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Critique de Woland


"Maigret & l'Affaire Nahour" ou la neige partout, partout, partout ... Ca crisse, ça dérape, c'est à peine si les voitures osent rouler et les passants se risquer sur les trottoirs pour se rendre au travail. Mme Maigret s'arrange d'ailleurs pour que son mari ne se sépare pas d'une écharpe spéciale (et qui gratouille horriblement), tricotée pour ces grandes occasions qui sont tout de même assez rares : ce n'est pas tous les hivers qu'on a moins quatorze degrés à Paris.

Mais, voyez comment sont les choses, de telles températures au-dessous de zéro, ça n'empêche pas les assassins d'assassiner . Probable que l'adrénaline, la vengeance, la colère, la haine, coulent si puissamment dans leurs veines qu'ils font presque du 40° là où le citoyen lambda, lui, se demande s'il va continuer longtemps à tenir encore ses 37° normaux. Vue comme ça, la haine, c'est beau, y a pas à dire et même, ça vous a un petit côté positif et en somme créatif.

Enfin, ce n'est pas tout à fait pour lui parler d'un assassinat que le Dr Pardon réveille cette fois-ci en pleine nuit son ami Maigret, qu'il a d'ailleurs eu à souper chez lui un peu plus tôt. En fait, s'il lui demande de passer le voir en dépit de cette patinoire infâme qui s'étale avec complaisance dehors, c'est pour lui raconter que, alors que les Maigret étaient partis depuis longtemps et qu'il s'occupait de paperasseries diverses, soit vers les 2 heures du matin environ, un couple a sonné à sa porte. Lui, le beau gosse de type latino-américain mais distingué et presque sans accent ; elle, la belle femme de type nordique, distinguée elle aussi et somptueusement vêtue de loutre de mer, un manteau bien pratique pour la saison et aussi pour dissimuler une blessure en apparence superficielle dans le dos. En nettoyant la plaie, Pardon fait rouler la balle qui s'y était enfoncée, une 6.35, pas le calibre utilisé par la pègre ou l'un de ses affidés. Plutôt un calibre de pistolet pour dames ...

Le temps pour Pardon de se nettoyer, d'enlever sa blouse et ses gants après l'examen et abracadabra ! quand il revient dans son bureau, plus personne. La chose était prévisible même pour le myope le plus gravement atteint, me direz-vous. Seulement, Pardon est dans l'embarras, et même dans les ennuis pour rester poli et ne pas déraper (malgré tout ce verglas) du côté d'un Rabelais plus imagé. En effet, aux yeux de la loi, tout médecin doit signaler à la police ce genre d'intervention dès lors qu'il l'a accomplie, avec nom et adresse du ou des blessés. Maigret va donc intervenir pour que son ami n'ait pas trop de problèmes et, partant, il entre de plain-pied dans ce qui deviendra "l'Affaire Nahour."

Nahour, Félix de son prénom, un riche Libanais qui vivait en France avec son épouse, une ancienne "Miss Europe" dont il avait eu deux enfants, est probablement l'homme qui a blessé (mais volontairement ou par réflexe alors que lui-même s'écroulait à terre, tué par un 7.45, il est trop tôt pour le dire) la mystérieuse inconnue de Pardon. Sous le corps, on a en effet retrouvé un 6.35 dont provient la balle récupérée par le médecin.

Seulement, qui a tué Nahour ?

Sa jeune femme, Lina, d'origine, on le saura plus tard, néerlandaise ? Mais avec quelle arme et surtout pourquoi ? L'homme avec qui elle voulait se remarier était encore plus riche que Nahour ! Evidemment, ce dernier s'opposait au divorce : c'est un mobile qui se tiendrait sans le reste des circonstances - et si la dame était un véritable Lucifer en jupons.

En ce qui concerne l'amoureux transi de la dame, le jeune et richissime Alvaredo qui, pendant l'affrontement entre Lina et son époux, à qui elle avait décidé d'annoncer ce soir-là son départ pour Amsterdam afin d'y demander le divorce, il se trouve qu'il est demeuré, à la prière même de Lina, dans son Alfa-Roméo rouge, à l'extérieur. Certes, on n'a que sa parole mais les gants qu'il portait ce soir-là, plus tard examinés, ne révèleront aucune trace de poudre - et ceux de Lina non plus, d'ailleurs.

Reste Fouad Ouéni, le "secrétaire" / membre de la famille des Nahour, un Arabe froid, calme, comme détaché de tout, musulman bien sûr, comme éternellement dégoûté des femmes et du péché et de la boisson et du jeu, etc, etc ... - de nos jours, on connaît bien leur chanson, à ces oiseaux-là . Peut-être. Mais pourquoi aurait-il tué la poule aux oeufs d'or puisque, bien qu'il n'aimât pas le terme, il était bel et bien l'employé - grassement payé - de Félix Nahour ?

Le frère, Pierre Nahour ? Oui, mais à condition qu'il ait pu être à la fois à Beyrouth et à Paris à la même heure. Idem pour le père dont on peut penser que, s'il n'a pas tué son fils cadet lorsque celui-ci a épousé Lina, ce n'était pas au bout de cinq ans et la naissance de deux enfants qu'il s'est décidé à le faire ...

Bien entendu, tout ce petit monde, divisé en deux clans, les Nahour-Ouéni d'une part et les Lina / Alvaredo de l'autre ne sont d'accord sur rien et s'accusent mutuellement. le problème, c'est que, si Felix Nahour est bel et bien mort, Lina Nahour, elle, s'est retrouvée blessée et dans le dos : on peut se faire une blessure sans conséquence dans le bras par exemple mais dans le dos, disons que ce n'est pas si facile et que, rappelons-le, c'est bien l'arme de son mari qui a causé cette blessure ...

Enfin, quand j'écris les Nahour-Ouéni, ce n'est pas tout à fait exact. Bien qu'attaché en apparence à la famille Nahour, des catholiques maronites, Ouéni est loin, bien loin d'être le personnage pur et sans tache auquel il pose. de là à assassiner, on le répète, la poule aux oeufs d'or, il y a tout de même un fossé.

Au bout de patientes instigations, d'interrogatoires qui le gênent souvent car ils le ramènent à un milieu , une atmosphère, une manière de vivre (et de divaguer) qu'il n'a jamais appréciés, l'univers des gens très riches, Maigret finira par combler le fossé avant de laisser tout ce beau monde continuer à s'agiter dans tous les sens, ne pensant qu'à l'argent et à son confort physique, financier et moral.

Tout ce beau monde sauf l'un de ses membres. A vous de deviner lequel au long de ses pages qui restent prenantes mais où, de temps à autre, comme son lecteur, Simenon donne l'impression de bâiller avec discrétion. Ces gens riches sont d'un lassant : si seulement ils avaient un peu plus de cervelle et lisaient de vrais livres au lieu de s'intéresser aux martingales (comme Félix Nahour) et de lire des revues de mode (comme Lina) ... ;o)
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