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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Denn die Todten reiten schnell"
(Car les morts voyagent vite)

Cette fameuse phrase de "Lénore", poème romantique allemand de G. A. Bürger, n'est utilisée pas moins de deux fois par Bram Stoker. On la trouve d'abord sur le tombeau de la comtesse Dolingen von Gratz dans "L'Invité de Dracula", et ensuite dans "Dracula" même, au moment où Harker prend la diligence pour se rendre dans le sinistre château.
Alors, on pourrait presque y croire - mais en vérité, les morts voyagent très, très lentement !
Je n'ai jamais attendu aussi longtemps un livre de la masse critique...
Pour ne pas être tout à fait injuste, je dois dire que l'éditeur fait les choses avec panache, et il a réussi à faire coïncider l'arrivée de ce non-mort dans ma boîte aux lettres avec la pleine lune - ce qui ne manque pas d'un certain effet dramatique !

Mais je ne sais pas vraiment quoi penser de ce petit livre noir.
C'est censé comparer le personnage de Nosferatu de Murnau avec le personnage de Dracula vu par l'Universal Pictures et les studios Hammer. Ce n'est pas que O. Smolders n'a pas réussi son pari, mais je suis restée un peu sur ma faim.
le livre commence par la genèse du mythe vampirique - à partir de démons bibliques, passant par les croyances du Moyen-âge, jusqu'au siècle des Lumières - pour se consacrer ensuite aux vampires littéraires avant Stoker. On a l'indispensable "Vampyre" de Polidori et "Carmilla" de le Fanu, quelques mots sur Goethe et Stagg, mais cela s'arrête là. Où sont passés Coleridge, Prest, Rymer, Stenbock, et tant d'autres ? Dommage, mais passons aux choses sérieuses...

... à l'analyse nécessaire du roman de Stoker, avec son lot d'"Eros contre Thanatos", la symbolique chrétienne dans tous ses états, la psychanalyse freudienne, et le personnage solitaire du comte comme l'émissaire du Mal. A sa façon, Stoker nous a légué un parfait manuel de vampirologie, avec un héros, qui, le long du roman, inquiète plutôt par sa présence latente ou sa non-présence, que par ses apparitions ouvertes. Pascal Croce a même poussé cette idée ad absurdum, avec sa BD "Dracula". On ne voit jamais le comte, et l'histoire en est d'autant plus glaçante. Dommage que cette piste n'est pas davantage exploitée, et le livre se concentre surtout sur les apparences. Mais après tout, nous sommes au cinéma...
Alors, bien sûr, on ne peut pas oublier les gadgets pour conjurer les assoiffés de sang : l'eau bénite (ou l'eau courante), les balles d'argent, la Bible, le crucifix, et.... ?! J'ai bien peur que Smolders devrait redoubler son CP des combattants du Mal chez le pr. van Helsing - est-ce que Coppola est vraiment le seul qui a remarqué que ce ne sont pas les gousses d'ail qui marchent vraiment, mais ses fleurs ? Ce n'est pas étonnant qu'on se fait vampiriser partout à tour de bras par les descendants du "comte styrien" (sic !).

Voici enfin le combat final : "Nosferatu, eine Symphonie des Grauens" (1922), secondé par son remake d'Herzog (1979), contre une légion de Draculas de Hollywood et de la Hammer. Cette partie est assez bien faite.
L'emplacement de dents vampiriques (incisives pour Schreck et Kinski, et canines pour tous les autres) est important, tout autant que la comparaison de l'esthétisme froid et des jeux d'ombres de l'expressionnisme allemand (truffé de symboles comme les rats) avec des effets spéciaux en ketchup qui font hurler les spectateurs des années 50-60. Un monstre surnaturel au visage livide et oreilles pointues contre le dandy séducteur volubile en cape doublée de soie rouge. Gourmet contre gourmand.
Je n'ai pas compris pourquoi tout un chapitre est consacré au "Vampyr" de Dreyer (1932); c'est un beau film, mais il n'a rien à voir avec la problématique draculienne. Par contre, pas un mot sur "Dracula" de Karoly Lajthay (1921), pas un mot sur l'identité de Nosferatu de Murnau (qui s'appelle, en fait, Orlock), ni sur l'étymologie de cet étrange mot "nosferatu".
O. Smolders pourrait mieux faire, mais il se rattrape avec brio en décrivant les films de la Hammer. On voit bien qu'il est enfin sur son terrain de prédilection, et on finit la lecture, des effets spéciaux en Technicolor plein les yeux.

Finalement, nihil novi sub sole. Mais l'idée de départ est intéressante et le livre se lit facilement. L'essentiel des faits s'y trouve et tout est relativement bien structuré. Mais si vous en voulez un peu plus, prenez, par exemple, "Les Cahiers de l'Herne" sur Dracula (1997). Plusieurs avis valent mieux qu'un.
Trois étoiles - une pour Bram Stoker, une pour Max Schreck, et une pour Béla Lugosi - tous les trois, d'une certaine façon, victimes du comte maléfique.
Merci à Babelio et à la masse critique.
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