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Critique de Tempsdelecture


C'est d'abord une disparition, celle de la soeur d'Aurora, Ísafold, retournée vivre dans son Islande natale. Aurora et sa soeur sont binationales, ces deux nationalités qu'elles endossent leur viennent de leur mère anglaise et de leur père islandais. C'est un retour en Islande pour Aurora, sûrement pas pour le meilleur, qui a quitté l'île avec sa famille des années auparavant pour vivre à Newcastle : retrouver une soeur avec laquelle elle n'a rien en commun, si ce ne sont leurs origines, mais une soeur qu'elle sait maltraitée par son compagnon islandais. Je vous le disais plus haut, c'est un roman de femmes, écrit par l'une d'elles, de deux soeurs aux antipodes l'une de l'autre, un roman sur la sororité, aussi, ces liens complexes qui les unissent et qui les séparent en même temps. Si c'est une chasse à la soeur disparue qui motive son retour dans ses terres natales, Aurora va s'embringuer dans une autre sorte de chasse, celle au trésor, comme elle l'appelle, à Reykjavík.

Financial investigator, détective privée spécialisée dans le recouvrement de fonds, Aurora n'a rien de ces autres enquêtrices qui nous viennent du nord, encore moins ce prénom plutôt impromptu pour un pays où justement les journées sont presque interminables à partir du mois de juin. Une chasseresse de fraudeurs fiscaux, dont la France regorge aussi à l'instar de nos fiertés nationales que sont Cahuzac, Balkany et cie. Débusquer les criminels en col blanc, c'est son job, et l'Islande qui a connu une énorme crise financière en 2008 n'en est pas en manque. le côté décalé de cette belle femme, jeune, bien dans sa peau, et dynamique, qui a bien souvent le trésor public pour employeurs et sur la piste des dernières traces d'une soeur maltraitée finit de donner un coup de boost à notre histoire.

C'est aussi une Islande autre que chastement islandaise, un pays, qui est aussi un refuge à ces peuples qui fuient la guerre. À ces exilés qui l'ont quittée, mais qui y sont toujours rattachés d'une manière ou d'une autre. La fille-elfe, la fille-troll, l'auteure n'hésite pas à emprunter au folklore national pour quitter un peu le sol des enjeux purement prosaïques de la finance, de la maltraitance, de l'émigration aussi. J'ai l'impression de redécouvrir l'Islande et ses Islandais, de retoucher du doigt la fine pellicule de leur identité sous les yeux d'Aurora, qui, elle aussi, refait connaissance avec ce pays sous les yeux de l'étrangère qu'elle est devenue. Ce qui me manque dans les derniers romans de Arnaldur Indriðason, que je viens de goûter avec le mur des silences. Nous avons un léger aperçu de ce pays qui continue de subir les contingences de la débandade financière et bancaire de 2008.

C'est aussi l'histoire, universelle, du renversement des rapports de force, de la soeur cadette qui part protéger l'aînée, plus armée qu'elle physiquement et émotionnellement. de ces belles fortunes qui se débrouillent pour s'affranchir de leur solvabilité derrière des montages dantesques de holding pour offrir un chèque en bois aux impôts. Alors que ces mêmes banques, collaborant avec ces plus fortunés et ces plus roublards, n'oublient pas de tenir les comptes avec une précision d'horloger suisse justement de leurs clients les plus modestes. La crise financière de 2008 a laissé une fracture nette et irréversible en Islande, et imprègne tout le récit de l'auteure. Mais pas seulement. Lilja Sigurðardóttir évoque aussi la vague migratoire de réfugiés syriens qui ont fui leur pays, et dont certains ont trouvé le courage de se tailler une petite place dans le Nord Islandais : l'histoire est amorcée, le poisson est ferré, il nous faudra attendre la suite pour en connaître les grandes lignes, et le dénouement.

Lilja Sigurðardóttir a su redessiner une Islande très moderne atteinte des maux de cette modernité, femme battue, réfugié, trans, fraudeur, marginaux, où l'on ressent une très grande solitude chez tous ses habitants. Elle sait cultiver les mystères de son pays, ou trolls et elfes s'affrontent volontiers dans l'imaginaire collectif, mais aussi une réalité plus pragmatique, ou les escrocs, les hommes violents, les usurpateurs d'identité, les meurtriers ont encore de longs et beaux jours devant eux.






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