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Critique de Arakasi


Nous somme en juin 1865, à l'apogée de la carrière du plus fameux des auteurs victoriens, "L'Inimitable" Charles Dickens. Alors que celui-ci revient d'une semaine de vacances en France, le train qui le ramène à Londres subit un terrible accident, entraînant la destruction de tous le wagons de première classe, à l'exception miraculeuse d'un seul : celui qui contenait l'écrivain et sa jeune actrice de maitresse. Tandis qu'il cherche à porter secours aux rares survivants, Dickens va croiser un étrange individu nommé Drood, à l'allure aussi terrifiante qu'extravagante. Loin de secourir les blessés, celui-ci semble leur apporter la mort, chaque homme qu'il aborde ne tardant pas à expirer mystérieusement. Pourtant, une fois les victimes évacuées et les wagons déblayés, nulle trace sur les lieux du drame du mystérieux Drood et encore moins sur la liste des passagers – de quoi exciter, on s'en doute, l'intérêt d'un des auteurs les plus imaginatifs de son temps…

Dès son retour à Londres, Dickens va donc se lancer sur les traces de son "spectre", entraînant avec lui son meilleur ami et collaborateur, Wilkie Collins, prolifique auteur lui-aussi et très peu enthousiaste à l'idée d'apporter sa contribution dans cette aventureuse affaire. A la poursuite de l'insaisissable Drood, les deux écrivains vont s'enfoncer dans les bas-fonds londoniens les plus sordides, une plongée dans un enfer de crasse, de boue et de vice… Mais Drood existe-il réellement ? Ne serait-il pas une invention morbide de l'esprit surchauffé de "L'Inimitable" ? Collins en doute, mais – curiosité ou fascination perverse – il ne peut s'empêcher d'emboiter le pas à Dickens, et c'est par sa plume acide et mordante que nous découvrirons la suite de cette ténébreuse enquête.

Voici un bien curieux et troublant roman… Très ambitieux aussi, car ce n'est pas une mince tâche pour un romancier, aussi habile soit-il, que de ressusciter deux auteurs aussi illustres que Dickens et Collins et de raconter à sa sauce les cinq dernières années de la vie de l'auteur d'"Oliver Twist", au risque de faire brailler d'indignation des générations de lecteurs. Un pari risqué donc, mais un pari également fort réussi ! Certes "Drood" n'est pas dénué de défauts : on pourrait notamment reprocher à Simmons quelques longueurs et une certaine tendance à noyer le fil de son intrigue principale sous une pluie de détails et d'anecdotes (toujours très intéressants et plaisamment racontés, ceci dit), mais le roman n'en reste pas moins captivant à lire. Tenant à la fois du roman historique et du récit fantastico-horrifique, il oscille sans cesse entre les deux genres, nous entraînant à la frontière trouble qui sépare le monde des fantasmes et celui de la réalité.

Cette ambiguïté est renforcée par la narration d'un Wilkie Collins névrosé jusqu'aux os et drogué vingt-quatre heures sur vingt-quatre au laudanum, ce qui rend son témoignage des moins fiables. Les admirateurs de Collins trouveront peut-être le portrait de l'écrivain victorien trop grinçant, voire carrément négatif (idem pour Dickens qui en prend méchamment pour son grade par moment, sans perdre pour autant une miette de charisme), mais Simmons parvient néanmoins à en faire un personnage fascinant et un narrateur passionnant. La relation ambiguë qui le lie à Dickens – relation presque passionnelle où se mêlent réelle affection, admiration et jalousie maladive – est au centre du roman et en fait en grande partie l'intérêt.

En conclusion, un roman à l'intrigue noire, dense, complexe (parfois même trop alambiquée), mais tout à fait digne d'intérêt ! Mon seul regret est de ne pas avoir lu la plupart des oeuvres de Dickens et de Collins évoquées dans "Drood", ce qui m'a probablement fait manquer un certain nombre de références, mais je compte bien remédier à cela, un de ces jours !
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