AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de HundredDreams


Vous est-il arrivé de perdre l'envie de lire ? de n'être tenté par aucun livre à votre disposition ?
Sûrement, mais c'est tout de même une drôle de sensation, surtout si, comme moi, vous ne pouvez laisser passer une journée sans lire.
Pour choisir la lecture idéale en ces temps de fatigue et de morosité, je me suis fixée un objectif : retrouver le plaisir de prendre un livre, de l'ouvrir, de me plonger dedans. Pour cela, j'avais besoin d'une lecture pas trop longue, dépaysante et distrayante, agréable et sans complexité. J'avais aussi envie d'une intrigue addictive, pleine de rebondissements.

En regardant ma pal, mon regard s'est posé sur ce roman repéré suite au billet de Nicola (@NicolaK) et relu il y a peu. Je ne regrette pas mon choix, « Chaos » a été tout cela à la fois. Dès les premières lignes, le talent de narrateur de Luca Tahtieazym m'a emportée dans ce monde implacable qui s'est figé peu à peu dans le froid et la neige. L'ambiance est étrange, glauque, violente, changeante : apaisante et silencieuse, elle est l'instant d'après d'une extrême violence, plongeant les lecteurs dans un véritable chaos.

*
Pour une raison inconnue, sans doute le dérèglement climatique, le ciel s'est assombri de nuages épais et sinistres, il y a de cela un an déjà. Les températures ont chuté brusquement, puis les flocons de neige se sont mis à tomber sans discontinuer, de manière drue, même sur des régions du monde où il n'avait jamais neigé auparavant.

Une femme, seule, marche dans la neige, animée par la volonté farouche de rattraper le groupe de rescapés dont elle faisait partie. Elle tiendra debout jusqu'au bout, pour se venger d'un de ses membres, l'Autre. Nous n'en savons guère plus au départ. Même son prénom nous est inconnu, elle se fait appeler de manière assez cynique, Blanche-Neige.

« La vie est devenue une torture. »

*
J'ai aimé cette première partie dans laquelle il y a peu de personnages.
Luca Tahtieazym se concentre sur cette femme. Sans nom, sans vraiment de passé très clairement défini, elle a conservé pour moi une aura de mystère. Mais, malgré cela, ses émotions et ses sentiments nous la rendent proche.

« À présent, ne subsistait plus que deux catégories d'êtres : les prédateurs et les proies. On n'était pas un prédateur à vie. Une proie en revanche, si, parfois ; souvent. J'étais une proie qui refusait gauchement sa condition. »

A travers ses pensées, on fait connaissance avec ce monde anormal et monochrome, ce Blanc cauchemardesque qui aspire la vie, qui laisse les loups pulluler et s'attaquer aux hommes qu'ils ne craignent plus.
Les paysages immaculés s'étendent à l'infini et pourtant leur aspect livide diffuse insidieusement un sentiment d'oppression, de captivité, de claustrophobie. Dans cette ambiance chaotique, hostile et blafarde, les hommes vivent, survivent, endurent, souffrent, meurent, pleurent.

*
Si je vous parle d'une première partie, c'est que l'auteur m'a prise au dépourvue par une sorte de « fin » abrupte en plein milieu du roman.
On comprend très vite que cette deuxième partie nous entraîne maintenant à l'intérieur du groupe que la femme poursuit. Mais à quel moment de l'intrigue sommes-nous ? La femme est-elle présente au milieu de ces individus, l'auteur nous ayant propulsé dans le passé afin que nous comprenions l'origine de cette haine ? Est-on dans le présent et va-t-on assister à la confrontation entre la femme et l'Autre sous un autre regard ? Est-on dans le futur et alors il nous manque un morceau du puzzle pour tout reconstituer ?

J'ai aimé être bousculée par la narration, ne pas pouvoir anticiper les revirements de l'intrigue. Les personnages sont beaucoup plus nombreux dans la deuxième partie mais l'auteur les décrit suffisamment bien pour nous les rendre attachants ou odieux. L'écriture est simple, très fluide, efficace.

*
L'auteur a retenu mon attention par une bonne caractérisation des personnages : les évènements, l'absence de droit et de règles, le désordre social vont révéler leur vraie nature.

« Nous étions la lie de l'ancienne humanité, des croisements félons entre rats et hyènes. »

Dans cette atmosphère glaciale, brutale et écrasante, c'est la loi du plus fort qui prédomine, l'homme devient un loup pour l'homme. Pour survivre à la neige et au froid, à la faim et aux maladies, aux loups et aux hommes, certains sont capables des pires horreurs.

« La paranoïa permettait de survivre, pas la crédulité. »

J'ai évoqué la place des personnages et de la nature à l'état brut parce qu'elle est l'enjeu de réflexions et de nombreux thèmes sur la survie et le dépassement de soi, sur la nature humaine et le rapport à l'autre, sur la morale et l'humanité. Il est question de solitude et de deuil, de résistance et de courage, de confiance et d'entraide, d'individualisme et de barbarie, de solidarité et de compassion, de combativité et de lâcheté, de folie ou de résilience.

« La compassion rend moins apte à survivre. »

*
Entre le roman post-apocalyptique, le récit d'anticipation et la dystopie, « Chaos » joue avec les codes avec une parfaite maîtrise de l'intrigue et des décors, ainsi qu'une réelle profondeur dans les personnages.
Un thriller psychologique prenant, sans temps mort, qui laisse le lecteur indécis jusqu'à la toute dernière page. A découvrir.
Commenter  J’apprécie          5025



Ont apprécié cette critique (50)voir plus




{* *}