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Critique de berni_29


Intituler son premier roman, Lumière, est sacrément osé, mais le voyage que m'a proposé Christelle Saïani a tenu toutes ses promesses.
Le récit démarre comme une curieuse gourmandise, cette gourmandise de la vie qui côtoie les pages jusqu'à la fin du livre, c'est peut-être ce que je voudrais retenir avant tout...
Mais il y a bien autre chose...
Bien sûr il y a ici des personnages aux destins différents qui se croisent, s'effleurent, s'étreignent, comme Ambre, Olivier, Naïs, Léo... c'est un roman choral où chacun vient apporter sa voix, mais le personnage principal de cette polyphonie, c'est bien la lumière qui entre ici par ricochet...
Que serait la lumière sans l'ombre ? Parlerait-on d'étoiles sans évoquer un seul instant la nuit ?
Le roman commence par l'histoire d'Ambre et de Léo, un amour fusionnel... Un jour, Léo rompt brusquement cette histoire sans explication, par un seul et laconique texto... Ambre ne comprend pas ; il n'y a jamais de pourquoi pour dire l'amour qui naît, pourquoi y en aurait-il pour dire l'amour qui finit ?
Ressentir férocement le manque d'une peau contre la sienne, l'absence d'un coeur.
Alors brusquement le sol s'ouvre, Ambre plonge dans une descente abyssale... Pour Ambre, vient l'envie de disparaître, ne plus exister pour soi-même...
« Ne plus exister pour soi-même n'implique pas de ne plus exister pour les autres. »
L'amour fait mal, le bonheur des autres aussi qui lui devient insolent, carrément insupportable, surtout celui de ses voisins Olivier et Naïs... Pourtant, Ambre fait le pas pour s'excuser un jour d'un propos agressif à l'encontre d'Olivier. C'est alors le début d'une rencontre, une autre histoire, un éveil, car Olivier, dans sa joie qu'il offre à Ambre, lui révèle qu'il est atteint d'un cancer et a décidé de se battre... Ambre se relève...
Ce roman est une incroyable insoumission aux malheurs ordinaires, aux blessures de l'existence, à la maladie...
Dès lors, les personnages vont découvrir en eux et autour d'eux des territoires insoupçonnés...
J'ai aimé l'écriture poétique de Christelle Saïani, une écriture qui révèle l'audace, la sensualité à fleur de peau, l'embrasement, nos rêves, nos doutes, nos failles, nos défaites. Ce livre est empli d'odeurs, celle de la terre après la pluie, celle de la peau avant l'amour, celle de la peau après l'amour, ce livre est façonné de respirations et d'odeurs. Et brusquement, au détour des pages est venue l'insoumission, une envie folle d'aimer la vie.
C'est un rendez-vous avec soi, avec les autres.
C'est une invitation à faire la paix avec ses proches, accepter, refermer la porte tranquillement. Se souvenir des belles choses.
Les mots de Christelle Saïani sont des instants de grâce saisis dans l'apesanteur de nos vies, sur ce fil invisible où parfois nous devenons brusquement funambules sans trop savoir comment redescendre sur terre, sauf à avancer un pas puis un autre, les ailes tendues au-dessus du vide.
La rencontre d'Ambre et d'Olivier est un rendez-vous, un chemin qui va permettre de cheminer sur ce fil tendu au-dessus du vide, ce fil qui couture les âmes soeurs et qui s'appelle l'amitié.
« Avoir encore le souci du bonheur au moment où l'univers se rétrécit. »
Sous les rétines de nos yeux étonnés, les pages se déroulent comme si nos doigts éprouvaient ce besoin vital de soleil, de rires en cascade, retenir quelque chose, un geste, un regard, une lumière...
« Aimer et être aimé, c'est ce qui rend la mort redoutable. »
Dire la vie, se faufiler entre les arbres, entre les ramures du vent, parmi les champs de blé, saisir la joie innocente d'un enfant qui ne comprend rien à ce qui arrive ou à ce qui va arriver...
Dès lors que la maladie est là, chaque jour, chaque pas dans l'univers qui rétrécit, devient une forme d'insubordination.
Avec acuité, ce récit dit le corps qui renonce, ce qui devient un souvenir animal... Mais il y a autre chose aussi...
Brusquement, c'est comme un éblouissement : ne plus exister que par notre relation à ceux que nous aimons...
Ce livre m'a touché au coeur par sa petite musique, la justesse, la pudeur des sentiments, le réveil de quelques pans de mon existence forcément, le souvenir de proches qui sont partis comme cela, mon père, ma soeur, des amis aussi. Je pense à ma mère qui disait à propos de ma soeur partie trop vite : « ce n'est pas dans l'ordre des choses ». Mais ce fut juste dans l'ordre des choses qu'une mère protège dans ces moments-là sa fille, son enfant devenue fragile...
C'est ce qui me fait dire que ce récit intime touche à l'universel.
Lire et aimer ce livre n'interdit pas les larmes, elles viennent comme des digues qui s'effondrent, des rivières, des fleuves plus tard, plus loin, mais cela fait un bien terrible.
À présent que j'ai reçu la lumière de ce roman comme une offrande, je voudrais la faire voyager à travers vos yeux, vos rires, les interstices de votre peau, vos bouches gourmandes, vos coeurs fragiles et épris d'un bonheur que je souhaite fou...
«  Ce n'est pas tout de dire la vérité, toute la vérité, n'importe quand, comme une brute : l'articulation de la vérité veut être graduée, on l'administre comme un élixir puissant qui peut être mortel, en augmentant la dose chaque jour pour laisser à l'esprit le temps de s'habituer. »
Vladimir Jankélévitch
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