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Critique de JIEMDE


Au coeur du Palais, dans la chaleur étouffante des nuits désertiques, Juan se meurt.

À son chevet, « Nene » le narrateur, profite de ces derniers moments pour se souvenir des temps heureux passés ensemble lors d'un séjour en hôpital psychiatrique alors qu'il sortait tout juste de l'adolescence. Amants durant 18 jours seulement, mais amis aux liens profonds…

Aujourd'hui fauché et vivant de rencontres, de prostitution occasionnelle et de débrouille dans le milieu queer, Nene apporte à Juan souvenirs et rêveries. La nuit recueille leurs échanges, comme si chacun devait être le dernier.

« Et là j'ai senti, ou perçu, dans le pourpre du ciel sourd, que nous étions dans l'opposition la plus intense de la nuit, ce moment où il est difficile de croire que le jour surgira de nouveau. »

En guise de testament, Juan remet à Nene une caisse contenant des textes et photos formant les deux tomes de Sex Variants: A Study of Homosexual Patterns, de Jan Gay. Elle y décrypte toute la diversité des comportements homosexuels à partir de centaines de témoignages recueillis au sein de la communauté queer à travers le monde.

Une oeuvre biaisée par un tutorat médical rendu obligatoire pour l'éditer en ce milieu du siècle dernier donnant une approche faisant la part belle aux « déviances » : sexualités « anormales », maladie mentale, origines physiologiques de l'homosexualité, tendances eugénistes… Une oeuvre à réhabiliter et à poursuivre. Une tâche que confie Juan à Nene.

Avec Blackouts, Justin Torres – traduit par Laetitia Devaux – nous propose un livre puissant, où l'histoire, le rêve, l'émotion, la poésie, la littérature et surtout l'amour, se mélangent dans une construction à la fois hybride mais harmonieuse.

Revendiquant l'usage du réel et de l'imaginaire, Torres « se compare lui-même à un orfèvre ; le métal pur et dur des faits devenant malléable grâce à l'alliage de son imagination. » En racontant Juan et Nene, la vie d'avant, le poids de la différence, l'image du père, Torres se raconte sans doute un peu lui-même.

Mais mieux que cela, par les textes de Jan, les illustrations de Zhenya et la voix de Juan, il rend hommage et redonne leur dignité à des générations d'hommes et de femmes à qui on offrit calmants et asile alors qu'ils n'avaient besoin que d'amour.

Blackouts est de ces livres qui déchaîne les sentiments du lecteur, de la tristesse à la colère, de l'émotion intense à la souffrance pour celui qui part, pour ceux qui se préparent à se quitter ou pour ceux qui ont injustement soufferts.

Vous l'aurez compris : magnétique et fascinant, Blackouts est à ne pas manquer.
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