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Critique de karineln


« A quoi cela nous a-t-il menés, tous ces sentiments camouflés ? »
Qu'elles sont belles ces voix qui se parlent en écho et combien elles sonnent juste la cruauté et la tendresse des mots empêchés, balbutiés, retenus pour dire l'important : histoires de vies qui se transmettent, s'entrecoupent, se choisissent et se répondent avec en caisse de résonnance magistrale : le silence.
De l'enfantement aux coeurs blessés, de l'horreur à l'exil, de la terre au déracinement, du métissage à l'identité, ce premier roman brasse tous ces thèmes avec la logique hasardeuse des « choix » aléatoires, des intentions toujours bonnes et des décisions qui s'imposent donc qui tranchent : les contours des destins.
« J'ignore encore ce qui t'a emporté, mon fils, mais je sais désormais le sentier qui t'y a mené, comment notre histoire t'a lentement, sûrement, oblitéré. »
Comment devient-on grand avec des absents, des non-dits, des mystères ? Comment fait-on sa place avec sa différence ? Que transmet-on sciemment au risque de transfuser doublement ce que l'on voulait taire ? Dans quoi se débat-on quand la nécessité des origines à connaître devient obsédante ou au contraire refoulée ?
« Elever sa progéniture fait considérer avec plus de compréhension l'oeuvre inégale de ses propres parents. »
Les mots comme des oiseaux, des fleurs et des arbres, dans la langueur enveloppante d'une fin de journée sur une terre d'Afrique, à l'ombre d'un Jacaranda. Les mots comme des baumes, ou des cris, des mots pour rafistoler, réparer, envelopper ou espacer le silence armé et nucléaire, l'intime et le complice. Ce roman parle de tous ces mots : les jamais dits, ceux qui étouffent de chagrin, ceux qui ancrent et qui consolent même quand ils paraissent anodins et ne révèlent rien d'essentiel, les inoffensifs, les couperets, les soufflés et les manqués, tous pour rappeler le lien, l'amoureux et le filial, le maladroit, l'empêché et le sincère, les liens qui font et se défont, tous ces liens qui nous maillent, nous tissent et nous toilent une vie.
« Stokely comprit que sa mère portait en elle des mots fantômes, des mots d'enfance endormis dans un jardin en friche qu'une pluie lointaine pourrait un jour ressusciter. Oiseaux de vie. »
Sur fond de pays en guerre, drame rwandais, l'effrayant à fuir pour survivre, le passé à reconnaître dans toute sa vérité, Beate Umubyeyi Mairesse nous conte un très beau voyage dans l'universalité de ce qui nous anime pour tenter d'être bien, de se relever et s'élever et de pouvoir aimer sereinement ceux qui nous précèdent, nous succèdent et nous accompagnent. Ce premier roman est signature d'une très belle plume.
« Stokely naquit, Bosco mourut. Immaculata devint muette. Blanche flancha une première fois. Que valait cette langue incapable de percer le bouchon dans la gorge qui étouffait sa mère de chagrin ? »
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