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Critique de leschroniquesdeminuit


« Ma randonnée sur le Pacific Crest Trail n‘avait pas commencé lorsque cette idée m'avait traversé l'esprit, mais bien avant que je puisse l'imaginer. Très exactement quatre ans, sept mois et trois jours avant, dans une petite chambre de la clinique Mayo à Rochester, dans le Minnesota; le jour où j'avais appris que ma mère allait mourir. » p. 20

Je suis une passionnée de randonnée et de grands espaces. Outre la littérature noire, mes livres de prédilection sont ceux qui parlent de voyages, de périples quels qu'ils soient et qui correspondent souvent à des périodes charnières de la vie. L'an dernier j'ai lu « Into the Wild » de Jon Krakauer racontant l'histoire tragique de Christopher McCandless. Une fois n'est pas coutume, j'ai largement préféré le film de Sean Penn au livre, sans doute en grande partie grâce à la bande son envoutante d'Eddie Vedder. Peu de temps après j'ai enchainé avec un autre film au nom quasi-similaire, « Wild » avec Reese Witherspoon, je l'ai également beaucoup aimé. Et puis j'en suis restée là, moi-même entre deux randonnées et une tonne de livres à lire.
Je me suis remémorée ce film suite à la lecture récente du monument d'Henri Loevenbruck « Nous rêvions juste de liberté », après ce livre, gros passage à vide, et j'ai eu envie de m'évader à nouveau au gré d'un voyage par l'imaginaire. C'est pour cette raison que je me suis procuré le livre de Cheryl Strayed, dans lequel elle évoque une époque particulière de sa vie. Je viens de finir cette lecture, et c'est avec une grande émotion que je vous parle aujourd'hui de ce magnifique roman, Wild. J'aurais voulu que cette lecture ne s'arrête jamais…

« Si The Pacific Crest Trail, Volume 1 : California était ma bible, The Dream of Common Language était ma religion. Je l'ai ouvert et j'ai lu le premier poème à voix haute, ma voix couvrant le bruit du vent qui agitait les parois de ma tente. Je l'ai relu encore et encore. C'était un poème intitulé « Puissance ». p. 101

Cheryl est une jeune femme américaine qui a grandi dans le Minnesota. Elle a été élevée par sa mère Bobbi, auprès de son beau-père, Eddie, de sa soeur et de son frère. La petite famille a traversé des épisodes difficiles auprès d'un père abandonnique et violent et des périodes de vache maigre, mais a fini par trouver sa stabilité avec Eddie. Bobbi et Eddie se sont installés sur une propriété et ont construit leur maison aux-mêmes, en pleine nature. Cheryl a donc évolué au contact des animaux, des plantes, en pleine liberté. le foyer est soudé, les enfants étudient à l'université et Cheryl rencontre Paul qu'elle épouse rapidement pour son plus grand bonheur.
Malheureusement tout vole en éclat lorsque Bobbi apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du poumon incurable. Elle décède en quelques semaines et le choc est insurmontable pour Cheryl qui l'aime de manière inconditionnelle. Elle voit sa vie se briser et les relations avec ses plus proches se distendre. Les années qui vont suivre vont être pour elle une traversée du désert, une longue descente vers les limbes où elle va se perdre dans tous les excès pour oublier son chagrin.

« Rien ne le pouvait. Rien ne le pourrait jamais. Rien ne pourrait me ramener ma mère ni rendre supportable le fait qu'elle ne soit plus là. Rien ne pourrait me transporter à ses côtés au moment de sa mort. Ça m'avait brisée. Coupée de tout. Renversée. » p.49

Un jour, par hasard - mais le hasard existe-t-il? - Cheryl va tomber sur un guide de randonnée consacré au Pacific Crest Trail. le PCT est un chemin qui relie le Mexique au Canada, sur la côte Ouest des États-Unis en traversant trois États, la Californie, l'Oregon et l'État de Washington. C'est un sentier de mille sept cent kilomètres qui emprunte les crêtes des chaines de montagnes les plus hautes et les plus belles du pays, en traversant plusieurs grands parcs nationaux. L'idée fait son chemin et en mai 1995, quatre ans après la mort de sa mère, Cheryl se lance dans cette incroyable aventure. Totalement novice de la randonnée en autonomie, sans aucune préparation physique, et avec un sac à dos excessivement lourd, elle débute sa route à Tehachapi en Californie et se donne cent jours pour parcourir la plus grande distance possible. Les premières heures seront un calvaire physique, et toutes leurs petites soeurs aussi… Pourtant, et malgré les galères, Cheryl fait le pari qu'elle peut continuer.

Mais quel dommage que certains livres aient une fin… Je me suis délectée de chaque mot de ce roman autobiographique dans lequel Cheryl Strayed m'a prise par la main et entrainée avec elle sur les pistes du PCT. J'ai eu l'impression de vivre ce voyage de bout en bout, de partager avec elle l'extraordinaire beauté des paysages, montagneux ou désertiques, de percevoir les températures extrêmes, de ressentir la roche et la poussière sous mes pieds. J'ai tremblé de peur et de joie avec elle, pleuré de tristesse, de douleur, de toutes sortes d'émotions, eu le coeur réchauffé par certaines rencontres et trouvé du réconfort dans la beauté d'instants furtifs.
Ce livre raconte à la fois la marche de Cheryl et évoque ses souvenirs heureux ou tristes. C'est avant tout un récit très intime qui traite du deuil et d'une certaine manière de le traverser. Cheryl repense aux grandes étapes de sa vie et avance à la fois sur le chemin qu'elle s'est imposée et sur l'acceptation de la mort de sa mère, sur l'éloignement d'avec les siens, sur sa perception d'elle-même, de ses choix, de ses erreurs, et sur le pardon.

« Je m'apprêtais à franchir une frontière. La Californie s'étendait derrière moi tel un long foulard de soie. Je ne me trouvais plus complètement nulle. Et je n'étais pas non plus une putain de guerrière amazone. Je me sentais simplement féroce, humble et concentrée sur moi-même, en sécurité dans ce monde. » p. 373

Je crois que si j'ai été autant touchée par ce roman c'est parce que je me suis complètement identifiée au personnage de Cheryl. La randonnée, la solitude et la lecture sont pour moi vecteurs de rédemption et indispensables à ma vie. Ceux qui comme moi ont lu ou liront ce texte comprendront de quoi je parle. le style clair et simple de l'auteure amène une lecture très facile, et comme elle raconte son histoire au fur et à mesure de ses découvertes et réflexions, il m'a été on ne peut plus simple d'intégrer pleinement son récit.

Peut-être est-ce une question de timing, que c'est un livre qu'il faut lire au bon moment? Je ne sais pas, je l'ai juste trouvé extraordinaire. Et en plus il vient prouver que la volonté peut parfois accomplir des miracles, Cheryl Strayed en est le parfait exemple. C'est beau, c'est bouleversant, c'est terrible. Quelle femme forte, quel témoignage, quelle évolution durant cette marche… le parcours initiatique prend tout son sens et le témoignage qui en résulte est dur et merveilleux.
Je suis très heureuse d'avoir lu cette histoire, c'est pour moi un chef d'oeuvre.

« Ça doit être un corvidé, a-t-elle repris en la touchant délicatement du bout du doigt. Un corbeau ou une corneille, symbole du vide, a-t-elle précisé d'une voix mystique.
- du vide? ai-je répété, prise de court.
- C'est une bonne chose. C'est là que naissent les choses, qu'elles commencent. Pense à la façon dont un trou noir absorbe l'énergie avant de la relâcher sous une nouvelle forme, en recréant de la vie. » p. 204

Lien : https://leschroniquesdeminui..
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