissont tout de leur vie ou presque.

Je suis encore une fois bluffée par l'écriture de cette auteure si touchante et douée.
Dans son livre, le métro devient vivant. Les machines deviennent vivantes, et les êtres humains, inhumains. C'est cela qui est intéressant et déstabilisant dans ce texte. Il y a quelque chose de monstrueux dans cette foule prête à éliminer les plus faibles, comme dans le monde de l'entreprise d'ailleurs, ainsi que nous le montre cet autre passage où l'auteure évoque le monde de l'entreprise, de la "boite" où sont enfermées trois cents personnes.

En fait, tout dans le monde de de Vigan est question de vie ou de mort, on est toujours sur le fil du rasoir, en équilibre précaire.



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