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Critique de Agneslitdansonlit


Nous voici plongés dans un roman dont le récit se situe dans le Londres du 18e siècle, avec une incursion dans le monde des maîtres de la soie, à la façon du roman de Tracy Chevalier, "La jeune fille à la perle".
Un récit donc qui prend place dans le domaine artisanal, voire artistique, celui des maîtres soyeux, mais pas seulement: cette histoire est ancrée dans un contexte social où les revendications du monde ouvrier et l'émancipation féminine ont toute leur place.
C'est d'ailleurs un peu le reproche que je ferai à cet ouvrage, car, s'il se lit avec plaisir, il ne me laissera pas non plus une trace indélébile du fait que, à mon sens, les sujets sont trop nombreux pour être réellement abordés, ils sont effleurés. Je ressors donc de cette lecture avec une impression agréable d'un roman bien mené, sans longueur, très équilibré, mais au final, si ce roman était une balade, elle serait sympathique, les paysages magnifiques, la météo superbe, les voyageurs intéressants... Mais au final, cela ne restera qu'une balade charmante, sans que nous ayons pu nous arrêter nulle part et réellement" fouiller un peu plus ce paysage".

Une des deux héroïnes, Sarah Kemp, débarque de sa campagne natale, pour chercher du travail dans la foisonnante Londres. Mais sitôt le sol de la capital foulé, elle se "fait mettre le grappin dessus" par une mère maquerelle qui entend bien rentabiliser da nouvelle recrue... On touche donc au monde sombre si brillamment décrit par de nombreux auteurs britanniques tels Anne Perry, Michael Cox, Charles Dickens, Jack London... Mais ici, tout semble un peu "soupoudré": si la psychologie de Sarah est bien développé, le passage de son statut d'oie blanche à celui de femme de petite vertu, il n'en reste pas moins que le focus est mis sur le personnage mais le contexte est inconsistant. Là où chez Anne Perry, le lecteur a l'impression de battre le pavé de Londres, rentrer chez l'habitant qui vit de petits riens, là où les rues puent la misère et le désespoir des laissés pour compte, le roman de Sonia Velton donne plus la sensation d'un décor de carton pâte. C'est en cela que le contexte me semble peu fouillé.
A nouveau, lorsque Sarah sera recueillie par Esther Thorel, épouse d'un maître soyeux huguenot, qui la sortira de sa condition, on se retrouve"planté" dans un nouveau décor, mais encore une fois, que ce soit le contexte religieux, la condition de la femme ou la condition du petit personnel de maison, la balade continue sans que l'on s'arrête posément. le cadre est là, certes, mais il ne suffit pas de décrire un métier à tisser et utiliser les quelques mots techniques afférents à la pratique du tissage pour vivre une réelle immersion dans le monde des maîtres soyeux.
On continue de survoler... L'accent est en fait mis sur la relation entre les différents protagonistes : Sarah et sa maîtresse, ladite maîtresse Esther et son époux, l'époux et une des servantes, Sarah et cette servante...
Le poids de la religion de fait sentir, il écrase l'époux qui a fait une mésalliance, époux qui à son tour écrase son épouse, qui elle même écrase sa femme de chambre avec la suffisance de son rang. Il y avait là matière à creuser, sur les status sociaux, sur la religion qui finalement fait endosser à chacun un rôle, riche ou pauvre, personne ne semble heureux, tout réside dans l'apparence. Mais on continue la balade.
Esther Thorel se pique d'émancipation et souhaite elle aussi pratiquer le dessin des motifs et le tissage de la soie, elle recourt donc secrètement à l'aide d'un compagnon, ce qui est socialement tout à fait inconvenant. Parallèlement Sarah, sa servante, s'émancipe elle aussi et tente bien que mal de vivre sa vie car son statut de servante corvéable à merci ne lui paraît pas plus enviable que celle de prostituée !
On se promène donc tout au long du récit en alternant successivement le point de vue soit de Sarah, soit d'Esther. Si ce procédé est très intéressant car il ne laisse aucune part d'ombre dans le récit, les deux côtés de la médaille étant éclairés, il m'a parfois perdue, car il faut à chaque fois se remettre dans la peau de la narratrice, soit Esther, soit Sarah, ce qui casse le rythme linéaire d'un roman.
La fin du roman est plus axée sur le contexte social ouvrier et le mouvement de révolte de "ces petites mains exploitées". Là encore, ces mouvements sociaux sont si riches qu'il est regrettable de ne les utiliser qu'en décor d'une histoire, mais le récit garde son rythme, je dois bien lui concéder : Sonia Velton est très régulière dans son récit et ne faillit à aucun moment, ce qui confère à son ouvrage le caractère agréable d'une déambulation dans ce Londres du 18ème siècle.

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