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Critique de Marpesse


Quand l'histoire s'écrit à la machette, sous-titré, dans cette nouvelle édition, "Seul celui qui a traversé la nuit peut la raconter", est un ouvrage collectif coordonné par Marc Schmitz et qui revient sur le génocide tutsi perpétré par les Hutus entre le 7 avril et la mi-juillet 1994, cent jours où la minorité tutsi va se faire massacrer par d'autres Rwandais, des voisins, des proches, des miliciens avec l'aide de l'État et dans l'indifférence générale.
L'ouvrage est très complet, très abordable et permet de comprendre dans une première partie les causes multiples qui ont conduit à ce génocide. Depuis déjà longtemps, sous divers prétextes (racisme, jalousie ethnique, manipulation, etc.), les Tutsis avaient subi les attaques de leurs compatriotes Hutus ; obligés de quitter le pays à plusieurs reprises, ils avaient acquis un statut minoritaire. Les réfugiés dans les pays voisins espéraient pouvoir retrouver leurs terres. Les premiers textes du recueil expliquent les "36 pièces du puzzle sanglant" qui ont conduit au 7 avril 1994.

La deuxième partie de l'ouvrage offre des témoignages de survivants ou de personnes étrangères témoins du massacre. Les récits sont horribles, on a du mal à concevoir de telles horreurs. le témoignage de Joël Schuermans, Casque Bleu à l'époque, dépasse l'entendement humain par les choses monstrueuses qu'il décrit et a vues. "À la recherche de Fortunée" nous entraîne dans une maison où la famille a été torturée, jusqu'à un bain d'enfants décapités, trempant dans leur sang... image choc et inconcevable qui nous laisse penser que Fortunée n'a pas pu réchapper de cette furie assassine : nous la retrouverons d'ailleurs dans un charnier, à la fin du témoignage.

La dernière partie du livre tente d'analyser et de comprendre. Comment l'ONU, la Belgique, les pays occidentaux comme la France ont-ils pu fermer les yeux et laisser faire alors qu'ils auraient eu les moyens de faire cesser le génocide en cours ? En fin d'ouvrage, une chercheuse du CNRS explique comment elle tente de faire vivre le souvenir au nom des survivants. Elle écrit d'ailleurs que "l'entrée du négationnisme, ce n'est pas le doute, ce n'est pas le mensonge, ce n'est pas l'ignorance : c'est l'abstraction", d'où l'importance de recueillir les témoignages des victimes qui ont pu, en se cachant ou avec l'aide parfois d'un voisin, survivre au pire.

Le livre, publié aux éditions Couleur livres avec le soutien de la Fondation Auschwitz en Belgique, est un document précieux, pédagogique, clair et utile. Il permet aussi de montrer par l'exemple, le témoignage et la réflexion ce qu'est un génocide, qu'il ne naît pas du jour au lendemain et qu'on ne peut pas appliquer ce terme à tous les crimes du monde, en déformant l'histoire. (On ne peut s'empêcher, au passage, d'en vouloir à ceux qui s'approprient les grands mots de l'histoire à des fins idéologiques [voir rhétorique des défenseurs du Hamas depuis le 7 octobre 2023] et qui se plaisent à tout mélanger pour créer le désordre, fabriquant, comme le nomme Céline, un "monde à l'envers"). Pour des raisons racistes, entretenues par de nombreux acteurs depuis longtemps, les Hutus, remplis de haine, sont un jour passés à l'acte.

Le livre offre aussi un ensemble de photographies et de dessins satiriques, ces derniers dénonçant l'inaction des Occidentaux.

Le but des Hutus était vraiment de se débarrasser des Tutsis. Les crimes commis à la machette le prouvent : on ne transperçait pas les ventres, on coupait les bras, les jambes, les tendons, et on violait les femmes pour empêcher la possibilité de la filiation. Ce qui pourrait être qualifié d'inhumain est malheureusement, qu'on le veuille ou non, parfaitement humain... et nous prouve encore une fois la banalité du mal.

Voir aussi le Manoir des lettres.
Lien : https://lemanoirdeslettres.f..
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