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Critique de JBLM


C'est un livre que j'avais lu plus jeune, dans l'engouement de la sortie de la trilogie du Seigneur des Anneaux au cinéma, mais je ne me souvenais plus de grand-chose, et on ne peut pas dire que l'énorme bouse dégoulinante d'effets spéciaux qui a prétendu prolonger le succès de cette trilogie m'ait aidé à retrouver l'histoire et, surtout, son ambiance. C'est donc avec un regard presque neuf que je m'y suis replongé.

Avec le recul, on a un peu le sentiment d'une évolution du niveau de l'écriture entre le début et la fin. Au début, l'histoire commence très vite, les descriptions sont extrêmement succinctes, avec beaucoup d'humour puéril, bref, c'est très clairement un livre pour les enfants. Cet humour et cette naïveté tendent à s'estomper pour un ton plus épique et plus angoissant qui, loin de détourner l'oeuvre du jeune lectorat, parvient au contraire à capter l'attention des plus âgés, laissés un peu sur leur faim par la facilité initiale du récit. Si l'on fait abstraction du reste de l'univers de Tolkien, le lecteur n'est pas considéré comme étranger au monde où se déroule l'histoire, comme si l'auteur s'adressait, non pas à un habitant de la planète Terre, mais à un habitant contemporain de la Terre du Milieu. Ce choix narratif permet d'établir des liens d'ordre fantastique avec le présent et le réel, comme si le hobbit ou le gobelin étaient des races que le lecteur pouvait rencontrer tous les jours. On est donc pleinement plongé dans cet univers dont on accepte d'autant mieux la magie que l'on en fait soi-même partie, ce qui explique en bonne partie l'enthousiasme des plus jeunes pour l'oeuvre, heureux d'échanger la routine du quotidien pour participer, et non pas seulement assister, à quelque chose de plus exaltant.

La lutte intérieure entre l'attrait du confort et celui de l'aventure est l'un des grands thèmes de l'histoire, qui est d'ailleurs traité en dehors de tout manichéisme. La tranquillité n'est pas une aspiration moins légitime que l'espoir du profit ou l'ivresse de l'action, elle se rappelle en permanence à Bilbo tout au long du récit, ce qui ne l'empêche pas de se transcender pour secourir ses amis. Entre le moment où il cambriole maladroitement les trolls et celui où il apostrophe le dragon, le petit hobbit a bien grandi. Ce qui est plutôt heureux lorsque l'on fait le point sur l'apport de la compagnie des nains à l'entreprise, qui passe son temps à se faire capturer et délivrer, sans jamais sembler en mesure d'opposer la moindre résistance et jamais à court d'une remarque ingrate. A mi-parcours, on se demande quand même quelle folie suicidaire a bien pu pousser une telle équipe de bras cassés à aller disputer un trésor à un gros lance-flammes blindé, quand ils auraient dû y rester cinq ou six fois rien qu'en faisant le voyage jusqu'à lui. Ils font des plans sur la comète sans en avoir le moindre pour terrasser Smaug, qui a juste cramé tous leurs cousins en trente secondes quand il était ado. Bref, heureusement qu'il y a des magiciens énervés, des ours-garous, des aigles XXL, des Robin des Bois, des anneaux magiques et des petits hommes discrets qui découvrent leur propre courage pour rattraper tout ça. le message est évidemment très positif pour les enfants puisqu'il souligne qu'il est normal d'avoir envie de paresser au lit, mais que c'est l'effort au service des autres qui suscite le respect et, accessoirement, la richesse.

Je ne reviens pas sur les épisodes mythiques de l'histoire (le duel d'énigmes avec Gollum, l'évasion du Palais des elfes, la mort de Smaug, la bataille des Cinq Armées) qui sont autant de signatures mémorables du livre, ni sur les éléments d'ambiance qui sont une constante dans l'oeuvre de Tolkien. Je retiens particulièrement la nature qui est traitée comme un personnage à part entière, incarnée par des figures déterminées, comme Beorn ou la grive, ou indéterminées, comme dans l'atmosphère étouffante et hostile de Mirkwood. On enfonce bien quelques portes ouvertes, comme la cupidité qui monte les peuples voisins les uns contre les autres, mais globalement, on n'a pas du tout envie de lâcher le livre une fois qu'on est lancé.

Une oeuvre pour les petits pour les pousser à devenir grands ; une oeuvre pour les grands pour leur rappeler de rester petits.
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